quand le ministre réprime les enseignants « désobéisseurs », c’est le service public qui trinque


article communiqué de la LDH  de la rubrique démocratie > désobéissance pédagogique
date de publication : mercredi 29 juillet 2009
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Bien qu’il ait effectué l’intégralité de son service devant les élèves et que les rapports pédagogiques de ses inspecteurs soient élogieux, Alain Refalo, professeur des écoles à Colomiers, s’est vu signifier le 24 juillet dernier une importante sanction d’ordre financier.

Les faits reprochés à Alain Refalo sont les suivants : refus d’obéissance, manquement au devoir de réserve, incitation à la désobéissance collective, attaque publique contre un fonctionnaire de l’Education Nationale [1].

Alors que l’administration de l’Education nationale semble s’engager dans une dynamique répressive, la LDH apporte son soutien aux personnes mises en cause et demande l’annulation des sanctions prises ou à venir à Toulouse et ailleurs. Nous reprenons également ci-dessous la lettre ouverte de soutien adressée à l’Inspecteur académique de la Haute Garonne par Raymond Aubrac, Walter Bassan et Stéphane Hessel le 5 juillet 2009.


Communiqué LDH

Paris, le 28 juillet 2009

Quand le ministre réprime les enseignants « désobéisseurs », c’est le service public qui trinque

Dans la discrétion de la période estivale, le ministère de l’Education règle ses comptes et cherche à juguler l’opposition très active depuis des mois contre la succession de réformes imposées au mépris des avis négatifs de la très grande majorité des parties prenantes du secteur éducatif.

La suppression à terme des RASED (réseaux d’aide aux élèves en difficulté), la limitation de fait de l’accueil en maternelle par la création de structures d’accueil hors des écoles des enfants de 2 ans, les suppressions de postes budgétaires qui font de l’Education nationale le plus grand contributeur en la matière, font sens et montrent que le gouvernement s’est lancé dans une opération concertée de dénigrement, de limitation et de mise au pas du service public d’éducation.

L’année scolaire écoulée a connu une mobilisation très forte à l’appel unitaire en particulier des organisations syndicales. Au-delà de ces luttes collectives, en décidant d’affirmer leur responsabilité individuelle, des enseignants, refusant d’être assignés à une fonction d’exécutants sans initiative ni éthique, ont choisi d’entrer selon leurs propres termes en résistance pédagogique.

A Toulouse, Alain Refalo vient d’être victime de la part de l’inspecteur d’académie de la Haute-Garonne d’une sanction pour l’exemple. Ce ne sont pas des faits qui sont ainsi jugés, mais c’est la volonté du ministère de l’Education de faire du maintien de l’ordre qui est ainsi affirmée, et il est à craindre que d’autres décisions du même ordre soient prises dans d’autres départements.

La LDH apporte son soutien aux personnes confrontées à une administration engagée dans une dynamique répressive et demande l’annulation des sanctions prises ou à venir à Toulouse et ailleurs. Face à une situation aussi dégradée, la LDH appelle à un débat national sur le rôle, l’avenir et les moyens du service public d’Education. Mais ce débat n’aura de signification qu’en l’absence de mesures disciplinaires de façon à entendre la voix des enseignants et de l’ensemble des personnels et prendre en compte les avis de leurs organisations syndicales, associatives et professionnelles.

Les désobéisseurs, au coin !

par Jean-Luc Porquet, Le Canard enchaîné du 29 juillet 2009[extrait]


Ils ne l’ont pas révoqué : il aurait fait alors figure de martyr. Mais ils ont tapé au porte-monnaie : Aain Refalo, l’instit « désobéisseur » de Colomiers (Haute-Garonne), perd un échelon sur l’échelle des rémunérations. Ainsi vient d’en décider la commission disciplinaire interne à l’Education nationale devant laquelle il a comparu huit heures durant. Cette sanction va lui faire perdre 7 000 euros dans les quatre années à venir. Et pan !

