l’interconnexion des fichiers au service du repérage des “décrocheurs”


article de la rubrique Big Brother > le fichage des décrocheurs
date de publication : vendredi 29 mai 2009
version imprimable : imprimer


L’instruction interministérielle n° 09-060 JS du 22 avril 2009, adressée aux préfets et aux recteurs d’académie, définit la politique du gouvernement concernant « la prévention du décrochage scolaire » et « l’accompagnement des jeunes sortant sans diplôme du système scolaire ».

Vous trouverez ci-dessous, dans son intégralité, l’instruction signée par les Ministres de l’Education nationale, de l’agriculture, de l’intérieur, de la justice, du travail, par les Secrétaires d’Etat à la politique de la ville, et à l’emploi, et par le Haut-commissaire à la Jeunesse [1].

L’objectif est de réaliser avant la fin de l’année scolaire, « une interconnexion des différentes bases de gestion interne pour améliorer le repérage des élèves décrocheurs, ou sortant sans qualification du système scolaire ».

L’instruction précise que « les ministères de l’agriculture et de la justice s’associeront à cette stratégie en mettant en oeuvre à leur tour des systèmes automatisés de suivi et de repérage des élèves décrocheurs afin d’améliorer la connaissance du phénomène dans les structures de formation placées sous leur autorité ».

Il nous a semblé intéressant de reprendre, à la suite de cette instruction, des extraits des échanges entre le gouvernement français et le Comité des droits de l’enfant des Nations unies à l’occasion de l’examen du respect par la France de la Convention internationale des droits de l’enfant.

[L’instruction a été mise en ligne le 27, le PS a été ajouté le 29 mai 2009]



INSTRUCTION N° 09-060 JS relative à la prévention du décrochage scolaire et à l’accompagnement des jeunes sortant sans diplôme du système scolaire [2]

Paris, le 22 avril 2009

Le ministre de l’éducation nationale
Le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville
La secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville
La ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales
Le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse
Le secrétaire d’Etat chargé de l’emploi
Le ministre de l’agriculture et de la pêche
La garde des sceaux, ministre de la justice

à
Madame et Messieurs les préfets de région
Mesdames et Messieurs les préfets de département
Mesdames et Messieurs les recteurs d’académie
Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt
Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle

Le Comité interministériel des villes et du développement social urbain (CIV) du 20 juin 2008 a fait de la prévention du décrochage scolaire et de l’accompagnement des élèves sortant sans qualification du système scolaire une de ses priorités majeures. En réponse à cette préconisation, la circulaire interministérielle du 18 décembre 2008, conjointement signée par le ministre de l’éducation nationale et la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, a proposé, pour les quartiers les plus en difficulté, des actions concrètes reposant sur une obligation de résultats avant la fin de cette année scolaire.

A la suite du Comité interministériel pour la jeunesse (CIJ) du 30 janvier 2009, le Gouvernement souhaite donner à cette première approche qui garde toute sa validité une nouvelle impulsion, d’une part, en renforçant les modalités de repérage et en étendant à l’ensemble du territoire les collaborations locales qu’elle a fondées et d’autre part, en ouvrant la possibilité de soutenir des expérimentations sous la direction du Haut commissariat à la jeunesse.

I - Améliorer le repérage des décrocheurs de la formation initiale

La prévention du décrochage scolaire implique la mobilisation de tous les établissements de formation initiale auxquels il revient, en premier lieu, de mettre en place les mesures internes de prévention, d’accompagnement individualisé et de repérage des élèves concernés.

Le ministère de l’éducation nationale doit faire de cette question un axe essentiel de son pilotage. Ainsi, la connaissance rapide et fiable des élèves décrocheurs au coeur des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) sera réalisée sous la responsabilité des chefs d’établissement, notamment ceux des lycées professionnels qui représentent la cible principale de cette politique.

