La loi [...] doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse (déclaration de 1789 - art. 6)


article de la rubrique prisons > les longues peines
date de publication : mardi 31 juillet 2007
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Les anciens militants d’Action directe doivent — comme Maurice Papon — pouvoir bénéficier de la loi Kouchner de 2002.

[Première publication en mai 2004, dernière mise à jour : le 31 juillet 2007]

Nathalie Ménigon en semi-liberté à partir du 2 août 2007

[AP - 24 juillet 2007]

Le parquet général de Paris ne s’est pas pourvu en cassation contre la décision de la cour d’appel de Paris d’accorder une mesure de semi-liberté à Nathalie Ménigon, ex-membre d’Action Directe, qui devient donc définitive, a-t-on appris mardi de source judiciaire.

La semi-liberté signifie que la personne travaille à l’extérieur dans la journée, mais retourne en détention pour la nuit. La mesure doit prendre effet le 2 août.

Cet aménagement de peine accordé par la chambre d’application de peines de la cour d’appel de Paris ouvre "sur une possibilité de libération conditionnelle dans un an". L’ex-terroriste, dont la période de sûreté a expiré il y a deux ans, devrait donc être totalement libre de ses mouvements en été 2008.

D’ici là, elle devra réintégrer sa cellule tous les soirs et y passer le week-end. Elle est par ailleurs interdite de toute prise de parole ou de position publique que ce soit dans la presse ou à travers un livre.

Partiellement hémiplégique à la suite d’accidents vasculaires cérébraux, Nathalie Ménigon doit être transférée de la prison de Bapaume (Pas-de-Calais) en région toulousaine où elle doit travailler dans une association.

Le 24 octobre dernier, le tribunal avait rejeté la demande de suspension de peine pour raison médicale déposée par l’ancienne terroriste. Le tribunal d’application de peines pour les affaires terroristes lui a ensuite accordé une semi-liberté le 10 mai dernier, mais le parquet avait fait appel de cette décision estimant son projet de réinsertion inadapté. A l’audience devant la Cour d’appel, le parquet général s’est également opposé à sa libération.

Incarcérée après son arrestation en 1987, Nathalie Ménigon a été condamnée en janvier 1989 à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du patron de Renault, Georges Besse, le 17 novembre 1986.

En 1994, elle a de nouveau été condamnée à perpétuité pour sa participation à l’assassinat le 26 janvier 1985 du général René Audran, inspecteur général de l’armement.

Joëlle Aubron avait été libérée pour raisons de santé en juin 2004, et est décédée en mars 2006. Jean-Marc Rouillan et Georges Cipriani sont encore détenus, toutes leurs demandes de libération ont toujours été rejetées. AP

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La Loi et la Justice pour les détenus d’Action Directe !

[ Toulon, le 11 mai 2004]

Joëlle Aubron, Georges Cipriani, Nathalie Ménigon, Jean-Marc Rouillan et Régis Schleicher sont détenus depuis une vingtaine d’années pour des assassinats et d’autres crimes. Le fait qu’ils les aient commis pour un motif politique ne rend pas leurs actes plus acceptables. Les détenus d’Action Directe ont semé une violence que rien ne peut justifier. Ils ont été jugés et condamnés pour cela : à perpétuité.

Aujourd’hui, leur état de santé n’est plus compatible avec le maintien en détention. Des lois existent qui permettent de mettre en liberté conditionnelle un condamné ou de suspendre l’exécution d’une peine afin de mieux soigner ou parce que le pronostic vital est irrémédiablement compromis.

Le délibéré pour la suspension de peine (loi Kouchner du 4 mars 2002) de Joëlle Aubron, atteinte d’une tumeur au cerveau, sera rendu le 28 mai 2004. La section de Toulon de la Ligue des droits de l’Homme espère qu’une décision favorable sera alors rendue pour Joëlle Aubron. Plus de 20 ans après les faits, il est temps de reconnaître à ces hommes et à ces femmes le bénéfice de l’égalité devant la loi. À défaut, la justice qui les a condamnés se transformerait en vengeance.

La section de Toulon de la LDH demande solennellement que cette loi puisse bénéficier à tous les détenus dont l’état de santé n’est plus compatible avec la détention, dans un esprit de justice et d’humanité.

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Pourquoi refuser à Nathalie Ménigon ce qu’on a accordé à Maurice Papon ?

[ Toulon, le 27 avril 2004 ]

Incarcérée depuis 17 ans, Nathalie Ménigon a demandé à bénéficier de la loi Kouchner du 4 mars 2002 permettant de suspendre une peine si l’état du détenu est jugé "durablement incompatible avec le maintien en détention" ou si le pronostic vital est engagé. Mais la juridiction nationale de libération conditionnelle a rejeté sa demande, vendredi 9 avril 2004.

