la Commission européenne adopte un dispositif antiterroriste inspiré du modèle américain


article de la rubrique Big Brother > l’Europe de Big Brother
date de publication : mercredi 7 novembre 2007
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Invoquant la “lutte contre le terrorisme”, la Commission européenne adopte un ensemble de propositions de son vice-président Franco Frattini, en vue de doter l’Union européenne d’un système de gestion des données personnelles des passagers aériens, en provenance ou à destination de l’UE, analogue à celui que les Etats-Unis ont mis en place après les attentats du 11 septembre 2001.

Pour pouvoir entrer en vigueur, ces mesures devraient être adoptées à l’unanimité des vingt-sept Etats membres de l’UE, mais elles sont déjà l’objet de vives critiques de la part d’associations de défense des droits de l’Homme au motif qu’elles vont à l’encontre du droit à la vie privée.


Si les Vingt-sept adoptent les propositions de la commission, les compagnies aériennes devront, comme aux Etats-Unis, transmettre aux autorités 19 catégories de données fournies par les passagers lors de l’achat du billet, dont les adresses e-mail, les numéros de téléphone ou les moyens de paiement du billet. Ces informations pourraient être conservées pendant 15 ans.

Ce projet soulève les mêmes critiques que celles qui avaient été faites à l’accord entre l’Union européenne et les Etats Unis sur le transfert des données personnelles des passagers aériens (PNR).

« Le point de départ n’est plus le suspect, mais les non-suspects, c’est-à-dire tous les passagers aériens », note Peter Schaar, responsable de la Commission allemande de protection des données [1] et coordinateur des Cnil européennes, qui doute de l’efficacité de telles mesures. En revanche, observe-t-il, collecter autant d’informations n’est jamais anodin : « une fois les données présentes, les utiliser à d’autres fins ne demanderait que des aménagements législatifs mineurs. » [2].

De son côté, l’association britannique de défense des libertés Statewatch dénonce « une nouvelle mesure qui place tout le monde sous surveillance et fait de chacun un suspect, sans lui donner le droit de savoir comment et par qui les données seront utilisées. »
« L’accumulation de montagnes d’informations concernant les activités de chacun a peu de chance de contribuer [à la lutte contre le terrorisme]. En revanche, le détournement de ces données à d’autres fins, aujourd’hui ou dans le futur, fera de l’Union européenne la région la plus surveillée du monde. » [3]

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L’Europe adopte un nouveau dispositif antiterroriste inspiré du modèle américain

par Thomas Ferenczi Le Monde, daté du 6 novembre 2007

La Commission européenne adoptera, mardi 6 novembre, un nouveau plan
d’action contre le terrorisme. Une des mesures phares est la mise en
place d’un système de recueil de données personnelles des passagers
aériens en provenance ou à destination de l’Union. Cette procédure ne
concernera pas les vols intra-européens mais les vols entre un Etat
membre et un pays tiers.

Un tel système est déjà appliqué par les Etats-Unis aux passagers qui se
rendent sur leur territoire. Après une difficile négociation entre
Bruxelles et Washington, les compagnies européennes sont aujourd’hui
tenues de transmettre aux Américains une série de dix-neuf informations.
Le même accord a été conclu avec le Canada. La proposition de la
Commission vise à faire bénéficier les Etats européens d’un dispositif
identique.

Ce projet, qui doit être soumis au conseil des ministres, a été évoqué
plusieurs fois par l’Union européenne, notamment après les attentats de
Madrid, en mars 2004, puis de Londres, en juillet 2005. Il a fait
l’objet d’une vaste consultation auprès des Etats membres et des
transporteurs aériens. Mais il suscite déjà des protestations.
L’association britannique de défense des libertés Statewatch dénonce
"une nouvelle mesure qui place tout le monde sous surveillance et fait
de chacun un suspect, sans lui donner le droit de savoir comment les
données seront utilisées"
.

Dix-neuf données devront être transmises aux autorités de l’Etat
concerné, aux seules fins d’identifier des personnes qui pourraient être
impliquées dans une action terroriste, d’établir des "indicateurs de
risques"
pour évaluer leur dangerosité, de fournir des renseignements
sur les méthodes terroristes ou de servir de base à des enquêtes
criminelles.

Ces données, qui pourront être communiquées, en cas de besoin, aux
autres Etats membres, comporteront notamment le nom, l’adresse, le
numéro de téléphone, le numéro de carte de crédit et l’itinéraire du
passager. A l’exclusion de tout ce qui pourrait révéler son origine
ethnique ou raciale, ses opinions politiques, ses croyances religieuses
ou philosophiques, son appartenance syndicale, ou fournir des
indications sur sa santé ou sa vie sexuelle.

La Commission insiste sur l’équilibre entre les exigences de sécurité
publique et la protection des droits fondamentaux. La durée de
conservation des données par les autorités compétentes des Etats membres
devra être "proportionnée" au but recherché.

La Commission propose qu’elle soit limitée à une période de cinq ans,
suivie d’une période "dormante" de huit ans, pendant laquelle l’accès
aux données ne sera possible que "dans des circonstances
exceptionnelles"
. Les données devront ensuite être détruites.
Toutefois, la durée de rétention pourra être prolongée si les
informations recueillies sont utilisées dans le cadre d’une enquête
criminelle ou d’une opération de renseignement.

