non à l’enfermement sans fin sur présomption de dangerosité


article communiqué de la LDH  de la rubrique justice - police > rétention de sûreté, etc.
date de publication : vendredi 21 décembre 2007
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« Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l’une ni l’autre ». [Thomas Jefferson]


Appel à l’initiative du GENEPI, du SNEPAP-FSU et du Syndicat de la Magistrature et signé par la LDH

Refusons l’instauration d’un enfermement sans fin sur une simple présomption de dangerosité !

Le Parlement s’apprête à examiner un projet de loi visant à instaurer une « rétention de sûreté » qui permettra, après l’exécution de la peine de prison, de prolonger - sans limitation de durée, sans peine et sans infraction - l’enfermement des personnes considérées comme d’une « particulière dangerosité ».

La mise en place d’un tel dispositif, préparé à la hâte à la suite de l’affaire Evrard, relève d’une philosophie de l’enfermement qui s’inscrit dans la culture du « risque zéro » qui, sous prétexte de lutter contre la récidive, impose, depuis plusieurs années, des législations de plus en plus répressives et attentatoires aux libertés publiques.

Il ne s’agit plus simplement de durcir les sanctions ou de renforcer les moyens de contrainte, mais de procéder à des enfermements préventifs, sur la base d’une présomption d’infraction future et dans une logique d’élimination qui s’apparente à une mort sociale.

Actuellement circonscrit aux infractions les plus graves commises sur les mineurs, ce texte, comme la plupart des dispositifs répressifs, est susceptible d’extensions au gré des faits divers du moment.

L’appréciation de la dangerosité n’est par ailleurs fondée sur aucune évaluation sérieuse mais sur une simple expertise psychiatrique, ce qui procède d’une grave confusion entre délinquance et maladie mentale. L’évaluation de la dangerosité ne relève donc pas du diagnostic mais du pronostic.

En refusant de porter les efforts humains et financiers sur le temps de la peine, ce texte fait le choix de ne pas améliorer la prise en charge durant l’incarcération.

Si ce texte est adopté, la France se dotera d’un dispositif sans équivalent dans les démocraties occidentales car, contrairement à ce que le gouvernement veut laisser croire, rien de comparable n’existe en Europe (aux Pays Bas et en Belgique, ce type d’enfermement n’intervient qu’en substitution à la peine).

Aujourd’hui, avec une mesure comparable et au prétexte d’une dangerosité sociale, la Russie enferme des journalistes dans des établissements psychiatriques.

Dans un rapport d’information sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses (2006), les sénateurs Philippe Goujon et Charles Gautier indiquaient que « s’il est indispensable de limiter le plus possible le risque de récidive, celui-ci ne peut être dans une société de droit, respectueuse des libertés individuelles, complètement éliminé. Le « risque zéro » n’existe pas. »

Nous ne pouvons accepter un modèle de société qui sacrifie nos libertés au profit d’un objectif illusoire de « risque zéro ».

Nous appelons les parlementaires à refuser de voter ce texte indigne.

Paris, le 17 décembre 2007

Pour signer cet appel : envoyer un mail à contrelaretentiondesurete@genepi.fr

La loi sur la "prison après la prison" au conseil des ministres

[Reuters 28.11.07 - 15h27] - Le conseil des ministres a examiné un projet de loi contesté par la magistrature, destiné à permettre le maintien dans une structure carcérale les criminels pédophiles jugés les plus dangereux, après qu’ils aient purgé leur peine de prison.

L’idée de faire comparaître les malades mentaux en justice et de rendre possible leur "culpabilité civile" est en revanche abandonnée de facto.

Ce projet de loi "relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental" vise selon le gouvernement à mettre hors d’état de nuire les auteurs de meurtres, assassinats, viols ou actes de barbarie sur mineurs de moins de 15 ans.
Ce texte, critiqué dans sa première version par les milieux de la magistrature et dont le contenu a été revu après son passage au Conseil d’Etat, sera soumis le 18 décembre aux députés pour une première lecture.

L’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) le juge toujours critiquable dans sa dernière version, notamment parce que le placement en "rétention de sûreté", la "prison après la prison", sera soumise aux juges.
"Il s’agira de personnes qui ont purgé leur peine et ne relèvent donc plus, par définition, de la justice, mais de l’administration. On va charger la barque et nous faire porter des prises de risque et des responsabilités qui ne sont pas de notre compétence", a estimé Bruno Thouzellier, président de l’USM.

Premier objectif de ce projet de loi, tel que présenté par le garde des Sceaux Rachida Dati lors du conseil : "retenir dans des centres fermés les auteurs de crimes pédophiles condamnés à 15 ans de réclusion ou plus lorsqu’ils restent particulièrement dangereux et présentent un risque très élevé de récidive".
A leur sortie de prison, les détenus rejoindront des unités d’un nouveau type, la première devant être créée à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) le 1er septembre 2008.

Abandon des procès pour malades mentaux

La "rétention de sûreté" pourra être prononcée pour une durée d’un an par une juridiction spéciale composée de trois juges de la cour d’appel, après avis d’une commission établissant le "degré de dangerosité" du condamné.
Elle pourra concerner des personnes ayant refusé de se soumettre à certaines obligations comme celle de se soigner ou de porter un bracelet électronique.

"La rétention prendra fin dès que la dangerosité de l’individu permettra un autre mode de suivi", précise-t-on dans le compte rendu du conseil.

Un renforcement de la législation avait été demandé par Nicolas Sarkozy fin août dernier après l’arrestation à Roubaix (Nord) de Francis Evrard, violeur présumé d’un enfant de cinq ans. Le pédophile récidiviste venait de sortir de prison après y avoir passé 18 ans pour des crimes similaires.
Le chef de l’Etat avait réclamé quelques jours plus tard que les malades mentaux puissent être traduits devant la justice après avoir rencontré les familles d’une infirmière et d’une aide-soignante tuées à l’hôpital psychiatrique de Pau (Pyrénées-Atlantiques) par Romain Dupuy, un schizophrène.
Il a bénéficié d’un non-lieu pour ces faits, confirmé en appel et a été interné d’office en psychiatrie.

Les syndicats de magistrats s’étaient élevés contre l’idée qui revenait selon eux sur un principe intangible du droit selon lequel les malades mentaux ne peuvent pas faire l’objet de sanction puisqu’ils n’ont pas leur libre arbitre.

Après un avis défavorable du Conseil d’Etat, le gouvernement a finalement renoncé à la déclaration de "culpabilité civile" des malades mentaux et à leur comparution.

Seule nouveauté : le non-lieu sera remplacé par une "déclaration pour irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental" qui pourra être inscrite au casier judiciaire et prononcée en audience publique, une possibilité déjà ouverte à la chambre de l’instruction. L’USM estime donc que l’innovation n’est que "sémantique".


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