Une résolution de l’Assemblée sur le 17 octobre...


article de la rubrique Algérie
date de publication : mardi 2 avril 2024
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Une résolution « condamnant » la répression meurtrière d’Algérien·ne.s par la police à Paris le 17 octobre 1961, en prenant soin d’exonérer toutes les institutions de la République ...


Le 28-03-2024, l’Assemblée a adopté une résolution « condamnant » la répression meurtrière d’Algérien·ne.s par la police à Paris le 17 octobre 1961.
Par Fabrice Riceputi. Extraits ci-dessous

Le 28 mars 2024, par 67 voix pour (Nupes, Renaissance, Modem) 11 contre (RN), 4 abstentions, 494 députés n’ayant pas pris part au vote, l’Assemblée nationale a adopté une résolution « relative à la reconnaissance et la condamnation du massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris ». Portée par les députées Sabrina Sebaihi (EELV-Nupes), l’une des très rares élues active sur la question de la mémoire coloniale, et Julie Delpech (Renaissance), elle a été l’objet selon l’AFP « de fréquents échanges avec l’Elysée » sur son contenu. (...)

Dans le texte ci-dessous, l’historien Fabrice Riceputi constate que cette résolution, en retrait par rapport à celle du Sénat en 2012, souffre des mêmes graves manquements à la vérité historique que le communiqué de l’Elysée en 2021 et qu’elle révèle surtout une incapacité politique à qualifier le 17 octobre 1961 pour ce qu’il a été : un crime impliquant toute la Ve République et non seulement le préfet Papon.

Le texte de la résolution adopté le 28 mars 2024 par l’Assemblée Nationale est celui-ci  :

« Rappelant que le 17 octobre 1961, des familles algériennes manifestèrent pacifiquement à Paris contre le couvre-feu discriminatoire imposé par la Préfecture de Paris aux seuls “français musulmans d’Algérie”.
Rappelant que les manifestants ont été victimes sous l’autorité directe du préfet Maurice Papon, d’une répression violente et meurtrière entraînant de nombreuses morts et blessés. (...) Invite le Gouvernement à travailler en commun avec les autorités algériennes pour appréhender leur histoire commune, y compris celle des événements du 17 octobre 1961. »

On peut se réjouir de cette « condamnation » de la répression du 17 octobre 1961, la plus meurtrière dans une manifestation de rue en Europe après 1945, si longtemps niée et occultée par l’État français. Ainsi que de sa commémoration officielle, déjà proposée en 2012 par le Sénat, lequel allait du reste plus loin puisqu’il prescrivait également l’enseignement scolaire de l’événement, un lieu de mémoire et l’ouverture de toutes les archives. En revanche, l’exposé des motifs qui introduit cette résolution frappe l’historien par ses inexactitudes avérées et de graves omissions volontaires, comme cela avait déjà été le cas dans le communiqué de l’Elysée en 2021.

Il est tout d’abord indiqué que le couvre-feu imposé aux Algériens et Algériennes, contre lequel ils et elles protestèrent le 17 octobre 1961 à l’appel de la Fédération de France du FLN, aurait été instauré par un « décret » : c’est faux. Comme plusieurs historiens, dont Sylvie Thénault et moi-même, l’ont déjà relevé en 2021, la décision, manifestement discriminatoire et contraire à la Constitution, n’eut aucune forme légale. Prise en réunion interministérielle avec le Premier ministre Michel Debré, le ministre de l’Intérieur Roger Frey et le préfet Maurice Papon le 4 octobre, elle ne fit l’objet que d’un communiqué de presse de Papon « conseillant » (sic) aux « Français musulmans » de respecter ce couvre-feu. (...) La reconnaissance et la condamnation d’un crime d’Etat le 17 octobre 1961 est donc toujours à faire.

L’Assemblée nationale invoque un nécessaire « apaisement » des mémoires franco-algérienne, thème cher au président Macron. Or aucun apaisement ne peut se produire au prix d’arrangements avec la vérité historique. Car celle-ci est têtue…

Fabrice Riceputi, auteur de Ici on noya les Algériens, le passager clandestin, 2021.

P.-S.

VOIR le site contenant de nombreux articles relatifs au massacre du 17 octobre 1961 ainsi qu’à la longue bataille menée pour pour sa connaissance et sa reconnaissance. : https://histoirecoloniale.net/17-octobre-1961-dans-sa-resolution-lassemblee-ne-reconnait-toujours-pas-le-crime-detat/


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