D’autres mesures seront annoncées, mardi, au nom de la Commission, par
le commissaire Franco Frattini. L’une porte sur la sécurité en matière
d’explosifs. M. Frattini, qui rappelle que les attentats de Madrid ont
été commis avec des explosifs disponibles dans le commerce, propose de
créer auprès de l’Office européen de police Europol une base de données
consacrée aux explosifs, et d’établir un système d’alerte qui permette
d’informer rapidement les autorités compétentes lorsque des explosifs
sont volés ou qu’un nouveau mode d’action terroriste est mis au jour.

Une autre disposition vise à réglementer l’utilisation d’Internet. Les
terroristes, souligne le commissaire européen, se servent d’Internet
pour organiser leurs attentats, lancer des messages de propagande ou
diffuser des instructions sur la fabrication d’explosifs. M. Frattini
veut que l’Union sanctionne ces comportements.

Thomas Ferenczi

L’UE veut muscler son arsenal antiterroriste

par Olivier le Bussy, La Libre Belgique, le 7 novembre 2007

La Commission a présenté un éventail de mesures pour mieux protéger les citoyens européens. Dont une proposition, controversée d’échange de données des passagers aériens.La propagande sur Internet serait aussi punissable.


« Rien qu’en 2006, onze Etats membres ont été visés par des attaques terroristes, 80 complots ont été déjoués et des enquêtes menées sur 380 cellules ». Les chiffres alignés par le vice-président de la Commission européenne en charge de la Liberté, de la Sécurité et de la justice, Franco Frattini rappellent que l’Union européenne reste sous la menace de terroristes prêts à frapper « n’importe quand, n’importe où, à l’aide des moyens qui auront le plus d’impact ».

Raison pour laquelle l’Italien a présenté mardi une proposition de l’exécutif européen visant à renforcer l’arsenal antiterroriste européen grâce à un paquet de nouvelles mesures. Mesures dont la moins controversée n’est pas celle, calquée sur le modèle américain, qui propose de créer un système européen d’échange de données des passagers aériens. La Commission veut obliger les transporteurs aériens à fournir aux services de sécurité nationaux les 19 données PNR (Passenger Name Record) - dont le nom, l’adresse, les numéros de téléphone, l’adresse e-mail, le mode de paiement, l’itinéraire... - des passagers pour les vols en destination ou en provenance de l’Union. Ces données pourraient être conservées pendant 13 ans. La mesure ne serait, en revanche, pas d’application pour les vols intracommunautaires, en raison de son incompatibilité avec le principe de libre circulation des personnes.

« Les terroristes voyagent avant et après leurs attentats » souligne le commissaire Frattini, afin de justifier la mise en place d’un tel système. Le commissaire souhaite que l’échange de données PNR, déjà en vigueur en France au Danemark et au Royaume-Uni, soit également étendu à la Suisse et à la Norvège pour être entièrement efficace.

Pour éviter que l’on évoque « un Big brother européen », M.Frattini a privilégié l’approche nationale, laissant à chaque Etat membre le soin d’analyser les données, plutôt que de programmer la création d’une unité centrale européenne. Il laisse toutefois la porte ouverte à une gestion communautaire des PNR par Europol, pour peu que l’agence se dote à l’avenir de capacités d’analyse.

La Commission a beau soutenir que le droit fondamental des citoyens à la protection de ces données personnelles ne peut pas être bafoué, sa proposition suscite l’émoi des associations de défense des droits de l’Homme et de certains parlementaires européens. « La meilleure façon de contrecarrer le terrorisme est de remonter aux auteurs potentiels grâce à une coopération intense de la police et des services de renseignements » a déclaré l’eurodéputée libérale britannique Sarah Ludford. « Au lieu de cela, on prend la voie facile, saper les libertés civiles et amasser de vastes quantités de données sur tout le monde ». Il reviendra aux ministres de l’Intérieur des Vingt-sept de débattre de cette proposition, mais Franco Frattini a promis que le Parlement européen, très vigilant sur ce genre de dossier, serait associé à la discussion « de manière plus étroite que ce que prévoient les textes.  » Le système devrait entrer en vigueur en 2008.

La provocation punie

La Commission propose également de modifier la déclaration-cadre relative à la lutte contre le terrorisme de manière à pouvoir punir le recrutement et l’entraînement de terroristes, mais aussi ceux qui l’incitation à commettre des actes terroristes, et les informations sur les tactiques terroristes ou la fabrication de bombes, y compris par Internet. « Les serveurs Internet doivent nous prévenir lorsqu’ils détectent un contenu illégal » plaide le commissaire, précisant que le Web est une source d’information et de recrutement dont les milieux terroristes utilisent abondamment les ressources.

Parmi les autres mesures préconisées par la proposition de la Commission figure la mise en place d’un plan d’action pour la sécurité des explosifs. Qui prévoit notamment l’instauration d’un système d’alerte précoce relatif aux explosifs volés sur le territoire de l’Union et aux opérations suspectes.

Notes

[1Equivalent allemand de la Cnil.

[2Source : nouvelobs.com.


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