20e anniversaire de la CIDE : urgence pour les droits de l’enfant !


article communiqué de la LDH  de la rubrique Big Brother > base élèves et la CIDE
date de publication : vendredi 20 novembre 2009
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Vendredi 20 novembre 2009 : XX° anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), un document important qui affirme que l’enfant est une personne, qu’il a des droits et qu’il doit être respecté.

Un texte dont les Etats doivent périodiquement rendre compte de l’application. C’est ainsi qu’après avoir examiné la situation en France, le Comité des experts de l’ONU a estimé dans ses observations et recommandations finales [1], publiées en juin 2009, que notre pays devait faire plus.

Telle ne semble pas être l’intention des autorités françaises. En effet, contrairement à la recommandation du comité qui souhaitait que le rôle du Défenseur des enfants soit renforcé, le gouvernement a décidé début septembre 2009 de supprimer le poste – une mesure unanimement considérée comme un recul de la démocratie.

La Ligue des droits de l’Homme s’insurge contre la politique d’un pouvoir qui voit en la jeunesse une « classe dangereuse ». Elle déclare qu’il y a urgence pour les droits de l’enfant.


Communiqué LDH

Paris, le 20 novembre 2009

20e anniversaire de la CIDE :
urgence pour les droits de l’enfant !

Les pouvoirs publics français actuels ont une bien étrange manière de célébrer le vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant.

C’est la suppression annoncée de la Défenseure des enfants, alors que le Comité international pour les droits de l’enfant vient de demander le renforcement de son rôle et de ses moyens. C’est le fichage des enfants au soupçon, dès l’âge de 13 ans, dans « Edvige 2 », notamment en prenant en compte leur « origine géographique ». C’est la démolition de la justice des mineurs, jusqu’à prévoir la possibilité d’emprisonner un enfant dès l’âge de 12 ans, et le remplacement du tribunal pour enfants par le tribunal correctionnel dès 16 ans en cas de récidive. C’est le placement en centres de rétention d’enfants, et même parfois de nourrissons, ce qu’Eric Besson appelle « recevoir dignement » et assurer de « bonnes conditions de vie de ces familles ».

Si l’on ajoute que dans le cinquième pays le plus riche du monde 2,8 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté, et que l’on peut y voir un enfant de 6 ans arrêté à la sortie de l’école, sans que les parents ni les enseignants en soient prévenus, et placé en garde à vue (Floirac, juin 2009), ou encore un chien policier lâché à l’improviste dans une classe de collège (Marciac, novembre 2008), on mesure à quel point la jeunesse est devenue pour les gouvernants une sorte de nouvelle « classe dangereuse » qu’il faudrait systématiquement mettre au pas, surveiller et punir.

La LDH combat cette politique de la peur. Elle refuse qu’en matière de délinquance des mineurs on manipule les chiffres, que le tout-répressif prime les réponses sociales, éducatives et thérapeutiques, le soutien des familles, l’accès aux soins des enfants et adolescents en difficulté.

Une société qui a peur de ses enfants a peur de l’avenir. Un pouvoir qui voit la jeunesse comme un danger fait reculer les libertés et l’égalité de tous. Il y a urgence à prendre les droits de l’enfant au sérieux.

Quelques recommandations faites à la France [1] :

  • n° 32. "Le Comité est également préoccupé par la stigmatisation dont sont victimes, y compris dans les médias et à l’école, certains groupes d’enfants, en particulier les enfants vulnérables et des enfants vivant dans la pauvreté, tels que les Roms et les enfants handicapés, les enfants appartenant à des minorités et les enfants vivant dans les banlieues, ce qui conduit à un climat général d’intolérance et à une attitude négative du public envers ces enfants, en particulier les adolescents, et pourrait souvent être la cause sous-jacente de nouvelles violations de leurs droits.
    Le Comité est également préoccupé par l’attitude négative générale de la police à l’égard des enfants, en particulier des adolescents."
  • n° 33. "Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour remédier à l’intolérance et à la stigmatisation dont sont victimes les enfants, en particulier les adolescents, au sein de la société, notamment dans les médias et à l’école, et pour amener la police à adopter une attitude positive et constructive à l’égard des enfants et des adolescents."
  • n° 54. "Le Comité prend note de la mise en place, le 30 octobre 2007, d’un Contrôleur général des lieux de privation de liberté et se félicite que l’État partie ait fait figurer dans son rapport desinformations sur les conditions de détention des enfants. Toutefois, il est préoccupé par les allégations selon lesquelles des enfants détenus auraient été victimes de mauvais traitement de la part de fonctionnaires et regrette que le rapport de l’État partie ne donne pas d’informations à ce sujet. Le Comité est également préoccupé par le nombre élevé de cas où des agents de la force publique, en particulier des policiers, auraient fait un usage excessif de la force à l’encontre d’enfants, et par le faible nombre d’affaires qui ont donné lieu à des poursuites et à des condamnations." etc.

