la LDH dénonce le retour de l’ordre religieux


article de la rubrique libertés > censure
date de publication : mars 2005
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Après la décision de la justice d’interdire l’affichage d’une publicité des créateurs de mode Marithé et François Girbaud qui présentait une libre interprétation de "La Cène" de Léonard de Vinci ...


Communiqué LDH

Paris, le 11 mars 2005

La LDH dénonce le retour de l’ordre religieux
au sujet d’une affiche publicitaire interdite

Le 10 mars 2005, le président du Tribunal de grande instance de Paris a interdit l’affichage d’une publicité réinterprétant librement le tableau de la Cène de Léonard de Vinci.

Cette décision d’interdiction est une scandaleuse régression.

Le juge des référés, en effet, donne raison à la Conférence des évêques de France, par le biais de l’association « Croyance et libertés », selon laquelle cette affiche porte atteinte à la foi des catholiques. C’est donc le délit de blasphème qui est restauré, et de façon particulièrement explicite, puisque le tribunal estime que la présence de cette publicité dans un lieu public constitue « un acte d’intrusion agressive et gratuite dans le tréfonds des croyances intimes », et une « injure ainsi faite aux catholiques ». Le montant exorbitant de l’astreinte dont est assortie cette décision (100.000 euros par jour de retard) démontre le caractère idéologique de cette décision.

Dans l’image ainsi sanctionnée, les apôtres comme le personnage de Jésus sont des femmes à l’exception d’un homme de dos et torse nu.

En indiquant explicitement que « la légèreté de la scène fait par ailleurs disparaître tout le caractère tragique pourtant inhérent à l’évènement inaugural de la Passion », le tribunal interdit une représentation qu’il juge non orthodoxe de la Cène, donnant ainsi le point de vue de l’État sur une question strictement religieuse.

En retenant que « la présence, dans une position non dénuée d’ambiguïté, d’un homme dos nu, introduit un motif de dérision inutilement provocateur », le juge des référés interdit au nom d’un sentiment religieux une représentation qui devrait être d’autant plus libre qu’elle est ici profane : c’est le retour de l’inquisition.

L’interdiction de l’affiche du film Ave Maria en 1984 par la même juridiction avait été clairement sanctionnée par deux fois par la Cour de cassation en 1987 et 1990, car aucun trouble d’une gravité exceptionnelle ne justifiait la compétence du juge des référés. Depuis, ce dernier avait refusé les demandes d’interdiction d’affiches de films (Larry Flint, Amen) sollicitées par les catholiques traditionnels ou intégristes.

Cette décision est donc une atteinte délibérément disproportionnée à la liberté d’expression de la publicité, laquelle ne devrait avoir de comptes à rendre qu’aux artistes qu’elle pille pour vendre.

La LDH interviendra en appel aux côtés des publicitaires.

L’association Croyance et libertés, émanation de la Conférence des évêques de France, avait assigné les créateurs, l’agence de conseil en publicité Air Paris ainsi que l’annonceur, responsable de la diffusion de la publicité, devant le TGI pour injure visant un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée, en l’occurrence le catholicisme.
L’affaire avait déjà été évoquée lors d’une précédente audience, le 25 février, mais avait été renvoyée car l’assignation de l’association ne visait pas explicitement le diffuseur de la campagne, seul à même d’exécuter une mesure d’interdiction.
Dans leur nouvelle assignation étudiée le 10 mars par le tribunal, les évêques avaient limité le champ de leur demande d’interdiction. Alors qu’ils souhaitaient initialement l’interdiction de l’ensemble de la campagne publicitaire (presse, affichage), ils n’ont finalement demandé l’interdiction que d’une seule grande affiche mise en place, avenue Charles de Gaulle, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).

Jésus et ses apôtres en femme

Dans la publicité, les apôtres comme le personnage de Jésus sont des femmes habillées des vêtements de la marque, sur fond gris perle. Un seul homme apparaît, torse nu et de dos, habillé d’un jean et entouré des bras de l’une des "apôtres".
L’association Croyance et libertés juge cette publicité indécente car elle constitue, du fait de son caractère "mercantile", "une blessure à l’égard d’un élément fondateur pour les catholiques", à savoir le dernier repas du Christ avant sa mort.
La représentante du parquet, Pauline Caby, n’a pas admis cet argument. "Interdire une affiche au seul motif qu’elle représente un épisode des Evangiles reviendrait à une censure de principe dont le caractère serait excessif", a-t-elle dit.


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