Pour accompagner cette mobilisation des établissements et de leurs équipes de vie scolaire, une interconnexion des différentes bases de gestion interne pour améliorer le repérage des élèves décrocheurs ou sortants sans qualification sera réalisée dès cette année scolaire dans les académies aux effectifs les plus importants et généralisée à tous les rectorats à partir de la rentrée 2009.

Les ministères de l’agriculture et de la justice s’associeront à cette stratégie en mettant en œuvre à leur tour des systèmes automatisés de suivi et de repérage des élèves décrocheurs, afin d’améliorer la connaissance du phénomène dans les structures de formation placées sous leur autorité.

Ce renforcement général des conditions de repérage des élèves décrocheurs associera nécessairement les collectivités territoriales, notamment les centres de formation accueillant des apprentis relevant de leur autorité.

Ce dispositif doit permettre, à partir des structures d’enseignement initial, le transfert des informations aux différents partenaires pour un traitement rapide des situations repérées au niveau de la coordination locale décrite ci-dessous au point II. Elle devra également recenser les besoins d’échange et examiner les conditions dans lesquelles des interfaces pourront être réalisées entre les différents systèmes d’information.

Par ailleurs, le système de gestion doit aussi alimenter la connaissance des établissements de formation initiale des cas individuels signalés hors du champ d’action scolaire, surtout quand le retour en formation des élèves ainsi repérés constitue pour ces derniers une solution adaptée et souhaitable.

Cette fonction d’interface, qui doit s’associer à l’interconnexion interne des systèmes automatisés prévue dès cette année, devra être réalisée prioritairement au sein des CIO, des Missions Locales ou de tout autre point d’information ou d’accueil des jeunes hors des enceintes scolaires.

II - Construire une meilleure coordination locale pour accompagner les jeunes sortant de formation initiale sans diplôme

II-1 Organisation et missions de la coordination locale

Construite sur une meilleure connaissance du nombre d’élèves éligibles à ces suivis, vous mettrez en place une coordination locale — ou la consoliderez si elle est déjà opérationnelle ou expérimentée sur le territoire — pour proposer sans délai des solutions de formation ou d’insertion aux jeunes identifiés comme décrocheurs, en cours ou en fin d’année scolaire.

Cette coordination doit rassembler à une échelle géographique pertinente l’ensemble des responsables relevant : de l’éducation nationale, de l’enseignement agricole, de la justice - dont la protection judiciaire de la jeunesse - des centres de formation d’apprentis (CFA), des centres
d’information et d’orientation (CIO), des missions générales d’insertion de l’éducation nationale, des correspondants insertion pour l’enseignement agricole, des missions locales, des permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO), du service public de l’emploi (SPE), du réseau d’information jeunesse ainsi que des collectivités territoriales compétentes.

Pour vous appuyer dans cette démarche, une convention nationale entre les ministères chargés de l’éducation nationale, de la jeunesse, de l’emploi, de la ville et de l’agriculture d’une part et le réseau des missions locales d’autre part, déclinera ce nouveau cadre d’action. Elle sera conclue dans les prochaines semaines et il vous sera demandé d’en assurer l’adaptation au niveau local.

Le fonctionnement de cette coordination devra par ailleurs apporter des précisions sur les modalités de partage et d’échange régulier d’informations respectueuses des droits à la confidentialité des élèves et de leurs représentants légaux.

L’échelle géographique retenue pour cette coordination doit être celle où s’organisent les services d’information et d’insertion des jeunes (agglomération, bassin d’emploi ou de formation,...) tout en prenant en compte les coopérations existantes dans ces domaines. Sans constituer une structure administrative supplémentaire, cette coordination doit mieux articuler, au niveau territorial pertinent, diagnostics et solutions concrètes au bénéfice des jeunes repérés.

Compte tenu du caractère régional du pilotage des réseaux de formation, d’accueil, d’orientation et d’accompagnement, les principes et les périmètres de cette coordination seront arrêtés conjointement par le préfet de région, le recteur d’académie et le directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, en concertation avec le président du Conseil régional.

