Shlomo Sand à nouveau censuré à Nice


article de la rubrique libertés > censure
date de publication : lundi 14 septembre 2015
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Dans son livre Comment la terre d’Isräel fut inventée, publié en septembre 2012, Shlomo Sand, professeur d’histoire à l’Université de Tel-Aviv, remet en cause l’historiographie officielle de son pays.

Est-ce la raison pour laquelle la ville de Nice vient pour la seconde fois de l’empêcher de s’exprimer dans le cadre de débats organisés autour de ses écrits ? La Ligue des droits de l’Homme de Nice proteste contre ce qu’elle considère comme des actes de censure dont les seules victimes sont des opposants au gouvernement Netanyahu.


Communiqué de la section de Nice de la LDH

Nice le 13 septembre 2015.

Le maire de Nice a une conception Nord-Coréenne de la liberté d’expression : il ne la conçoit que dans la mesure où elle ne vient pas contrarier la petite musique instillée en permanence à Nice par les relais locaux de M Netanyahu : conférences, jumelages, voyages officiels, etc. Aucun opposant israélien à Netanyahu ne peut s’exprimer à Nice.

Déjà le 14 novembre 2014, M. Sand a été empêché de s’exprimer à Nice (UNIA) sur le thème “Comment la terre d’Israël fût inventé”.

La question “Israël et Palestine comment gagner la paix ?” à l’évidence, n’intéresse pas M. Estrosi, ainsi que les relais locaux de M. Netanyahu.

Communiqué de l’association « Les amis de la liberté »

Nice, le 12 septembre 2015

Le professeur Shlomo Sand de nouveau empêché de s’exprimer à Nice

Le Professeur Shlomo Sand, historien à l’Université de Tel Aviv, devait donner une conférence jeudi 17 septembre à Garibaldi dans le cadre des Rencontres de la Pensée Critique organisées par Les amis de la liberté sur le thème « Israël et Palestine, comment gagner la paix ? ». Il n’en sera rien car la ville de Nice a annulé la réservation de l’amphithéâtre de Garibaldi « considérant l’extrême sensibilité de ce sujet en cette période d’activation du Plan
Vigipirate — Niveau Alerte attentat.

C’est la deuxième fois que le professeur Shlomo Sand est empêché de s’exprimer à Nice. La fois précédente, c’était il y a quelques mois, M. Sand n’avait pas pu s’exprimer à l’UNIA, et cela avait donné lieu à une vive polémique qui avait vu les uns s’insurger contre une atteinte à la liberté d’expression tandis que les autres y voyaient l’effet de l’influence des milieux pro-israéliens.

Cette fois-ci, le motif invoqué – le Plan Vigipirate – est « propre et net » ; qui y trouverait à redire ? Il va de soi que nous ne sommes pas dupes ! Le Plan Vigipirate se justifie, certes, pour des raisons évidentes d’ordre public, de sécurité des biens et des personnes, mais il sert aussi, accessoirement, à cadenasser le débat public. Nous élevons une énergique protestation contre la décision de la ville de Nice, qui ne saurait entamer la détermination des partisans d’une issue juste au conflit israélo-palestinien.

Louis Broch, Président d’honneur
Daniel Amédro, Président

Shlomo Sand remet en cause l’histoire officielle d’Israël

par Tristan Denonne - publié le 19/09/2012 dans Le Monde des religions


Comment la terre d’Israël fut inventée : c’est le titre choc du nouvel essai de Shlomo Sand. Professeur à l’université de Tel-Aviv, il affirme que l’histoire de son pays, telle qu’elle est le plus souvent présentée, relève davantage de la mythologie biblique que de la réalité. D’après l’Ancien Testament, des royaumes juifs étaient établis en terre d’Israël jusqu’à ce que leurs habitants fussent contraints à l’exil. Les historiens situent généralement cette dispersion au Ier siècle de l’ère chrétienne, lorsque les juifs deviennent — selon l’expression consacrée — « un peuple sans terre ».

Certains courants nationalistes, sionistes en l’occurrence, s’appuient sur cette version de l’histoire pour légitimer la création de l’État d’Israël en 1948 — le peuple juif ne ferait que recouvrer sa patrie après des siècles d’exil… Mais pour Shlomo Sand, le « Royaume d’Israël » mentionné dans la Bible ne correspond pas à l’État actuel : il désignerait uniquement la Samarie, soit la moitié nord ; les villes de Jérusalem, Hébron ou encore Bethléem n’en feraient pas partie. Les rois précédents ayant « régné sur des lieux appelés Canaan ou Judée », ce serait un abus de langage d’assimiler ces régions les unes aux autres.

La « terre d’Israël » serait une construction historiographique tardive. Elle « n’a définitivement pris forme qu’au début du XXe siècle, écrit-il, après des années passées au purgatoire protestant qui l’ont polie jusqu’à en faire un concept géopolitique resplendissant. » Son origine serait évangélique. Mentionnée pour la première fois dans le Nouveau testament, la « terre sainte » faisait battre le cœur des chrétiens — pèlerins, croisés… —, tandis que les juifs s’en seraient désintéressés. Même la proclamation rituelle « l’an prochain à Jérusalem » désignait alors, avance Shlomo Sand, « la prière pour une rédemption prochaine » et non « un appel au passage à l’acte ».

À partir du XVIe siècle, certains courants protestants entreprennent de lire la Bible comme un livre d’histoire ; ils acquièrent la conviction que « la rédemption chrétienne de toute l’humanité ne viendrait qu’avec le retour dans Sion des fils d’Israël ». Selon Shlomo Sand, ce « sionisme chrétien » se diffuse dans la culture européenne jusqu’à inspirer, au XIXe siècle notamment, un sionisme politique. « Il faudra les coups terribles qui s’abattront sur les juifs et la fermeture des frontières du « monde éclairé » pour conduire, finalement, à la création de l’État d’Israël. »

Dans la lignée d’historiens postsionistes, Shlomo Sand critique cette utilisation de la religion au profit du nationalisme : « tous les écoliers israéliens qui étudient la Bible comme s’il s’agissait d’un manuel d’histoire intègrent ce mythe comme une vérité historique », dénonce-t-il lors d’un entretien avec Élisabeth Lévy. « Que la terre d’Israël promise par Dieu aux Hébreux soit un mythe et pas une vérité historique, d’accord, mais la belle affaire ! l’interpelle la journaliste. Tous les peuples, toutes les communautés humaines se nourrissent de mythes. » — « Encore faut-il savoir que ce sont des mythes », rétorque Shlomo Sand. Bref, le débat est désormais ouvert.

P.-S.

Vous pourrez sur ce site lire les textes suivants de S. Sand :


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