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Deuc poids, deux mesures - © Dominique Hasselmann

83 détenus ont bénéficié de cette loi en 2002 et 2003. Le cas le plus célèbre est celui de Maurice Papon : condamné à 10 ans de prison pour complicité de crimes contre l’humanité, l’ancien haut fonctionnaire de Vichy a été libéré en 2002 après deux années d’emprisonnement. Présenté à l’époque comme étant à l’article de la mort, Maurice Papon prépare maintenant activement la révision de son procès. Plus récemment, Loïk Le Floch-Prigent, 60 ans, condamné le 12 novembre 2003 à cinq années d’emprisonnement dans l’affaire Elf, a bénéficié de cette loi le 8 avril dernier.

Ancienne militante d’Action directe [1], Nathalie Ménigon, aujourd’hui âgée de 47 ans, avait été condamnée en 1989 et 1994 à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat de Georges Besse, le P-DG de Renault, le 17 novembre 1986, et pour sa participation en 1985 à l’assassinat de l’ingénieur général René Audran.

Brisée physiquement et psychologiquement par des années d’isolement et des conditions de détention particulièrement rudes, Nathalie Ménigon, est aujourd’hui partiellement hémiplégique à la suite de deux accidents vasculaires cérébraux. Elle est au bout du rouleau.

Son maintien en détention ne semble plus répondre qu’à une volonté de vengeance, une motivation qui doit rester étrangère à une institution judiciaire sereine. Le principe d’humanité qui a prévalu pour Maurice Papon doit prévaloir pour Nathalie Ménigon.

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LA LOI, LA JUSTICE ET LA VENGEANCE

par Michel TUBIANA - Président de la LDH

[ Paris, le 28 avril 2004]

Ils sont cinq à être détenus pour avoir commis des assassinats et d’autres crimes. Le fait qu’ils les aient commis pour un motif politique ne rend pas plus acceptables leurs actes. Les détenus d’Action Directe ont semé une violence que rien ne peut justifier. Ils ont été jugés et condamnés pour cela : à perpétuité.

L’un d’entre eux, Régis Schleicher, est détenu depuis 21 ans. Il est libérable mais ses demandes de libération conditionnelle se heurtent à une permanente fin de non recevoir. L’esprit de Georges Cipriani tangue entre les murs des hôpitaux psychiatriques et ceux des prisons. Depuis longtemps, Georges Cipriani a perdu jusqu’au sens du temps, des lieux et de la peine qu’il purge. Nathalie Ménigon, atteinte par deux accidents cérébraux-vasculaires, pratique l’auto-mutiliation et son état mental comme physique fait qu’elle se traîne plutôt qu’elle ne vit. On vient de la maintenir dans cet univers. Joëlle Aubron et Jean-Marc Rouillan sont atteints d’un cancer. Tous ont subi des conditions de détention que l’administration pénitentiaire réserve aux rebelles et à ceux qu’elle a désignés comme l’objet de toutes ses peurs : isolement, surveillance accrue, visites réduites, etc.

Que signifie le maintien en détention de ces ombres ? Certes, des lois existent : elles permettent de mettre en liberté conditionnelle un condamné ou de suspendre l’exécution d’une peine afin de mieux soigner ou parce que le pronostic vital est irrémédiablement compromis. Mais comment penser que ces lois sont normalement appliquées, non seulement dans leur lettre mais aussi dans leur esprit, à ceux et à celles qui ont autant défié la société ? Pourtant, la force d’une démocratie réside dans sa volonté de ne pas réserver de traitement d’exception, fût-ce à des faits exceptionnels. C’est de ramener chacun à l’aune de la règle commune. Plus de 20 ans après les faits, il est temps de reconnaître à ces hommes et à ces femmes le bénéfice de l’égalité devant la loi. À défaut la justice qui les a condamnés se transforme en vengeance.

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Vengeance d’État

par Pierre Marcelle [ extrait de l’article Un meeting paru dans Libération le mardi 27 avril 2004]

Le cynique détournement de la loi Kouchner de 2002, dont bénéficia notamment Maurice Papon, prolonge pour les prisonniers d’Action directe un verdict indicible qu’une vengeance d’Etat entretient, et qui condamne Joëlle Aubron, Georges Cipriani, Nathalie Ménigon, Jean-Marc Rouillan et Régis Schleicher à une mort lente et désespérée. En atteste le cas de ce dernier, incarcéré depuis vingt et un ans (soit la plus longue peine jamais subie par un politique dans une prison française), conditionnellement libérable depuis trois ans, mais dont le refus de se renier constitue, sous le prétexte d’une tentative d’évasion, l’an dernier, la véritable raison de son maintien en détention.

Notes

[1Les anciens compagnons d’Action directe, Joëlle Aubron, 44 ans, et Jean-Marc Rouillan, 51 ans, également condamnés à perpétuité, ont aussi déposé des demandes de libération pour motifs médicaux, qui seront examinées prochainement. Joëlle Aubron a été hospitalisée en mars pour l’ablation d’une tumeur cancéreuse au cerveau. Jean-Marc Rouillan, emprisonné à Moulins (Allier), souffre d’un cancer du poumon décelé fin 2003. Un quatrième ex-membre d’Action directe, Georges Cipriani, a quant à lui sombré dans la démence en prison mais la loi Kouchner ne permet pas de libération dans ce type de cas.


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