A partir du cadre établi au niveau régional, il reviendra au préfet de département, en liaison avec l’inspecteur d’académie et le directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de désigner, après consultation des collectivités territoriales concernées, un responsable de la coordination locale. Ce dernier doit être choisi pour ses qualités d’organisation et d’animation reconnues par l’ensemble des partenaires et posséder une bonne connaissance du fonctionnement des institutions et de l’environnement économique local.

Il pourra être un cadre de l’éducation nationale (chef d’établissement, directeur de CIO, par exemple), un directeur de mission locale ou de PAIO, un cadre du service public de l’emploi, d’une collectivité territoriale, d’une association, le délégué du préfet dans un quartier ou le sous-préfet lui- même.

La coordination entre ces acteurs doit permettre de

  • réaliser un diagnostic territorial sur les forces et les faiblesses de la coordination existante, définir les objectifs locaux, en préciser les modalités et les critères d’évaluation.
  • s’assurer que chaque jeune sortant du système scolaire sans qualification ou diplôme soit identifié et que ses besoins comme son projet soient analysés et ses acquis reconnus.
  • veiller à orienter chaque jeune vers un référent qui l’amène soit vers la reprise d’une formation, soit vers l’emploi, soit vers le dispositif d’accompagnement le plus approprié, pour sa qualification et son insertion professionnelle future.
  • prévoir que chaque acteur mette à jour en continu ses offres locales de formation, d’information et d’accompagnement et mutualise les informations provenant de l’éducation nationale, du service public de l’emploi et des réseaux d’accueil et d’accompagnement des jeunes, sans exclure la possibilité de formations conjointes à cet effet.
  • utiliser les services d’aide à l’orientation accessible par Internet et par voie téléphonique, tout en veillant à l’actualisation des informations délivrées aux jeunes et à leurs familles pour, éventuellement, assurer la mise en relation avec un référent local identifié.

Pour faciliter l’exercice de leurs missions et pour qu’ils puissent régulièrement partager leurs expériences, sous l’autorité de leurs tutelles respectives, ces coordonnateurs pourront être réunis lors de rencontres nationales organisées par la délégation interministérielle à l’orientation.

II-2 Objectifs et évaluation des actions de la coordination locale

Vous fixerez, au niveau du département et pour chaque périmètre de coordination, les objectifs de réduction des situations de sorties sans diplôme. Vous en rendrez destinataires le préfet de région, le recteur d’académie et le directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, ainsi que le délégué interministériel à l’orientation.

Au-delà des éléments d’évaluation que vous définirez localement, nous vous demandons d’établir, de renseigner et de suivre pour chaque périmètre de coordination puis d’agréger au niveau départemental et régional les indicateurs suivants :

  • nombre total de jeunes sortis sans diplôme du système de formation initiale chaque année scolaire.
  • nombre de jeunes pris en charge par les réseaux participant à la coordination locale chaque année scolaire.
  • nombre de jeunes ayant bénéficié d’une solution une année après le premier contact avec la coordination locale.

Ces indicateurs devront être collectés et suivis trimestriellement pour être adressés conjointement à leurs autorités de tutelle ainsi qu’au délégué interministériel à l’orientation. La première transmission de ces informations concernant les deux premiers indicateurs devra être réalisée pour le 1er juillet prochain, au titre du second trimestre 2009.

III - Soutenir les expérimentations locales de prévention et de traitement des sorties précoces de formation initiale

Conformément aux orientations du CIJ du 30 janvier 2009, des expérimentations locales pourront être engagées dès cette année dans le cadre du fonds institué par la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 pour soutenir des actions innovantes en matière de prévention et de traitement des sorties sans diplôme de formation initiale.

Dix millions d’euros seront mobilisés, en 2009, au sein de ce fonds.

Ils soutiendront des projets d’expérimentation destinés notamment à :

  • renforcer les collaborations entre partenaires pour assurer un repérage précoce et un meilleur suivi des jeunes concernés ;
  • soutenir les interventions dans les établissements d’enseignement pour prévenir les sorties prématurées ;
  • mutualiser les efforts pour le placement des élèves non affectés entre l’éducation nationale, l’enseignement agricole, les centres de formation d’apprentis et les missions locales ;
  • réduire le nombre des jeunes en rupture dans le cadre d’un contrat en alternance (apprentissage et professionnalisation) ;
  • prévenir les sorties prématurées par des dispositifs de soutien financier favorisant le maintien dans le système scolaire.

