les observations finales du comité des droits de l’enfant de l’ONU


article de la rubrique Big Brother > base élèves et la CIDE
date de publication : lundi 22 juin 2009
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Lors de sa cinquante-et-unième session, qui s’est tenue à Genève du 25 mai au 12 juin 2009, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies s’est longuement penché sur l’application par la France de la Convention relative aux droits de l’enfant. Le 11 juin 2009, le Comité a rendu publiques ses observations et recommandations finales dans la version originale, en anglais, suivie en juillet d’une traduction officielle, en français.

Vous trouverez ci-dessous deux extraits de ces conclusions qui évoquent le fichage des enfants. En effet, le Comité y manifeste son inquiétude devant la multiplication des bases de données concernant les enfants. Il se déclare notamment « préoccupé par l’utilisation » de “Base élèves 1er degré” à des « fins telles que la détection de la délinquance et des enfants migrants en situation irrégulière et par l’insuffisance de dispositions légales propres à prévenir son interconnexion avec les bases de données d’autres administrations », ainsi que par le fait que certains droits des parents ne sont pas respectés.

Nous terminons cette page en reprenant la synthèse des conclusions finales du Comité publiée sur le site aidh.org

[Page mise en ligne le 12 juin 2009, revue et complétée le 22 juin]



Collecte de données

20. Le Comité prend note de la création d’un système centralisé de collecte et de suivi des
données qui recueille des informations relatives aux enfants à risque, à savoir l’Observatoire
national de l’enfance en danger (ONED) [1]. Toutefois, il reste préoccupé par le processus de collecte de données provenant de secteurs différents et se demande si les différentes sources utilisent une méthode uniforme d’évaluation et de description des données. Le Comité est également préoccupé par les conditions dans lesquelles les entités qui fournissent ou traitent les données peuvent accéder aux informations recueillies, et en particulier par l’absence de politique générale relative à l’utilisation des données à caractère personnel.

21. Le Comité recommande l’établissement d’un système national harmonisé permettant
de recueillir et d’analyser des données ventilées sur tous les domaines couverts par la
Convention et ses deux Protocoles facultatifs, afin d’évaluer les progrès accomplis dans la
réalisation des droits de l’enfant, de contribuer à l’élaboration de politiques globales et
complètes en faveur des enfants et de leur famille et de faciliter la promotion et la mise en
oeuvre de la Convention et de ses deux Protocoles facultatifs. Le Comité recommande en
outre à l’État partie de ne saisir dans les bases de données que des renseignements
personnels anonymes et de légiférer sur l’utilisation des données collectées en vue de
prévenir une utilisation abusive des informations.


Protection de la vie privée

50. Le Comité prend note avec préoccupation de la multiplication des bases de données
servant à la collecte, à la conservation et à l’utilisation à long terme de données personnelles sur les enfants, qui pourrait aller à l’encontre du droit de l’enfant et de sa famille à la protection de leur vie privée. En ce qui concerne la Base élèves 1er degré, le Comité note avec satisfaction que l’État partie en a retiré les données sensibles qui y figuraient à l’origine. Toutefois, les objectifs de cette base de données et son utilité pour le système éducatif n’étant pas clairement définis, le Comité est préoccupé par le fait que cette base de données puisse être utilisée à d’autres fins, telles que la détection de la délinquance et des enfants migrants en situation irrégulière, et par l’insuffisance des dispositions légales propres à prévenir son interconnexion avec les bases de données d’autres administrations. Il note en outre avec préoccupation que les parents ne peuvent pas s’opposer à l’enregistrement de leurs enfants dans cette base de données, n’en sont souvent pas informés, et pourraient avoir des réticences à scolariser leurs enfants.

