“à la main ils tenaient un stylo”


article de la rubrique droits de l’Homme > Charlie-Hebdo
date de publication : jeudi 15 janvier 2015
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Le 15 mars 1962, à Alger, six noms inscrits sur une petite feuille furent appelés parmi les 18 présents dans les bureaux des Centres sociaux.
Les six victimes furent alignées devant un mur à l’extérieur de la salle et mitraillées, puis achevées par des coups de grâce – voir cette page.


Toulon : la LDH dénonce "la bêtise qui assassine"

par Thierry Turpin, La Marseillaise le 14 janvier 2015


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Pour être correctement honoré le devoir de mémoire a besoin d’une rigoureuse historicité. (Thierry Turpin)

L’association « Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons » et la Ligue des Droits de l’Homme rendent hommage aux victimes des attentats terroristes.

Si ces moments de communion et de solidarité comme vient de les connaître le peuple français ne sont évidemment pas à bouder, la réflexion politique doit permettre de poursuivre le combat contre tous les obscurantismes. En traquant partout les incohérences, les absurdités, les injustices... Ou, comme ici, les non-dits qui parasitent encore le légitime devoir de mémoire avec des hommages, en l’état, injustifiés.

Le sujet n’est pas nouveau, mais l’actualité lui donne aujourd’hui un autre éclairage. De quoi s’agit-il ? Pour commencer de la stèle érigée à Toulon, Porte d’Italie, pour les « Martyrs de l’Algérie française ». Pour mémoire, cette dernière a été inaugurée en 1980 par Jacques Dominati, secrétaire d’État aux Anciens Combattants de Giscard (lire notre édition du 9 janvier 2015). [1]

Un monument au travers duquel, en plus, la Ville « continue d’honorer Roger Degueldre, chef des commandos Delta de l’OAS, responsable de l’assassinat de six fonctionnaires de l’Éducation nationale le 15 mars 1962 à Alger », explique François Nadiras pour la section toulonnaise de la Ligue des Droits de l’Homme. « Une tuerie aussi abjecte que celles commises à Paris la semaine dernière...  »

L’association « Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons », de laquelle le défenseur des droits de l’Homme est également membre, pointe les similitudes existant entre ces actes terroristes. « À commencer par le procédé pour tuer. »

« À la main ils tenaient un stylo »

« Un commando de six tueurs, surarmés, entraînés et décidés avait fait irruption dans les locaux administratifs où se trouvaient réunis les principaux responsables d’un service de l’Éducation nationale qui avaient pour mission de transmettre à la jeunesse algérienne les traditions les plus nobles de l’enseignement républicain. À la main, ils tenaient un stylo... » Eux aussi bénéficièrent d’une minute de silence respectée dans tous les établissements scolaires.

«  Au-delà du procédé criminel, le but de ces deux tueries reste le même à cinquante ans d’intervalle. On a tué hier à Alger et on tue aujourd’hui à Paris ceux qui ont pour mission de permettre aux citoyens de réfléchir. Ces deux terrorismes, l’ancien et l’actuel, ont pour ennemis la République et ses valeurs. »

Concernant la stèle toulonnaise, « il y demeure une ambiguïté qui n’est pas saine », reprend François Nadiras. Certes, la tête de Roger Degueldre qui composait le bas-relief a explosé le 8 juin 1980, mais le monument reconstruit qui se dresse aujourd’hui pour commémorer les « Martyrs de l’Algérie française » « ne fait que remplacer celui qui à l’origine a été érigé en l’honneur d’un ancien activiste de l’OAS... »

L’ancien président de la section toulonnaise de la LDH demande à ce qu’une plaque explicative « rédigée par un historien relativement objectif soit apposée à proximité de l’édifice ». Afin que le monument historique ait enfin du sens.

« Les Pieds-noirs étaient eux-aussi des victimes, certains ont mal tourné, emportés par un conflit qui les dépassait », conclut François Nadiras.

« Le problème initial, c’est la conquête de l’Algérie : on a fait comme si c’était une terre inhabitée. » Avec l’établissement d’une politique raciste menée au détriment de « citoyens » de seconde zone.

Thierry Turpin


« La liberté d’expression sera »

L’association « Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons » rend hommage aux victimes des attentats terroristes d’hier et d’aujourd’hui, en soulignant des parallèles historiques entre le massacre perpétré dans les locaux de Charlie Hebdo la semaine dernière et l’assassinat par l’OAS, le 15 mars 1962, de six dirigeants des Centres sociaux éducatifs que Germaine Tillion avait créés. Pour la déportée résistante, ces criminels étaient : « Les singes sanglants qui font la loi à Alger. ». « Porter atteinte à la vie est inacceptable, mais l’assassinat d’intellectuels choisis pour l’exemple prend une signification particulière, car il est attentat contre les valeurs qui transcendent l’Homme en voulant détruire ce qu’il y a de meilleur en l’Humanité. »

« Ceux qui voudraient faire la loi à Paris ne la feront pas et la liberté d’expression sera.
“Les singes sanglants qui font la loi à Alger” ne l’ont pas faite et l’amitié entre les peuples algérien et français demeure vivante. Cet appel à résister à “la bêtise qui froidement assassine”, Germaine Tillion la portera au Panthéon, en mai prochain.
 »

Un appel à rester debout dans la dignité et le respect des autres.

Thierry Turpin


Notes

[1[Note ajoutée par LDH Toulon] — L’ambiguïté de ce monument et des cérémonies qui s’y déroulent aurait dû être levée depuis longtemps. Mais ce n’est jamais le bon moment ...
Contentons-nous de rappeler que Jean-Marie Le Pen est venu y démarrer sa campagne pour les élections régionales le 24 janvier 2010, 50e anniversaire de la journée des barricades à Alger ( http://davidrachline.hautetfort.com/archive/2010/01/index.html ).


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