Un appel à projet sera lancé, sous le pilotage du haut-commissariat à la jeunesse, dès le mois de mars afin de préciser le champ des expérimentations, les conditions d’éligibilité ainsi que les modalités de leur financement et de leur évaluation. Cet appel à projets sera disponible sur www.jeunes.gouv.fr.

Pour être retenus, les projets devront être mis en oeuvre dans des conditions permettant leur évaluation. Le conseil scientifique du fond d’expérimentation indiquera les lignes directrices qui seront suivies dans la sélection des projets, laquelle sera réalisée par un jury. Les équipes dédiées du fonds pourront appuyer les porteurs de projet pour définir avec eux les conditions d’une bonne évaluation.

Sous votre autorité, nous comptons sur votre mobilisation pour assurer la diffusion de cet appel à projet auprès de l’ensemble des partenaires impliqués dans le réseau de coordination et contribuer à l’émergence de projets sur votre territoire.

Xavier DARCOS, Ministre de l’Education nationale
Martin HIRSCH, Haut commissaire à la jeunesse
Brice HORTEFEUX, Ministre du Travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville
Fadela AMARA, Secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville
Michèle ALLIOT-MARIE, Ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales,
Rachida DATI, Garde des Sceaux, ministre de la Justice,
Michel BARNIER, Ministre de l’Agriculture et de la pêche,
Laurent WAUQUIEZ, Secrétaire d’Etat chargé de l’Emploi,

P.-S.

Complément ajouté le 29 mai 2009

Il semble intéressant de rapprocher cette instruction des échanges suivants entre le gouvernement français et le Comité des droits de l’enfant des Nations unies à l’occasion de l’examen du respect par la France de la Convention internationale des droits de l’enfant [3].

  • Question n° 6 adressée à la France le 24 février 2009 par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies [4] :

« Veuillez préciser les différentes banques de données dans lesquelles les informations personnelles sur les enfants sont collectées et/ou conservées. S’agissant en particulier du dispositif « Base élèves 1er degré » (BE1D), veuillez préciser à quelle mission de service public servira la conservation au niveau national de données nominatives [...] »

  • Voici la réponse écrite du gouvernement français à cette question, parvenue le 21 avril 2009 au Comité des droits de l’enfant des Nations unies
     [5] :

« En réponse à la question du Comité, il convient avant tout de rappeler que la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans impose aux services déconcentrés de l’éducation nationale de scolariser tout élève relevant de cette tranche d’âge.

« Dans ce cadre, environ 6 % des jeunes (soit à peu près 45 000 par génération) sortent de formation initiale sans qualification, au sens de la classification française des niveaux de formation, c’est-à-dire sans avoir atteint le niveau du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou du brevet d’études professionnelles (BEP), ou sans avoir été admis dans un lycée d’enseignement général et technologique.

« Les sorties de scolarité, sans qualification, ni diplôme, sont l’objet de toutes les attentions du ministère de l’Éducation nationale et de ses partenaires ministériels. Des travaux sont en cours pour systématiser le repérage de ces sorties. En particulier, la « Base Élève 1er degré » doit permettre d’établir des statistiques précises à destination des rectorats et de l’administration centrale du ministère de l’Éducation nationale, notamment afin de suivre de façon plus exhaustive l’évolution
des chiffres concernant les phénomènes de sorties de scolarité sans qualification ni diplôme. [...] »

Notes

[1[Note ajoutée le 8 juin 2009] Cette instruction a été publiée au Bulletin officiel de l’Education nationale le 4 juin 2009 : http://www.education.gouv.fr/cid283....

[5Référence : page 36 de http://www2.ohchr.org/english/bodie....


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP