base élèves : les bonnes questions des parlementaires


article de la rubrique Big Brother > base élèves et la CIDE
date de publication : samedi 15 août 2009
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La publication le 22 juillet dernier de la version française des observations et recommandations finales du Comité des droits de l’enfant des Nations unies sur l’application par la France de la CIDE (Convention relative aux droits de l’enfant) [1] a confirmé les inquiétudes qui se développent face à la généralisation en cours de « Base élèves 1er degré ». Deux parties du rapport abordent en effet le fichage des enfants : la « Collecte de données » (points 20 et 21, page 6 du rapport) et la « Protection de la vie privée » (points 50 et 51, pages 11 et 12).

S’appuyant sur ce document, une dizaine de parlementaires ont, depuis le début de l’été, adressé des questions au ministre de l’Education nationale (dix questions écrites et une question orale). Vous en trouverez ci-dessous la liste avec leurs dates de publication – aucun n’a pour l’instant reçu de réponse de la part du ministère.

Alors que le Collectif national de résistance à Base élèves (CNRBE) pose la question Base élèves bientôt obligatoire dans les mairies ?, on notera le large spectre des inquiétudes exprimées par les parlementaires. Comme on pourra en juger par les deux questions reprises plus bas, ils rejoignent ainsi les parents et les enseignants.


Les sénateurs

  • Jacques Mahéas (Seine-Saint-Denis), le 02/07/2009 : Demande de mise en conformité de la base élèves avec les recommandations du comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations Unies ;
  • Annie David (Isère), le 30/07/2009 : Demande de mise en
    conformité de la base élèves avec les recommandations du comité des droits de l’enfant des Nations Unies ;
  • Serge Lagauche (Val-de-Marne), le 06/08/2009 : application informatique « base élèves 1er degré » ;
  • Robert Navarro (Hérault), le 06/08/2009 : Importance de la protection des données personnelles ;
  • Colette Giudicelli (Alpes-Maritimes) le 06/08/2009 : Adaptation du fichier « Base élèves » aux recommandations de l’ONU ;
  • Nicole Borvo Cohen-Seat (Paris), a posé une question orale, publiée le 6 août 2009, que nous reprenons plus bas ; il est prévu que le ministre y réponde le 15 septembre.

Les députés

Toutes leurs questions concernent le domaine « fichiers informatisés, utilisation, contrôle ». Nous reprenons ci-dessous celle de Michel Liebgott qui termine en reprenant : «  les enfants doivent pouvoir grandir sans être tracés ».

Question écrite de Michel Liebgott

M. Michel Liebgott attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale sur le traitement de données à caractère personnel « Base élèves 1er degré ». Le traitement Base élèves, obligatoire pour tous les enfants, a été mis en place sans que le Parlement ait eu à en débattre, par un simple arrêté, presque quatre ans après le début de la collecte des données.

Ce fichage comporte de nombreuses irrégularités et est fortement contesté depuis plusieurs années par de nombreux parents, enseignants, simples citoyens, syndicats, élus, associations. Un millier de parents a déjà porté plainte. En conscience des directeurs d’école ont refusé d’inscrire leurs élèves dans Base élèves et ont été de ce fait sanctionnés.

Déjà interrogés sur le sujet par plusieurs sénateurs, les réponses du Gouvernement ne prennent en compte ni les conclusions générales du comité des droits de l’enfant de l’ONU formulées le 11 juin 2009, ni les contestations des citoyens. Le collectif national de résistance à Base élèves précise qu’il dispose des documents de déclaration à la CNIL après saisine de la CADA, qui confirme qu’il existe bien une base nationale qui conserve une partie des données à caractère personnel pendant 35 ans.

Mais cette base n’ayant fait l’objet d’aucune loi, décret ou arrêté, elle n’a pas été portée à la connaissance du législateur et a fortiori du citoyen. Il précise également que des recherches d’enfant sont pratiquées de manière automatique par Base élèves. En effet, des avis de recherches complémentaires ont été envoyés dans les écoles rédigés en ces termes : « Recherche d’enfants [...] Ces élèves n’apparaissent pas dans la base d’élèves mais peut être l’inscription est elle récente et le directeur n’a-t-il pas encore mis à jour la base élèves ». Ces recherches automatiques échappent par définition à la vigilance des citoyens, en particulier, sans que les directeurs d’écoles en soit informés et pourraient conduire des parents à ne pas scolariser leur enfant en cas de situation irrégulière.

