le sarkozien sans peine


article de la rubrique démocratie > Sarkozy le manipulateur
date de publication : mercredi 30 janvier 2008
version imprimable : imprimer


Vous voulez améliorer votre rhétorique, pouvoir parler de tout et bling-blinguer en public ?
Il vous faut apprendre le sarkozien !

Quelques éléments de base vous aideront à faire vos premières phrases en sarkozien. Nous terminons cette première familiarisation par une démonstration de l’efficacité et de la simplicité du langage.


Rédiger un discours en sarkozien

par Pascal Riché  [1]

Bâtir un discours sarkozien, ce n’est pas si compliqué. Il suffit de piquer des mots à gauche et des idées à droite, de glisser quelques références historiques (mais simples : le pont d’Arcole, Jules Ferry, etc.) et d’accompagner chaque argument de quelques moulinets rhétoriques. Voici quelques conseils pratiques pour s’entraîner.

1. "Les mêmes qui disent ceci disent cela"

Figure rhétorique habile. A utiliser sans se priver, même si les premiers "mêmes" n’ont rien à voir avec les autres "mêmes".

Exemples :

"Les mêmes qui exigent des résultats tout de suite, qui veulent un bilan tout de suite sont les mêmes qui nous décrivent comme trop pressés trop impatients, faut savoir."

"Les mêmes qui disaient que je m’alignerais sur Bush me reprochent aujourd’hui de recevoir ceux qui n’aiment pas Bush. J’étais trop pro-israélien hier, je suis trop proarabe aujourd’hui."

2. "Les autres ont échoué"

Insister le plus souvent possible sur ce point. Répétez l’idée jusqu’à ce qu’elle devienne évidente. Car elle induit l’idée symétrique de réussite (si les autres ont échoué, c’est donc que moi, je réussis).

Si vous avez été ministre du Budget, ministre des Finances, ministre de l’Intérieur sous les "autres", ce n’est pas très pas grave, tout le monde a oublié.

Exemples :

"Si les autres ont échoué, c’est pas parce qu’ils étaient moins intelligents, c’est parce qu’ils avaient pas de stratégie."

"Ils disent tous cela, et à l’arrivée qu’est-ce qu’on voit, rien !"

"Après des décennies de pensée unique."

"Ca fait des années qu’on parle de participation, et bien il faut la faire."

"Et ça donne quoi ? Beaux résultats, Messieurs les généreux !"

3. "C’est extraordinaire !"

A jeter, çà et là, quand on cherche une phrase qu’on ne trouve pas.

Variantes :

"Ben enfin quand même !"

"C’est pas possible !"

4. "Croyez vous que...?" "Comment voulez vous que...?"

Prendre votre auditeur ou votre interlocuteur à témoin, directement. Lui prêter une pensée (même si elle ne lui a pas forcément traversé l’esprit). Idéal pour souligner l’idée qu’il n’y a qu’une seule pensée exacte, la vôtre.

"Si on ne s’attaque pas aux problèmes à l’école primaire, comment voulez vous que le collège puisse s’en sortir ?"

"Croyez-vous que je suis le fils légitime de Jacques Chirac et qu’il m’a assis sur le trône ?"

"Une fois qu’il n’y aura plus de pétrole, est-ce que vous croyez qu’on aura des gouvernements démocratiques ?"

5. "On peut pas faire comme si ça comptait pas, quand même"

Une petite astuce de bon aloi, qui permet de donner une petite patine populaire au discours : supprimer toutes les négations.

De même, préférer "y’a" à "il y a" :

"Y’a tant d’espoir, tant de dévouement."

6. "Sans précédent", "sans tabous", "du jamais vu", "jamais été fait"

Toutes les expressions courtes qui suggèrent l’idée de rupture sont à privilégier. En parsemer généreusement l’ensemble du discours.

7. "J’aimerais qu’on me prenne au sérieux quand je dis cela"

Prononcer cette phrase en regardant la caméra, d’un air vaguement menaçant, mais avec le sourire. Cela crée une tension dramatique, et renforce votre image de "dur".

Dans le même esprit, ne pas lésiner sur les "je veux" :

"Je veux que la distribution d’actions bénéficie à tous les salariés."

8. "Alors, on me dit"

A utiliser même si personne ne vous dit cela. "On", ce sont "les autres" (voir conseil numéro 3).

Exemple :

"Alors on me dit, c’est compliqué, faut attendre."

9. "Les mots ont un sens"

Idéal pour appuyer un propos. Pas besoin d’ailleurs de connaître le sens correct du mot en question :

" Monarchie, ça veut dire héréditaire... Excusez-moi, Monsieur Joffrin, les mots ont un sens."

10. "J’attends les critiques avec intérêt"

Une phrase qui marche toujours très bien (même s’il n’existe aucune critique sur le sujet traité). Cela renforce le propos (je suis tellement sûr de moi que j’ai hâte d’entendre les critiques) et suggère l’idée de courage, de volonté d’en découdre.

Variante :

"C’est toi qu’a dit ça ? Descends un peu l’dire !"

Pascal Riché

Se sortir d’un mauvais pas

Vous avez du mal à trouver des explications face à votre banquier, votre patron, votre femme ? SarkoPipo montre comment la rhétorique inusable du sarkozien permet de se dépêtrer aisément de ces situations embarrassantes !

Notes

[1Ce texte a été initialement publié, le 9 janvier 2008, sur le site Rue89, avec l’intitulé Toi aussi, rédige un discours pour Sarkozy : http://www.rue89.com/mon-oeil/toi-a....


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP