en France, le secret défense concerne à peu près tout ce qui touche au nucléaire


article de la rubrique Big Brother > le secret défense
date de publication : mardi 15 mars 2011
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En 2009 le gouvernement avait saisi l’opportunité de la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 [1] pour rendre le secret défense encore plus secret.

Cela permet de rendre certains lieux difficilement accessibles aux autorités judiciaires dans le cadre d’enquêtes pénales. « Le voile du secret va donc s’étendre sur de grands pans de l’activité gouvernementale, avait dénoncé Dominique Barella. Dès que l’Etat estimera que cela peut gêner ses petites et grandes manœuvres d’arrière-cuisine, citoyens, journalistes, magistrats, associations de défense se verront opposer à leurs questions un secret étendu. » [2]

Cela concerne également « les risques d’une explosion, une fuite nucléaire, un accident maritime... » Invitée de l’Édition spéciale sur Canal + le 14 mars 2011, Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement, l’a déploré : « Le secret défense est étendu à peu près à tout ce qui touche au nucléaire ».
Elle a réclamé « un débat rationnel, experts contre experts, comme en Allemagne ou en Italie, avec des chiffres et des coûts », tout en fustigeant la rhétorique du gouvernement, qui selon ses dires « fait de la communication ». [3]


Le secret, par Hervé Kempf

Le Monde, 2 juin 2010


C’est tout à fait simple : imaginez qu’un document officiel contienne, d’une manière ou d’une autre, une référence à la chose militaire. Il vous suffit de le déclarer "secret-défense" pour en empêcher la communication publique.

Autre méthode du même tonneau : un document officiel contient des données relatives à une entreprise privée. Vous lui demandez si vous pouvez le communiquer, elle vous répond que ces données relèvent du "secret commercial", et vous retenez le document, ou le caviardez des pages relatives à cette entreprise. Cette entreprise assume un service public ? La belle affaire !

Vous retenez donc à votre gré ce qui vous arrange. Mais, comme vous avez adopté une loi "sur la transparence", que vous avez signé une convention internationale sur "le droit à l’information du public" et que, depuis la Révolution de 1789, vous êtes labellisé "démocratie", tout va bien, vous êtes un pur et parfait démocrate.

La France, en ce qui concerne le nucléaire, se trouve dans cette situation. Le président a commandé en janvier - à grands sons de trompe - un rapport à François Roussely sur "l’évolution du nucléaire civil à l’horizon 2030".

Le rapport est rendu au président début mai, mais classé secret-défense. Circulez, rien à voir.

Un débat public sur Areva, EDF, GDF-Suez, et les arrangements entre gens du même monde ? Secret, on vous dit. Le président rendra "sa" décision quand le temps sera venu.

Autre anecdote, moins visible, mais aussi significative : un consultant en énergie demande à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) son rapport sur la "gestion des compétences et des habilitations des personnels d’exploitation des réacteurs à eau sous pression d’EDF" ; l’IRSN consulte EDF et transmet le rapport de 150 pages allégé de... 93 pages.

Le plus étonnant, dans tout cela, est l’indifférence.

Comme si l’on s’était définitivement habitué à l’idée que le nucléaire échappe aux règles démocratiques qui régissent les autres sujets intéressant la société.

La seule conclusion que l’on puisse tirer de ce mépris continu des dirigeants pour la discussion est que seule est efficace l’action des citoyens. Comme celle des citoyens obscurs de Champagne et Lorraine qui ralentissent le stockage de nouveaux déchets dans leur région. Ou comme le travail de journalistes et de Greenpeace pour empêcher l’exportation de déchets nucléaires en Russie. Areva a annoncé qu’elle arrêtait cette exportation. Bravo aux citoyens et activistes ! Parce que, des "responsables", il y a peu à attendre.

Hervé Kempf


Une synthèse du rapport Roussely a été rendue publique le 27 juillet 2010 [4], mais le rapport complet est toujours classé secret défense, certaines révélations étant, selon le Réseau "Sortir du nucléaire", inavouables aux yeux de l’Etat [5].

Mais comment Nicolas Sarkozy peut-il dans ces conditions vanter le nucléaire français, « le plus sûr du monde » ? [6]


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