Que lui reproche le ministère ? De refuser d’appliquer dans sa classe la politique voulue par Darcos. D’affirmer haut et fort qu’il fait cela dans l’intérêt des élèves. Et d’avoir ainsi déclenché, en novembre dernier, un vaste mouvement de « désobéissance pédagogique » : à sa suite, quelque trois mille enseignants et directeurs d’école ont publiquement déclaré leur intention de désobéir aux nouveaux dispositifs inventés par le gouvernement sarkozyste.

D’un côté, en effet, le ministre Darcos a rayé d’un trait de plume des milliers de postes d’enseignant du Rased (Réseau d’aide et de soutien aux élèves en difficulté), qui se consacre aux élèves à la traîne. De l’autre, il a privé de deux heures de classe la majorité des élèves, en imposant aux instits d’affecter ces deux heures à l’« aide personnalisée » à ces mêmes mauvais élèves. Un joli tour de passe-passe qui permet au ministère de dégommer un réseau qui a fait ses preuves tout en claironnant sa grande générosité envers les bonnets d’âne. Refusant ce « dispositif en trompe l’oeil », Refalo a proposé à ses élèves de suivre un atelier théâtre pendant ces deux heures et a « organisé sur le temps scolaire obligatoire des ateliers d’aide et de soutien spécifiquement pour les élèves en difficulté en utilisant toutes les potentialités et les ressources du groupe classe ». Bref, il s’est montré efficace, inventif, mais pas respectueux des directives à la lettre. D’où sa mise au piquet...

Est-ce vraiment étonnant ? Face à un gouvernement obtus, qui multiplie les décisions absurdes, intensifie le travail, réduit les exigences de qualité, les « désobéisseurs » de son espèce se multiplient. [...]

Jean-Luc Porquet


Lettre ouverte de Raymond Aubrac, Walter Bassan et Stéphane Hessel

Le 5 juillet 2009

Lettre ouverte à Monsieur l’Inspecteur d’Académie Directeur des Services Départementaux de l’Education Nationale de Haute-Garonne

Monsieur l’Inspecteur d’Académie,

Nous avons appris la convocation pour sanction de monsieur Alain REFALO devant une commission disciplinaire interne à l’Education Nationale, ce 9 juillet 2009.

Nous avons eu l’occasion de rencontrer Alain REFALO, de discuter avec lui de son action enseignante et de l’écouter expliquer le cadre de son engagement citoyen. Nous avons particulièrement apprécié sa pondération et son sérieux.

C’est un enseignant avec de fortes convictions républicaines, engagé dans son travail au service de l’ensemble de ses élèves. Notre service national d’éducation a besoin d’hommes solides et construits dans leur vision d’éducateurs. Incontestablement, Alain REFALO est de ceux-là.

Nous souhaitons témoigner qu’il est divers moments dans une vie d’homme où assumer ses convictions et les faire partager à d’autres est une nécessité impérieuse. Alain REFALO exprime qu’il vit un de ces moments là.

Quels que soient les différents de l’administration avec ce fonctionnaire, nous ne comprendrions pas qu’elle ne reconnaisse pas cette dimension essentielle pour notre pays : pour former des futurs citoyens libres et conscients, il ne faut pas des enseignants muets et incolores mais des éducateurs citoyens.

Redonner à notre pays des perspectives au service de tous et d’abord des enfants, s’appuyer sur « des hussards » convaincus et investis dans leur mission d’éducateurs au service des valeurs de paix, redonner toute sa place à l’héritage du programme du Conseil National de la Résistance sont des nécessités dans la situation de crise que connaît notre nation.

Notre République ne saurait donner un signal aussi contraire que de sanctionner un enseignant tel qu’Alain REFALO.

Veuillez agréer, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, l’expression de nos salutations citoyennes.

Raymond Aubrac,
Résistant, membre de l’Etat Major de l’Armée Secrète, ancien Commissaire de la République
Walter Bassan,
Résistant, déporté, président de 1995 à 2005 du comité départemental du « concours national de la Résistance et la Déportation » pour les scolaires de Haute-Savoie.
Stéphane Hessel, Déporté, co-rédateur de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, ambassadeur de France.


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