libération des détenus malades ou âgés : la LDH dénonce l’inégalité devant la loi


article communiqué de la LDH  de la rubrique prisons > les longues peines
date de publication : vendredi 2 mars 2007
version imprimable : imprimer


Après le décès de Maurice Papon, la Ligue des Droits de l’Homme dénonce la « priorité » donnée à un « complice de la Shoah », dans la libération de détenus malades, sur d’autres détenus qui n’ont « pas bénéficié de la même humanité ».

Un bilan de l’application de la loi Kouchner montre que les suspensions de peine pour raisons médicales sont appliquées trop rarement. En bas de page, un appel à signature demandant la libération des prisonniers d’Action-directe.

[Première mise en ligne le 19 février 2007,
mise à jour le 2 mars 2007.]

COMMUNIQUÉ LDH

Paris, le 18 février 2007

Un criminel est mort dans son lit

Maurice Papon, complice de crimes contre l’humanité, condamné à dix ans de réclusion criminelle le 2 avril 1998, est mort dans son lit à 96 ans. Le 18 septembre 2002, il avait été libéré au motif qu’il était atteint « d’une pathologie engageant le pronostic vital ». Sorti de prison sur ses deux jambes pour fêter sa libération dans un grand restaurant, il aura ensuite vécu paisiblement et sans l’ombre d’un remords pendant cinq ans.

La LDH n’a pas critiqué cette suspension de peine, car elle considère que les personnes malades ou très âgées n’ont pas leur place en prison dans un Etat respectueux des droits de l’Homme, et que les lois humanitaires doivent s’appliquer même à ceux qui les ont foulées aux pieds.

Comment ne pas avoir cependant une pensée pour les jeunes enfants juifs dont Maurice Papon avait fait dresser la liste afin qu’ils soient envoyés à Auschwitz ? Ces femmes, ces hommes et ces enfants, à qui Papon a osé se vanter d’avoir fourni dans leurs wagons plombés des couvertures et des boissons chaudes par souci d’humanité, n’ont pas, eux, été libérés en considération de risques « engageant le pronostic vital ». Ils ont pourtant survécu nettement moins longtemps à leur arrestation arbitraire que Maurice Papon à sa condamnation…

Comment, surtout, ne pas rappeler qu’au jour de la libération de Papon il restait dans les prisons françaises 2 nonagénaires, 39 octogénaires et 369 septuagénaires, qui n’ont pas bénéficié de la même humanité que le pourvoyeur d’Auschwitz ? Comment oublier qu’on peut toujours vivre une phase terminale du cancer en prison, rester en cellule en ne pesant plus que trente kilogrammes, en tombant chaque nuit de son lit sans être secouru, et qu’il y a encore en détention des vieillards qui ne savent même plus où ils sont ? Comment comprendre le calvaire de Joëlle Aubron comparé à la fin de vie dorée de l’homme qui vient de disparaître ?

Il y a bien trop d’inhumanité dans le monde carcéral français pour que l’on s’indigne d’une mesure de clémence envers un vieillard, si grand criminel ait-il été. Mais il est intolérable que l’inégalité devant la loi soit aussi cyniquement assumée par les pouvoirs publics. Et que la priorité dans cette clémence ait été donnée à un complice de la Shoah, par ailleurs ancien haut fonctionnaire et ancien ministre, en dit long sur le fossé béant qui sépare les discours sur les valeurs républicaines des pratiques gouvernementales.

Sombre bilan pour la loi Kouchner

[La Marseillaise, du 28 février 2007]

Cinq ans après le vote de la loi Kouchner, les suspensions de peine pour raisons médicales sont appliquées de manière « trop restrictive » et souffrent d’un manque de structures adaptées à l’accueil des détenus malades à leur sortie, estiment magistrats, avocats et médecins.

Le bilan de la loi du 4 mars 2002 « est préoccupant voire désastreux », a estimé hier lors d’une conférence de presse à Paris la magistrate Délou Bouvier, au nom du « pôle de réflexion et d’action sur la suspension de peine », créé par des associations pour faire un suivi de la loi.

Depuis 2002, « seules 269 suspensions de peine ont été accordées » sur 533 demandes. Parmi les bénéficiaires figurait Maurice Papon,
libéré en septembre 2002. « Dans le même temps, plus de 400 détenus sont décédés en prison ; hors cas de suicide », a précisé Mme Bouvier.

« Il y a une sous-évaluation du nombre de personnes qui ont besoin d’une suspension de peine », a assuré le docteur Ludovic Levasseur, médecin à la maison d’arrêt de Villepinte, en région parisienne.
Au nom du comité consultatif national d’éthique, le professeur Didier Sicard a déploré une « inertie collective », notamment des ministères de la Justice et de la Santé.

La loi du 4 mars 2002 prévoyait deux motifs de suspension de la peine : le pronostic vital du détenu doit être engagé et son état « durablement incompatible » avec la détention. Or, a insisté Me Noël,
une jurisprudence de la Cour de cassation de septembre 2005 a précisé que le pronostic vital devait être engagé "à court terme". Une circulaire de la Chancellerie du 7 mai 2003 s’est opposé à l’application de la mesure en cas de risque de trouble à l’ordre public. La loi anti-récidive du 12 décembre 2005 a enfin exclu les cas présentant "un risque grave de renouvellement de l’infraction".

« La suspension de peine n’est appliquée que de façon très restrictive », a commenté le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, Joël Thoraval, qui a rappelé qu’étaient exclus les prévenus incarcérés en attente de jugement et les détenus atteints de troubles mentaux.

Appel pour la libération des prisonniers d’Action directe

« Les prisonniers d’Action directe ont terminé
la peine de sûreté de leur condamnation à perpétuité. Pour nous, leur peine est accomplie. Quoi que nous pensions de leurs activités passées, nous demandons leur libération dans les plus brefs délais. »

Pour signer :http://nlpf.samizdat.net/spip.php?a...


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP