va-t-on ficher les délinquants sexuels en mairie ?


article de la rubrique prisons > les longues peines
date de publication : mercredi 27 février 2008
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La réponse est oui . Nous l’avons découvert le jour même où nous avons mis cette question en ligne. La question de Jacques Pélissard, député-maire (UMP) de Lons-le-Saunier, président de l’Association des maires de France, était donc de pure forme : le maire sera alerté dès qu’un délinquant sexuel s’installera dans sa ville.

En Angleterre, la police commence à ouvrir ses fichiers aux parents. Aux Etats-Unis, les données personnelles de plusieurs centaines de milliers de délinquants sexuels sont accessibles sur Internet.

Suite à l’adoption de la loi sur la rétention de sécurité — une façon de rétablir une peine de mort lente — et au refus qu’elle ait un effet rétroactif, il est probable que, Nicolas Sarkozy qui semble s’être déclaré favorable à l’application de la peine de mort pour certains crimes de pédophiles, soulèvera la question un jour ou l’autre. Espérons que le contre-exemple américain saura nous convaincre d’aborder ces problèmes de façon moins démagogique, en commençant, comme le propose André Vallini, par soigner les malades qui sont maintenant plus nombreux en prison que les escrocs.


Les délinquants sexuels fichés en mairie ?

par Alexandra Guillet, LCI.fr, le 20 février 2008
  • LCI.fr - L’Angleterre vient d’adopter un texte qui va permettre, à titre expérimental, à des parents de quatre régions de pouvoir géolocaliser d’éventuels voisins pédophiles. Pensez-vous que cette mesure soit applicable en France ?

Jacques Pélissard - Non, je trouve cette initiative particulièrement dangereuse car la priorité est donnée à la seule protection de la société. Cela veut dire qu’on jette l’opprobre sur les délinquants condamnés et qu’on leur coupe toute possibilité de réinsertion. Je pense qu’il faut trouver une voie médiane entre la protection de la société et la réinsertion des délinquants condamnés. Cela passe par la prévention. Et en cette matière, les maires ont un rôle essentiel à jouer qu’il faut renforcer.

  • C’est-à-dire ?

La loi de prévention de la délinquance votée en janvier 2007 prévoit que les maires doivent être informés, s’ils le demandent, des suites judiciaires données à tous les actes de délinquance qui sont commis sur leur territoire communal. A mon avis il faut aller plus loin et que les maires soient également informés de l’arrivée dans leur commune d’un condamné pour acte pédophile.

  • Quel serait l’intérêt d’une telle initiative ?

Si le maire est informé par le parquet ou le juge d’application des peines que Monsieur Dupont ou Durand, condamné pour pédophilie, vient s’installer sur sa commune, il pourra connaître le lieu d’habitation du condamné et vérifier s’il est à proximité d’une école ou d’une assistante maternelle qui garde des enfants. Le maire est un officier de police judiciaire tenu par le secret professionnel. Les travailleurs sociaux sont tenus à la même discrétion. Partager ce genre d’information confidentielle permettrait de veiller à la bonne conduite du condamné envers les enfants du voisinage. Et cela, sans pour autant que toute la population le sache.

  • Cela signifie, par exemple, que l’on pourrait donner une photo de l’individu au directeur de l’école voisine ?

Eventuellement puisque le directeur de l’école est lui aussi tenu au secret professionnel. Il ne faut pas prendre une peur panique parce qu’un condamné sexuel habite à côté d’une école. Il suffit d’être vigilant. Le maire peut être le gardien de la vigilance. Alors que la population, elle, réagit avec l’opprobre. Et c’est ce qui me paraît dangereux dans l’expérimentation britannique.

  • Votre proposition n’est-elle pas une manière de remettre en cause les systèmes de réinsertion existant pour les délinquants sexuels ?

Non, les délinquants sont quand même soignés en prison. Mais un beau jour ils sortent et ils peuvent avoir des pulsions qui les amènent à la récidive. Plus les lieux de leur habitat ou de leur travail seront faciles pour encourager la récidive, plus il faudra être vigilant. Ca doit être le rôle du maire de veiller au grain en fonction des lieux de résidence des pédophiles condamnés.

  • Vous allez proposer un amendement à l’Assemblée nationale ?

Pour être un coordinateur efficace de la prévention de la délinquance, comme le veut la loi de 2007, il faut être un coordinateur informé. Je présenterai donc un amendement dès que l’occasion se présentera lors d’un débat dans l’hémicycle.

Contre la pédophilie, le Royaume-Uni ouvre les fichiers de police

Le Royaume-Uni autorisera les parents à se renseigner sur les antécédents judiciaires des personnes qui côtoient régulièrement leurs enfants. Un projet-pilote lancé l’été prochain.

[LIBERATION.FR], le 18 février 2008

Etes-vous sûr du nouveau prof de votre enfant ? Et de votre voisin ? A partir de cet été, les parents vont pouvoir vérifier si des personnes ayant un contact régulier avec leurs enfants ont été condamnées pour des actes de pédophilie. Cela se fera auprès de la police dans quatre régions du Royaume-Uni, a annoncé dimanche la ministre de l’Intérieur.

Ce projet pilote doit être lancé dans les comtés du Cambridgeshire, du Hampshire, de Cleveland et du Warwickshire, a annoncé Jacqui Smith dans l’hebdomadaire dominical News of the World. « Je souhaite que nous étendions rapidement cette initiative au niveau national » en Angleterre et au Pays de Galles, a-t-elle précisé.

Les parents, notamment les mères célibataires, auront ainsi la possibilité de vérifier les éventuels antécédents de pédophilie des personnes entrant en contact régulièrement avec leurs enfants, y compris les voisins, d’autres membres de la famille ou un nouveau compagnon.

C’est à la police et aux services de mises à l’épreuve qu’il appartiendra de décider du volume d’informations diffusées au cas par cas. « J’espère que toute personne qui se soucie de la sécurité de chaque enfant en Grande-Bretagne et de la tranquillité d’esprit de chaque famille accueillera favorablement l’initiative que nous prenons », a déclaré Jacqui Smith, qui doit présenter lundi un Plan d’action pour lutter contre la violence. « Il y a peu de crime qui soit pire et plus choquant que les crimes sexuels contre les enfants. Neuf cas sur dix d’agression sexuelle sur enfant sont le fait de personnes connues de l’enfant », a-t-elle souligné.

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Aux Etats-Unis...

« Il y a 650.000 délinquants sexuels identifiés aux Etats-Unis et ce nombre augmente d’environ 25.000 chaque année. Voulez-vous savoir si certains d’entre eux vivent dans votre quartier ? »

C’est la question posée par la société américaine Vision 20/20 à laquelle elle répond sur son site internet : il vous suffit de donner votre adresse avec le code postal pour voir apparaître une carte du quartier sur laquelle sont localisés les individus coupables de délits sexuels en liberté. En cliquant sur la carte vous pourrez consulter le profil complet de chaque délinquant identifié (nom, adresse, photographie et description des délits commis). Il est même possible d’être alerté par mail ou SMS dans le cas où de nouveaux délinquants viendraient s’installer dans le quartier.

Mais il faut croire que cette politique n’a pas une grande efficacité puisque la population carcérale américaine vient d’atteindre le niveau record de 2,3 millions de détenus. Près d’un Américain sur 100 est actuellement derrière les barreaux [1], alors que la France ne compte actuellement qu’un détenu pour 1000 habitants.

Du populisme pénal

une interview d’André Vallini, député, secrétaire national du PS chargé des institutions et de la justice
par Katell Prigent, LeJDD.fr, le 22 février 2008

Le Conseil constitutionnel a approuvé jeudi la création de centres d’enfermement à vie pour les criminels dangereux incluse dans le projet de loi Dati sur la rétention de sûreté.

André Vallini - Les experts psychiatres vous diront que le pronostic de récidive est impossible à faire. A partir de là, soit on maintient tout le monde à vie en détention, et c’est une peine de mort lente, soit la commission prend le risque de relâcher quelques-uns. S’il recommence, que va dire la commission aux familles des victimes ? On veut faire croire aux familles que le risque zéro existe or le risque zéro n’existe pas. Au bout de cette logique, c’est l’enfermement à vie voire le rétablissement de la peine de mort, parce que la seule possibilité d’un risque zéro de récidive, c’est la peine de mort. Ce gouvernement et cette ministre de la justice font du populisme pénal. C’est de l’illusionnisme. Cela ne résout en rien les problèmes de fond.

  • Que proposez-vous contre la récidive de ce genre de criminel ?

Nous sommes évidemment horrifiés comme tout le monde par ce genre de crime. J’ai présidé la commission Outreau, je sais de quoi je parle. La seule vraie solution, c’est de soigner ces détenus dès le premier jour de prison. C’est ce qui se fait au Canada. Ils sont soignés dès les premiers jours et suivent ensuite un parcours durant toute leur détention. Ce sont des malades, dangereux certes, mais ce sont avant tout des malades. Il faut les soigner.

  • Mais à leur sortie de prison, comment savoir s’ils ne vont pas récidiver ?

Si le type est reconnu comme dangereux, il existe déjà une loi qui permet au préfet de le faire enfermer en hôpital psychiatrique. L’hospitalisation d’office (HO) permet à un maire ou un préfet de faire interner quelqu’un qu’il juge dangereux pour lui-même ou pour autrui. Ce n’était pas la peine de faire une nouvelle loi. Francis Evrard n’a jamais été soigné [2]. Il n’a jamais eu de contrôle judiciaire, de bracelet électronique...Rien de cela n’est fait aujourd’hui. Pour dissimuler le manque de moyens, on fait des lois. Il y a un manque cruel de psychiatres dans les prisons. Actuellement, il y a 700 postes vacants de psychiatres dans les prisons.

  • Que feriez-vous si vous étiez au gouvernement ?

Sur des questions aussi lourdes, il faudrait d’abord prendre le temps de réunir les syndicats de magistrats, d’avocats, de professionnels médicaux...Et de remettre à plat toutes les dispositions qui existent déjà. Il y a la loi Guigou, la loi Perben, la loi Clément, qui ne peuvent être correctement appliquées faute de moyens.

  • Il faudrait donc plus de moyens ?

La société ne veut pas voir les choses en face. Evidemment, si on dit aux gens qu’il faut investir dans les prisons, ils vous répondre qu’il vaut mieux mettre l’argent ailleurs. Il faut avoir du courage politique. Il faut un plan Marshall des prisons pour que les conditions de vie y soient dignes mais aussi pour soigner les gens. Je visite souvent les prisons. Il y a maintenant plus de malades en prison que d’escrocs. Les prisons sont devenues l’annexe des hôpitaux et notamment des hôpitaux psychiatriques. Ce sont des lieux où on se débarrasse des gens dont on ne sait pas quoi faire.

[Propos recueillis par Katell Prigent (extraits)]

Notes

[1D’après un rapport publié par le Pew center

Les statistiques sont particulièrement frappantes parmi les minorités : alors qu’un adulte blanc sur 106 est incarcéré, c’est un Hispanique sur 36 et un Noir sur 15 qui sont en prison.

[2Francis Evrard, pédophile arrêté à Roubaix en août alors qu’il venait de violer un enfant, après sa libération au bout de 18 ans de réclusion pour des faits similaires (ndlr).


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