Par ailleurs, la loi relative à la prévention de la délinquance du 7 mars 2007 a modifié le code de l’éducation a posteriori (Base élèves date de 2004), et les fichiers des élèves jouent un rôle nouveau dans des projets interministériels mettant en oeuvre de nombreuses interconnexions. L’école devient ainsi un lieu de détection, ce qui est contraire à la CIDE.

D’autre part, quand bien même Base élèves faciliterait le travail des directeurs, et ce n’est pas le cas, cela ne peut se faire au détriment des droits des enfants. Les projets d’utilisation de l’INE pour collecter de nouvelles données sur les enfants (évaluations, compétences...), malgré des systèmes de primes, ne manqueront pas de faire naître encore des oppositions de parents et d’enseignants convaincus que les enfants doivent pouvoir grandir sans être tracés.

Question orale de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale sur le fichier « Base élèves 1e degré » ainsi que sur l’avis du Comité des droits de l’enfant de l’ONU du 11 juin 2009 et portant sur la France.

Constatant notamment que les objectifs et l’utilité de « Base élèves » ne sont pas clairement définis, le Comité « est préoccupé par le fait que cette base de données puisse être utilisée à d’autres fins, telles que la détection de la délinquance et des enfants migrants en situation irrégulière, et par l’insuffisance des dispositions légales propres à prévenir son interconnexion avec les bases de données d’autres administrations. ». Par ailleurs le même Comité note « avec préoccupation que les parents ne peuvent pas s’opposer à l’enregistrement de leurs enfants dans cette base de données, n’en sont souvent pas informés, et pourraient avoir des réticences à scolariser leurs enfants. ».

En outre « rappelant les recommandations formulées par le Comité des droits de l’homme (CCPR/C/FRA/CO/4, par. 22), le Comité engage instamment l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour garantir que la collecte, le stockage et l’utilisation de données personnelles sensibles sont compatibles avec les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 16 de la Convention. ».

Plus généralement « le Comité recommande en outre à l’État partie de ne saisir dans les bases de données que des renseignements personnels anonymes et de légiférer sur l’utilisation des données collectées en vue de prévenir une utilisation abusive des informations. ».

Elle lui demande quelles suites il entend donner à ces recommandations. Enfin, au vu des éléments relevés par l’avis du Comité des droits de l’enfant, elle pense qu’il serait cohérent que les sanctions prises par les rectorats à l’encontre de ceux qui se sont opposés à « Base élèves » soient levées.

P.-S.

Le Tribunal administratif de Marseille ordonne la suspension de retraits de salaire

Après une décision analogue du TA de Montpellier concernant Bastien Cazals, le TA de Marseille a ordonné le 11 août que l’exécution de décisions de retrait de 32 jours de salaires pour service non fait concernant deux nouveaux enseignants soit suspendue.

Le tribunal a estimé « qu’en l’état de l’instruction, les modalités des obligations de service que devait exécuter Erwan Redon (et Christine Jousset) n’ont pas été précisées » et que cela « est de nature à faire peser un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ».

Ces deux enseignants, Christine Jousset et Erwan Redon, engagés dans le mouvement national des enseignantEs en résistance pédagogique ont vu leur paye amputée alors qu’ils ont effectué la totalité de leur service. Refusant le dispositif d’Aide personnalisée mis en place par le ministère de l’Education nationale, ils ont proposé aux familles et aux enfants des ateliers éducatifs du midi pour tous les enfants qui le souhaitaient et ont lancé le projet de la création d’un CLAE (Centre de Loisirs Associé à l’Ecole) auprès de la mairie du 1er-7ème, qui en avait accepté le principe.

Notes

[1La version originale en anglais a été publiée le 11 juin 2009 : http://www2.ohchr.org/english/bodie...


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