August Landmesser, l’homme qui a dit non


article de la rubrique démocratie > désobéir
date de publication : lundi 17 mars 2014
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Un homme se croise ostensiblement les bras au beau milieu d’une foule où tous font le salut nazi. Il s’appelait August Landmesser. C’était un travailleur allemand de l’arsenal Blohm & Voss de Hambourg. La photo a été prise lors de l’inauguration navale d’un vaisseau d’entraînement, le 13 juin 1936, en présence du Führer lui même. [1]


La photo d’un homme, bras croisés, refusant de faire le salut nazi à Hambourg un jour de 1936, a fait le tour du monde grâce à une page Facebook... japonaise. Voici son histoire.

L’homme qui refusa de faire le salut nazi

Par Marie Simon, L’Express, le 9 février 2012


Il s’appelle August Landmesser. Un jour de 1936, à Hambourg, il refuse de faire le salut fasciste, au milieu d’une foule qui lève le bras à l’unisson. Il avait des "raisons personnelles de ne pas faire le salut nazi", lit-on sur le site du Washington Post.

Il s’appelle August Landmesser. Un jour de 1936, dans l’Allemagne d’Adolf Hitler, il refuse de faire le salut nazi, au milieu d’une foule qui lève le bras à l’unisson pour célébrer le départ d’un navire flambant neuf du port de Hambourg. La scène a été immortalisée par un photographe. Elle n’est pas inconnue : elle est exposée au centre de documentation "Topographie de la Terreur", situé dans l’ancien QG de la Gestapo, à Berlin. Mais le cliché est réapparu il y a quelques jours sur Internet, faisant rapidement le tour du monde.

La photo a été postée le 4 février [2012] sur la page Facebook d’une organisation visant à aider les victimes du séisme qui a touché le Japon en mars 2011. Séisme suivi d’un tsunami meurtrier et de la catastrophe de Fukushima. Depuis, plus de 108 000 internautes ont "aimé" cette photo sur le réseau social, près de 39 000 l’ont "partagée" et plus de 8500 ont déposé un commentaire.

Pour l’organisation japonaise Senri no michi, cet instantané symbolise "le courage de dire non". "Courage", c’est aussi le titre que lui a donné Fasena, un site d’informations sur le camp de concentration d’Auschwitz, cité par le Washington Post. Il n’est pas le seul bien sûr, à avoir trouvé la force de refuser. Dans les commentaires, les internautes de L’Express sont nombreux à citer d’autres cas : annie47, par exemple, cite Albert Richter, un champion cycliste qui lui aussi a dit non, dont l’histoire a été retracée dans un documentaire.

Une famille "déchirée par l’Allemagne nazie"

Revenons à August Landmesser. Quand la photo est prise, le jeune ouvrier travaille encore au chantier naval de Hambourg. D’où sa présence au lancement d’un navire Blohm & Voss. "Ce jour-là, Adolf Hitler lui-même était présent à Hambourg", précise le texte qui accompagne le cliché au centre de documentation berlinois. Un site mentionné par le Huffington Post affirme la même chose.

"August Landmesser a alors des raisons personnelles de ne pas faire le salut nazi", lit-on sur le site du Washington Post. Un an avant le cliché, en 1935, le jeune homme de 25 ans épouse Irma Eckler, 22 ans. Problème majeur dans l’Allemagne de l’époque : elle est juive. La loi nazie interdit leur union. August Landmesser est exclu du parti nazi auquel il a adhéré en 1931. Le couple défie aussi l’Allemagne nazie en mettant au monde deux petites filles, Ingrid en octobre 1935 et Irene en juillet 1937.

Le couple est arrêté en 1938. August Ladmesser et sa femme sont emprisonnés pour avoir "déshonoré la race". Ils sont condamnés aux travaux forcés. August Landmesser, lui, est remis en liberté en 1941, mais aussitôt envoyé au front, où l’on perd sa trace. Elle serait morte en détention en 1942. Les deux enfants sont envoyées à l’orphelinat. Mais elles survivent.

Comment sait-on qu’il s’agit bien de lui sur cette photo élevée au rang de quasi-icône ? En 1991, Irene reconnaît son père sur la photographie utilisée par un journal allemand. Depuis quelques années déjà, elle rassemble des documents sur le destin de ses proches. Elle en a même fait un livre, publié en 1996, dans lequel elle raconte l’histoire de sa famille "déchirée par l’Allemagne nazie".

Als die Nazis die Kommunisten holten,
habe ich geschwiegen,
ich war ja kein Kommunist.

Als sie die Sozialdemokraten einsperrten,
habe ich geschwiegen,
ich war ja kein Sozialdemokrat.

Als sie die Gewerkschafter holten,
habe ich geschwiegen,
ich war ja kein Gewerkschafter.

Als sie mich holten,
gab es keinen mehr,
der protestieren konnte.

Quand ils sont venus chercher les communistes
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas communiste.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus chercher les juifs
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas juif.

Quand ils sont venus chercher les catholiques
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas catholique.

Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait plus personne pour protester.

Texte écrit à Dachau,
attribué au pasteur Martin Niemöller (1892-1984)
interné en Allemagne de 1938 à 1945 [2]


Notes

[2Il existe plusieurs versions de ce texte, et de sa traduction – voir, par exemple : http://www.martin-niemoeller-stiftu.... Mais sa signification est unique !


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