condamnation du retour de « la punition collective »


article de la rubrique prisons > enfermement et violences contre les jeunes
date de publication : mercredi 17 novembre 2004
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COMMUNIQUE COMMUN

Paris, le 28 octobre 2004

La punition collective : un non-sens éducatif et un déni de droit

Par le biais d’une modification de circulaire qui commente la nouvelle composition des conseils de discipline, le ministre de l’Education nationale réintroduit subrepticement la possibilité d’infliger des punitions collectives.

Certes, le ministre rappelle « qu’il est utile de souligner le principe d’individualisation de la punition ou de la sanction ».

Mais c’est pour ajouter aussitôt dans le paragraphe intitulé « moyens d’action à la disposition des enseignants en matière disciplinaire », « qu’une punition peut être infligée pour sanctionner le comportement d’un groupe d’élèves identifiés qui, par exemple, perturbe le fonctionnement de la classe. Par ailleurs, dans le cadre de l’autonomie pédagogique du professeur, quand les circonstances l’exigent, celui-ci peut donner un travail supplémentaire à l’ensemble des élèves ».

Ainsi, très clairement, « le travail supplémentaire » donné « à l’ensemble des élèves », est envisagé comme un moyen d’action en matière disciplinaire.

Cette disposition, qui cherche un alibi un peu grossier dans « l’autonomie pédagogique du professeur », constitue un recul sans précédent, à la fois du point de vue de la justice, du point de vue de l’autorité de l’enseignant et du point de vue éducatif :

• elle contrevient au principe de l’individualisation des sanctions, selon lequel « toute sanction, toute punition s’adressent à une personne ; elles sont individuelles et ne peuvent être, en aucun cas, collectives » (circulaire n°2000-105 du 11-7-2000) .Plus largement, elle est contraire aux principes fondamentaux du droit français.

De surcroît, en introduisant la notion de « travail supplémentaire » comme un moyen d’action de nature disciplinaire, elle rétablit une confusion dommageable – et condamnée dans la circulaire déjà citée – entre « les punitions relatives au comportement des élèves » et « l’évaluation de leur travail personnel ».

• cette disposition bat en brèche l’autorité des chefs d’établissement et des enseignants, que le ministre se targue par ailleurs de réhabiliter : en offrant cette solution de facilité et en contraignant à ce constat d’impuissance que constitue la punition collective, il pourrait laisser entendre que des équipes pédagogiques sont incapables d’anticiper une situation, de gérer un conflit et de cerner les responsabilités.

• enfin, le recours à la punition collective, outre un aveu implicite d’échec, est contre éducatif en tant qu’il incite dans la quasi-totalité des cas à la délation : la seule alternative consiste à dénoncer autrui, ou à subir collectivement la punition.

Elèves, enseignants, parents chefs d’établissement, personnels d’éducation ont travaillé longtemps ensemble pour établir les règles les plus justes et les plus équilibrées en matière disciplinaire.

Ils ont prévu ensemble des procédures alternatives au conseil de discipline, qui visent à anticiper les conflits, à les traiter à la racine, et à les résoudre d’abord et avant tout dans une perspective éducative.

Cette tâche est difficile, délicate et requiert la mobilisation de toute la communauté éducative.

Cette dernière ne peut accepter qu’on fragilise la vie de l’établissement scolaire par des mesures qui, conjuguant l’autoritarisme et l’arbitraire, engendrent l’injustice.

Signataires : CEMEA, CRAP-Cahiers pédagogiques, DEI-France (Défense des enfants international), Education & Devenir, FCPE, FERC-CGT, FOEVEN (Fédération des oeuvres éducatives et de vacances de l’Éducation nationale), GFEN (Groupe français d’éducation nouvelle), ICEM-Pédagogie Freinet (Institut coopératif de l’école moderne), Ligue de l’enseignement, Ligue des droits de l’Homme, OCCE (Office central de la coopération à l’école), SNPDEN-UNSA, UNL.

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Fillon rétablit la punition collective à l’école

par Laurence de Charette [Le Figaro, le 29 octobre 2004]

Une circulaire du ministère prévoit la possibilité d’infliger des sanctions à toute une classe pour rétablir le calme

Après la dictée et la récitation, voici le retour annoncé de la punition collective. La dernière circulaire de l’Éducation nationale, parue hier au Bulletin officiel du ministère, fait bondir les syndicats de parents d’élèves. Motif : le texte que dénoncent les deux principales fédérations, la FCPE et la PEEP, remet en selle la « sanction collective » qui était officiellement bannie des principes de l’Éducation depuis plusieurs années.

La deuxième partie de la circulaire relative à « l’organisation des procédures disciplinaires » porte sur les « moyens d’action à la disposition des enseignants en matière disciplinaire ». Le texte explique que « s’il est utile de souligner le principe d’individualisation de la punition ou de la sanction, il faut rappeler qu’une punition peut être infligée pour sanctionner le comportement d’un groupe d’élèves identifiés, qui, par exemple, perturbe le fonctionnement de la classe ».

Par ailleurs, poursuit la circulaire, « dans le cadre de l’autonomie pédagogique du professeur, quand les circonstances l’exigent, celui-ci peut donner un travail supplémentaire à l’ensemble des élèves ».

C’est ce dernier mot surtout qui fait sursauter les parents d’élèves. « Cette idée de travail supplémentaire, c’est en réalité la résurgence de la punition collective », dénonce Lucile Rabiller, secrétaire générale de la PEEP. « Et pour nous, c’est inacceptable. La sanction collective n’a malheureusement jamais tout à fait disparu des collèges et lycées, mais cette circulaire lui redonne une légitimité. »

La circulaire qui échauffe aujourd’hui les esprits revient en effet sur un principe fixé il y a quatre ans par une précédente circulaire du ministère de l’Éducation nationale (datée du 11 juillet 2000). Ce texte-là bannissait alors clairement la sanction collective et le « zéro disciplinaire » (le fait de mettre un zéro à un élève du fait de son comportement, sans lien avec son travail scolaire).

« Mais la sanction collective est une vieille habitude de l’Éducation nationale, critique Georges Dupont-Lahitte, à la tête de la fédération de parents d’élèves FCPE. Pourtant, infliger une sanction collective au nom de la discipline est une aberration. C’est pousser les élèves à la délation. » Et le président de la FCPE d’affirmer : « De toutes façons, la notion de sanction collective n’existe pas en droit. De plus, les sanctions sur le comportement ne doivent pas être mélangées avec le travail scolaire. »

La FCPE étudie l’opportunité de contester juridiquement le texte. La Cour européenne des droits de l’homme distingue les « sanctions disciplinaires », qui doivent être individualisées, des « punitions scolaires », qui ne sont pas soumises aux mêmes obligations.

La circulaire intervient alors que le ministre de l’Éducation a placé le retour de l’autorité au coeur de son action. Le texte souligne d’ailleurs que « le caractère spécifique de l’acte pédagogique et des missions des enseignants implique que l’autorité de ceux-ci soit respectée partout où elle s’exerce ».

Au ministère, on rétorque que le « travail collectif » éventuellement infligé doit être « pédagogique », citant l’exemple d’une « dictée pour tout le monde après un chahut général ». « Il n’y a aucune nostalgie d’un âge passé, souligne un conseiller du ministre, mais une volonté de rétablir l’autorité des professeurs, car il ne peut y avoir de transmission du savoir sans autorité des enseignants ».


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