les Suédois obtiennent la suppression des mesures les plus contestables de la “lex Orwell”


article de la rubrique Big Brother > l’Europe de Big Brother
date de publication : mercredi 1er octobre 2008
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Le parlement suédois avait adopté, le 18 juin 2008, un projet de loi proposé par le gouvernement permettant de surveiller les échanges de courriers électroniques et les communications téléphoniques : à partir du 1er janvier 2009, une agence d’écoutes (FRA) aurait pu intercepter tous les courriels et appels téléphoniques à destination ou en provenance de Suède, sans avoir besoin d’autorisation judiciaire.

La mobilisation des Suédois contre une loi qu’ils avaient baptisée “Lex Orwell” a fait reculer le gouvernement suédois qui propose d’adopter une loi moins liberticide.


La Suède évite Big Brother

par Astrid Girardeau, www.ecrans.fr, le 29 septembre 2008

En juin dernier, la Suède votait une loi autorisant l’écoute des communications (téléphone, fax, mail et Internet) de tous ses citoyens. Passée de justesse, à 143 voix pour, 138 contre et une abstention, elle devait entrer en application le 1er janvier prochain. Mais devant la colère suscitée, le gouvernement a dû faire marche arrière. Vendredi, il a ainsi annoncé la modification de la loi.

Les organisations de défense de droits de l’homme et de la vie privée, une partie des médias, et même l’ancien chef de l’agence suédoise de renseignements (Saepo) [avaient] critiqué la loi, craignant la violation des libertés civiles et la mise en place d’un état Big Brother. [...]

Les quatre partis qui composent le gouvernement de coalition centre-droit ont conclu jeudi dernier un accord pour modifier la loi. La nouvelle version de la loi réintègre le passage devant la justice. Pour chaque contrôle, le tribunal doit accorder son autorisation. La FRA ne peut mettre en place une écoute qu’en cas de « menace militaire extérieure » et non plus seulement de « menaces extérieures ». De plus, elle n’est pas autorisée à surveiller les e-mails dont les expéditeurs et les destinataires sont situés en Suède. L’amendement sera présenté aux législateurs début 2009, l’entrée en application est prévue pour octobre 2009.

L’ère du soupçon

par Claude-Marie Vadrot, Politis, le 10 juillet 2008 (extrait)

Les « innovations » pour surveiller les citoyens se bousculent. Une nouvelle facette de cette « Europe de la peur » qui se construit.

Le président français en a rêvé, les Suédois l’ont fait : depuis une semaine, ils jouissent du système de surveillance électronique le plus performant d’Europe. Il a été adopté, sous la pression de la droite, par 143 voix contre 138. Désormais, les autorités vont avoir le droit d’intercepter tous les courriers, les discussions et les informations circulant sur Internet. Avec en prime un droit ­d’inter­ception sur les communications passées avec les téléphones mobiles. Grâce à l’utilisation de mots ou de phrases clés qui seront analysés par des filtres automatiques. Grosse cerise sur cet énorme gâteau : le ministère de la Défense sera chargé de ce travail d’espionnage permanent.

Les experts français de la chose se sont précipités pour voir, car le texte correspond aux vœux européens du gouvernement français, qui veut placer le plus de fichiers possible sous le règne du « secret Défense », évolution qui permettra de court-­circuiter les derniers grognements de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Claude-Marie Vadrot

Les Suédois sont mobilisés contre "Lex Orwell", la loi sur la surveillance électronique

par Olivier Truc, Le Monde du 31 juillet 2008

Un mois après le vote, le 18 juin, de la loi sur la surveillance électronique en Suède, l’opinion publique est de plus en plus mobilisée. Depuis la fin juin, des manifestations ont rassemblé plusieurs milliers de personnes à travers le pays afin de protester contre cette loi "Lex Orwell", selon le qualificatif dont elle a été affublée.

Le texte prévoit que toute l’information qui circule sur Internet, mais aussi toute communication par téléphone mobile, devra passer à travers des filtres qui peuvent réagir à une adresse IP (numéro d’identification de l’ordinateur), un message crypté, un mot, etc.

Ecoutes de masse

Les services de renseignement ont ouvert une enquête début juillet pour trouver qui, au sein de FRA, l’agence radio de la défense chargée de mettre en oeuvre la loi, a fait passer des informations confidentielles à un journaliste de la télévision sur la capacité réelle de stockage des informations filtrées.

A la mi-juillet, plusieurs députés libéraux de la majorité ont annoncé leur intention de voter contre la loi, qui doit être amendée à l’automne. Ils ne veulent pas pour autant supprimer le texte, mais réclament qu’une écoute ne soit possible qu’en cas de soupçon de délit ou de crime. "Le plus important est que nous renoncions aux écoutes de masse des citoyens suédois, comme cela pourra être le cas aujourd’hui", a déclaré Birgitta Ohlsson, députée du Parti libéral.

L’affaire est délicate pour les autorités, qui ont visiblement été dépassées par les réactions. Hakan Jevrell, directeur de cabinet du ministre de la défense, a expliqué au Monde que la loi avait été "mal comprise" : "Si FRA dépensait tout son budget annuel à acheter une capacité de disques durs suffisante pour capter tout ce qui passe par un seul câble, ce serait déjà rempli en quinze heures. Cela vous montre bien à quel point nous ne pouvons contrôler qu’une petite partie de ce qui passe."

M. Jevrell ajoute : "Il ne s’agit pas de passer au crible les simples courriels qui contiendraient par exemple le mot Al-Qaida. Il y en aurait tellement que cela n’aurait aucun sens. Nous n’en avons pas la capacité, et il y aura ensuite des systèmes de contrôle qui l’empêcheront". Les mots-clefs ou systèmes de recherche ne peuvent être liés à des personnes physiques, à moins de faire l’objet de demandes spécifiques. Il faudrait donc un soupçon préalable pour s’intéresser aux communications d’un particulier. "Des quantités de systèmes de recherche très différents sont utilisés pour croiser et affiner les recherches", souligne Hakan Jevrell, sans autre détail.

Sur le site Internet de FRA, il est précisé que "la communication disponible est filtrée en temps réel, ce qui signifie que la grande majorité du trafic ne sera jamais stockée. Seul le matériel choisi à partir des concepts de recherche sera récupéré et stocké, le temps d’estimer si l’information a une quelconque valeur pour le demandeur", celui-ci pouvant être n’importe quelle agence gouvernementale ou ministère.

Autre indication : "La récupération de signaux dans les câbles se fait automatiquement à l’aide des systèmes de recherche qui seront contrôlés après coup par un organe indépendant", précise encore FRA. "Un Office de protection de l’intégrité aura une mission de surveillance de l’activité." Mais l’immense majorité des Suédois n’ont aucune confiance dans la capacité et l’impartialité des organes de contrôle promis par le gouvernement. Les défenseurs des libertés font valoir que pour déceler si une information n’est pas de leur ressort, les organismes de contrôle devront d’abord l’avoir lue, ce qui, en soi, constitue une violation des principes de protection de l’intégrité.

"A la différence du gouvernement et de FRA, je ne crois pas que l’autorité soit toujours bonne, critique Anne Ramberg, secrétaire générale de la Fédération des avocats. Il est fondamental dans une société de droit que même les autorités puissent être contrôlées." Même à droite, on craint que cette loi ne coûte cher au gouvernement actuel.

Olivier Truc

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