à Toulon aussi, la vérité doit être dite sur la guerre d’Algérie


article de la rubrique torture > Bigeard aux Invalides ?
date de publication : jeudi 8 décembre 2011
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La section de Toulon de la Ligue des droits de l’Homme se félicite du succès rencontré par la pétition protestant contre l’hommage qui serait rendu au général Bigeard si ses cendres étaient transférées à l’Hôtel national des Invalides, et elle incite chacun à se joindre aux 6 000 personnes qui l’ont déjà signée.

Elle souhaite que la vérité historique soit respectée, notamment à l’occasion des manifestations qui vont être organisées en France pour le cinquantenaire de la fin de la guerre d’Algérie. Elle demande en particulier à la municipalité de Toulon qu’une plaque soit apposée à côté du monument érigé en 1980 à la Porte d’Italie de Toulon pour en expliquer le sens : ce monument est à la gloire de Roger Degueldre, chef des commandos Delta de l’OAS, organisation factieuse qui a pris les armes contre la République, à la fin de la guerre d’Algérie.


La Une de La Marseillaise du 8 décembre 2011.

Algérie : des hommages « scandaleux »

par Agnès Masseï, La Marseillaise du 8 décembre 2011


Ligue des droits de l’Homme. La section de Toulon s’insurge contre le transfert des cendres du général Bigeard aux Invalides et les distinctions remises à d’anciens de l’OAS.

« Non à l’hommage officiel au général Bigeard » : en une petite dizaine de jours, l’appel a déjà recueilli plus de 6000 signatures. Le texte, qui s’insurge contre le déplacement des cendres du militaire aux Invalides, est relayé par le site Internet de la section toulonnaise de la Ligue des droits de l’Homme (LDH).

Et pour cause : le Toulonnais François Nadiras, membre de la LDH et infatigable travailleur de la « question algérienne » figure parmi ses initiateurs aux côtés de l’historien Alain Ruscio et de la journaliste Rosa Moussaoui. Il en explique la démarche : « Le général Bigeard, mort en 2010, avait exprimé le souhait que ses cendres soient répandues sur Dien Bien Phu. Les autorités françaises ont donc pris contact avec leurs homologues vietnamiennes, qui n’ont pas donné suite. On les comprend. Gérard Longuet, originaire de Lorraine comme l’était Bigeard, a envisagé une sorte de solution de repli et a proposé qu’elles soient transférées aux Invalides. Ce qui constituerait un honneur. » Un égard que François Nadiras juge « scandaleux » au regard du parcours et des propos tenus par le général Bigeard. La torture était en effet selon lui « un mal nécessaire ». Et s’il a inlassablement nié y avoir eu recours, « rien ne prouve que ce soit vrai », ajoute François Nadiras.

Le militant des droits de l’homme évoque en parallèle des faits relatés dans un article paru dans l’édition d’hier de La Marseillaise : on peut y lire que l’Allemagne enquête toujours pour retrouver les Allemands coupables des exactions d’Oradour-sur-Glane en 1944. En France, au contraire, « on ne poursuit pas ceux qui ont eu des comportements condamnables en Algérie, on les amnistie ». Non seulement on les amnistie, mais il arrive même qu’on les distingue. « C’est ce qui se passe avec Bigeard, mais aussi avec Hélie de Saint-Marc [qui s’est vu remettre la Grand-Croix de la Légion d’honneur, ndlr]. »

« Obstacle à la réconciliation ».

Plus près de chez nous, où le souvenir de la guerre d’Algérie demeure, d’une manière ou d’une autre, extrêmement vivace, c’est le Varois Jean-François Collin qui a été décoré de la Légion d’honneur. Jean-François Collin ? Mais si… souvenez-vous : un ancien élu Front national à Hyères, aujourd’hui président de l’Adimad (Association de défense des intérêts moraux des anciens détenus). Un sigle qui omet de souligner que l’association accueille dans ses rangs activistes de l’OAS et autres adeptes de l’Algérie française. La nomination de cet ancien de l’OAS comme chevalier de la légion d’honneur n’a pas manqué de susciter la réaction de plusieurs associations telles que la Fnaca (Fédération nationale des Anciens Combattants en Algérie, Maroc, Tunisie) et l’ANPNPA (Association nationale des Pieds-Noirs progressistes et leurs amis) qui y voient notamment un « obstacle à la réconciliation ».

Dans le même état d’esprit, la LDH de Toulon pointe régulièrement les stigmates du colonialisme qui demeurent au gré des rues toulonnaises. Parmi eux, le monument érigé Porte d’Italie à la gloire de Roger Degueldre, créateur des commandos Delta de l’OAS. « Nous ne demandons pas qu’il soit supprimé car les édifices permettent de comprendre l’histoire. En revanche, nous allons engager une démarche officielle pour que soit apposée une plaque explicative, sans parti pris. » Pédagogie et devoir de mémoire certes, mais on n’oublie pas néanmoins que c’est devant cette stèle que « Jean-Marie Le Pen a lancé sa campagne lors des dernières Régionales, le jour anniversaire de la journée des barricades à Alger ».

Agnès Masseï


La stèle érigée Porte d’Italie à la gloire de Roger Degueldre, créateur des commandos Delta de l’OAS. La LDH ne réclame pas sa disparition, mais demande à ce qu’une plaque en éclaire le sens.

Il y a déjà quatre ans ...

1er décembre 2007 : quatre quotidiens - deux français, deux algériens : Le Monde, L’Humanité, Al Khabar et El Watan » - publient un appel à « dépasser le contentieux historique ». Aussitôt relayé (et toujours en ligne) sur le site Internet de la LDH de Toulon, il émane d’historiens français et algériens. Il a pour ambition de « faire advenir une ère d’échanges et d’amitié entre les deux pays, et au-delà, entre la France et les pays indépendants issus de son ancien empire colonial ».


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