51. Rappelant les recommandations formulées par le Comité des droits de l’homme [2], le Comité engage instamment l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour garantir que la collecte, le stockage et l’utilisation de données personnelles sensibles sont compatibles avec les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 16 de la Convention [3]. L’État partie devrait veiller en particulier à ce que :

- (a) La collecte et la conservation de données personnelles dans les ordinateurs, dans
des banques de données et selon d’autres procédés, que ce soit par les autorités publiques,
des particuliers ou des organismes privés, soient régies par la loi et leur objectif clairement
défini ;

- (b) Des mesures effectives soient adoptées pour garantir que ces informations
n’arrivent pas entre les mains de personnes non autorisées par la loi à les recevoir, les
traiter et les utiliser ;

- (c) Les enfants et les parents relevant de sa juridiction aient le droit de consulter
leurs données, de demander la rectification ou la suppression d’une donnée qui est
incorrecte ou a été recueillie contre leur volonté ou traitée en violation des dispositions de
la loi no 78-17 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Texte original

Data collection

20. The Committee takes note of the establishment of a centralised data collection and monitoring centre gathering information relating to children at risk, namely the National Observatory for Children at Risk (Observatoire National de l’Enfance en Danger, ONED). However, it remains concerned at the process of collecting data from different sectors and whether there is a unified method in assessing and documenting the data which is harmonized between data providers. The Committee is further concerned at the conditions under which data providers and processors can access the information collected, in particular at the lack of a comprehensive policy on the use of personal data.

21. The Committee recommends the establishment of a harmonized nationwide system to collect and analyse data, disaggregated on all areas covered by the Convention and its two Optional Protocols, as a basis for assessing progress achieved in the realization of children’s rights and to help design global and comprehensive policies for children and their families and facilitate the promotion and implementation of the Convention and its two Optional Protocols. The Committee further recommends the State party to solely enter unidentified personal information in the databases and to regulate by law the utilisation of the collected data in order to prevent misuse of the information.

Protection of privacy

50. The Committee notes with concern the multiplication of databases, in which personal data of children are gathered, stocked and used for a lengthy period, which may interfere with the right of children and their families to privacy. With regard to “Base élèves 1er degré ”, the Committee notes with appreciation that the State party has removed sensitive data, initially included, from this database. However, given the fact that its utility for the educational system and purposes are not clearly defined, the Committee is concerned that this database be used for other purposes, such as for the detection of delinquency and irregular migrant children and at the insufficient legal safeguards to prevent interconnection with other administrative databases. It is further concerned that parents cannot oppose, are often not informed of the registration of their children and may be reluctant to enroll them in schools.

51. Recalling the recommendations made by the Human Rights Committee (CCPR/C/FRA/CO/4, para. 22), the Committee urges the State party to take all necessary measures to ensure that the gathering, storage and use of sensitive personal data are consistent with its obligations under article 16 of the Convention. The State party should in particular ensure that :
- (a) The gathering and holding of personal information on computers, data banks and other devices, whether by public authorities or private individuals or bodies, is regulated by law and its aim is clearly defined ;
- (b) Effective measures are adopted to ensure that such information does not reach the hands of persons who are not authorized by law to receive, process and use it ;
- (c) Children and parents under its jurisdiction have the right to access their data and to request rectification or elimination of information, when it is incorrect or has been collected against their will or processed contrary to the provisions of the Law No. 78-17 on computing, filing and liberties (Loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés).

Les observations finales sur la France

[une synthèse reprise du site aidh.org ]


Dans ses "observations finales" sur le rapport périodique de la France, le Comité note avec satisfaction les développements positifs intervenus dans ce pays en rapport avec la mise en œuvre de la Convention et notamment l’adoption du décret de 2005 réformant le régime de filiation en abolissant les concepts de naissance légitime et de naissance naturelle ; l’adoption de la loi de 2006 renforçant la lutte contre la violence domestique et accroissant à 18 ans l’âge minimum du mariage pour les filles ; la loi de 2006 sur la succession et la donation, qui instaure l’égalité indépendamment du statut de naissance de l’enfant ; ou encore la loi de mars 2007 instituant un droit opposable au logement.