Jean-Pierre Rosenczveig : « La France doit faire plus pour les droits des enfants »

[Un entretien réalisé par Julien Dayssiols
publié dans L’Humanité le 19 août 2009]


Pour le magistrat Jean-Pierre Rosenczveig, la Convention signée il y a vingt ans « affirme des droits qui attendent toujours leur mise en oeuvre ».
Président du tribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenczveig est aussi une figure de la défense du droit des enfants. Il préside notamment la section France de l’ONG Défense des enfants internationale (DEI), qui est née en 1979 pour participer à l’écriture de la Convention internationale des droits de l’enfant. Il dresse ici le bilan de ce texte achevé de rédiger en 1989 [2].

  • La Convention internationale des droits de l’enfant va fêter ses vingt ans. Quel bilan peut-on en tirer ?

C’est l’histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein. On avait dans les années 1980 une dynamique favorable aux droits des enfants, qui aujourd’hui tend à s’estomper. Pour le dire autrement, l’enfant a ému à une certaine époque, et n’émeut plus aujourd’hui, ou alors de façon épisodique. Désormais, il y a une tendance malheureuse à regarder l’enfance sous le seul rapport de ses devoirs, et plus sous celui de ses droits. La Convention est un outil indispensable pour la défense des enfants mais elle ne suffit pas. D’ailleurs, si le vote de textes à l’ONU était suffisant pour régler les problèmes du monde, cela se saurait. À l’inverse, ce n’est pas non plus qu’un chiffon de papier. Des gens se sont battus pendant un siècle pour qu’il y ait une Convention internationale des droits de l’enfant. Il y avait un enjeu. La Convention, c’est une poutre maîtresse, un texte juridique qui engage les États et les oblige à rendre des comptes. La France a d’ailleurs été exposée à la critique, il y a peu, et s’est vu dire qu’elle devait faire mieux.

  • Que reproche-t-on à la France ?

Plusieurs choses. D’abord, elle ne fait aucune promotion des droits de l’enfant ou de la Convention. Elle a ainsi contribué à ce que cette dynamique en faveur du droit des enfants disparaisse. J’ai le sentiment qu’aujourd’hui, c’est devenu ringard, le droit des enfants ! Ensuite, il y a encore trop d’enfants pauvres en France. Combien trouve-t-on d’enfants sans toit en Seine-Saint-Denis ? L’accès aux soins est inégalement partagé, pareil pour l’accès à la culture et aux loisirs… Et il y a près de 15 000 enfants handicapés qui ne sont pas scolarisés ! Il y a donc beaucoup de choses à faire. Mais, à la décharge de notre pays, la Convention est un texte très exigeant sur le plan des politiques à mener car c’est un document qui prône un vrai projet de société. Au total, la Convention affirme des droits de base qui attendent leurs mises en oeuvre.

  • Tout récemment, le placement d’enfants en centre de rétention a été dénoncé. Quel regard portez-vous sur ces dérives ?

C’est un sujet compliqué pour tout le monde. Des parents sont en situation irrégulière : soit on sépare les enfants des parents et on a tort, soit, au nom de la Convention, qui interdit de séparer les enfants des parents, on laisse les enfants accompagner les parents en centre de rétention, et on a toujours tort. La Convention, c’est le prétexte qu’utilise le gouvernement actuel pour expulser parents et enfants tous ensemble ! Nous sommes alors attentifs à ce que les enfants ne soient pas conduits vers des pays dangereux pour eux. C’est un problème insoluble. Un sujet où quelle que soit la position qu’on adopte, on se retrouve en contradiction avec ses valeurs. Et il faut admettre que toutes les positions face à ce problème sont mauvaises. Le militant que je suis est favorable à la régularisation de tous les sans-papiers, mais on arriverait à une limite. Il faut ensuite offrir à ces personnes les moyens d’une vie décente : un travail, un toit… Le vrai combat à mener est donc que ces gens puissent vivre décemment chez eux.

Notes

[1Les observations et recommandations finales du Comité des experts de l’ONU, adressées à la France, le 22 juin 2009 : http://www2.ohchr.org/english/bodie....

[2Lire également sur le blog de Jean-Pierre Rosenczveig : Droits de enfants : un souffle perdu ?.


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