Le Comité se dit néanmoins préoccupé par le nombre limité de dispositions de la Convention qui sont reconnues comme étant d’application directe. Il exhorte en outre la France à appliquer la décision de la Cour de cassation quant au droit des familles non françaises résidant en France avec leurs enfants de bénéficier des allocations pour enfants. Le Comité exprime par ailleurs sa préoccupation face à la discrimination persistante, en particulier dans le domaine des droits économiques et sociaux, qui entrave le progrès social, la justice et la non-discrimination, en particulier pour les enfants résidant dans les départements et territoires d’outre-mer, les enfants requérants d’asile et réfugiés et les enfants appartenant à des groupes minoritaires tels que les Roms, les gens du voyage et les minorités religieuses.

D’autre part, le Comité se dit préoccupé par l’attitude générale négative de la police à l’égard des enfants, en particulier des adolescents. Il se dit préoccupé par la stigmatisation, notamment dans les médias et à l’école, à laquelle sont confrontés certains groupes d’enfants, en particulier les enfants vulnérables et les enfants vivant dans la pauvreté, comme les enfants roms, les enfants handicapés, les enfants appartenant à des minorités et les enfants vivant dans les banlieues, ce qui aboutit à un climat général d’intolérance et d’attitudes publiques négatives à l’égard de ces enfants, en particulier les adolescents, et peut souvent constituer la cause sous-jacente d’autres infractions à leurs droits. Il est recommandé à la France de promouvoir une attitude positive et constructive de la police à l’égard des enfants et des adolescents.

Le Comité se dit par ailleurs gravement préoccupé par le nombre de décès parmi les enfants placés en détention en 2008 et recommande à la France de prévoir un examen systématique, indépendant et public de tout décès inattendu ou de toute blessure grave impliquant des enfants. Le Comité recommande par ailleurs à la France de réviser ou d’interdire l’usage d’émetteurs d’ultrason à haute fréquence, de lanceurs de balle de défense (flash-ball) et autres outils préjudiciables qui peuvent violer les droits de l’enfant à la liberté d’association et de réunion pacifique. Le Comité se dit en outre préoccupé par la multiplication des bases de données dans lesquelles des données personnelles des enfants sont rassemblées, stockées et utilisées pour de longues périodes, ce qui peut nuire au droit de l’enfant et de sa famille au respect de la vie privée. Le Comité se dit préoccupé que la base de données Base élèves 1er degré puisse être utilisée à des fins telles que la détection de la délinquance et des enfants migrants irréguliers et qu’il n’y ait pas suffisamment de garanties juridiques pour empêcher l’interconnexion de cette base de données avec d’autres bases de données administratives. Est également jugé préoccupant que les parents ne puissent pas s’opposer à l’enregistrement de leurs enfants dans cette base - dont ils ne sont d’ailleurs souvent pas informés - et puissent alors rechigner à scolariser leurs enfants.

Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par les allégations faisant état d’actes de mauvais traitements à l’encontre d’enfants de la part d’agents publics dans les lieux de détention, ainsi que par le nombre élevé de cas rapportés d’usage excessif de la force contre des enfants par des agents responsables de l’application des lois, en particulier par des policiers. Le Comité reste également préoccupé par le grand nombre d’enfants qui vivent dans la pauvreté et recommande à la France, dans sa législation et dans ses actions de suivi, d’accorder la priorité aux enfants et aux familles qui ont le plus besoin de soutien, notamment les enfants d’origine immigrée.

D’autre part, le Comité se dit profondément préoccupé par la situation des enfants non accompagnés placés dans les zones d’attente des aéroports français. Il se dit également préoccupé par le manque de politique nationale globale sur la prévention de la délinquance ainsi que par le manque de ressources financières et humaines allouées au système de justice juvénile. Il réitère sa préoccupation concernant la législation et la pratique dans ce domaine, qui tendent à favoriser les mesures répressives au détriment des mesures éducatives.

Notes

[3Article 16 de la Convention relative aux droits de l’enfant :

  1. Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.
  2. L’enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

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