violences dans la République


article communiqué de la LDH  de la rubrique discriminations > homosexuels
date de publication : samedi 20 avril 2013
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La Ligue des droits de l’Homme condamne fermement les violences, ainsi que les propos et actes homophobes, qui accompagnent les manifestations des opposants au mariage pour tous.

Face à ces violences, la peur et la colère montent parmi les homos. Pour la presse internationale, qui s’inquiète des récentes agressions homophobes à Paris, les anti Mariage pour tous sont représentatifs d’une France repliée sur elle-même.

[Mis en ligne le 19 avril 2013, mis à jour le 20]



Communiqué LDH

Paris, le 19 avril 2013

Mariage pour tous, homophobie :
des violences qui mettent la République en ligne de mire

Bars gays saccagés, « chasse à l’homo », organisation systématique d’affrontements avec les forces de l’ordre, prise à partie personnelle des parlementaires, débats publics sabotés… La protestation contre le mariage pour tous, veut faire prévaloir la force sur le débat parlementaire, et sur le respect des engagements pris devant les électeurs. Elle recourt aux pires méthodes, et révèle son mépris du processus démocratique et l’homophobie qu’elle prétendait dissimuler, sous couvert de la « défense des familles ».

La Ligue des droits de l’Homme, qui a toujours soutenu le droit au mariage pour tous et l’adoption, sans considération de l’orientation sexuelle, comme des avancées fortes de l’égalité des droits, condamne avec force cette explosion calculée de violences. S’il est normal que les enjeux de société fassent débat, que les craintes et les refus s’expriment, et que la protestation s’inscrive dans l’espace public, en l’espèce, il s’agit de tout autre chose. Les organisateurs de ces manifestations construisent le cadre idéologique qui légitime les violences perpétrées contre les biens et les personnes. Ils fournissent un espace d’accueil et de rencontre à divers courants politiques et religieux de droite, historiquement marqués par leur haine de l’égalité, de la liberté et de la République. Cette stratégie de montée de la violence s’exprime également au sein de l’Assemblée nationale ; l’opposition marque ainsi son dépit, mais aussi sa disponibilité à des alliances sulfureuses, enjeux électoraux obligent.

La Ligue des droits de l’Homme s’inquiète de la conjonction de cette radicalisation avec la fragilisation politique induite par les suites de l’affaire Cahuzac. Elle demande au gouvernement de prendre conscience de l’exaspération de la population, toujours en attente des mesures de justice sociale et de rénovation éternellement remises à plus tard. Elle invite le président de la République et le gouvernement à en prendre la juste mesure, et demande aux citoyennes et citoyens de continuer à se mobiliser pour la légalisation du mariage pour tous. Au-delà, la Ligue des droits de l’Homme appelle à la plus grande vigilance face à toutes les provocations visant à affaiblir la République et délégitimer la représentation nationale.

Face aux violences, la peur et la colère des homos

par Claudia Courtois, Gaëlle Dupont et Laurie Moniez, Le Monde, 19 avril 2013


L’exaspération, la colère et, pour la première fois depuis de nombreuses années, la peur grandissent chez les homosexuels, stupéfaits par la radicalisation des opposants à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, et l’accumulation des agressions homophobes. Après la dégradation de l’Espace des Blancs-Manteaux, dans le Marais à Paris, où se tenait le Printemps des associations gays et lesbiennes, dans la nuit du 6 au 7 avril, et l’agression de Wilfried de Bruijn la même nuit, la série continue.

Mercredi 17 avril, quatre personnes ont fait irruption au Vice Versa, un bar gay du Vieux-Lille. "Il faisait beau, les clients étaient contents, c’était sympa. On a vu débarquer quatre mecs, crânes rasés, dont l’un avait une croix gammée tatouée sous l’oeil. Yohan leur a demandé de partir", témoigne Kevin, 25 ans, serveur dans ce bar.

Pour réponse, il encaisse un "Toi, ta gueule, pédé. Regarde-moi dans les yeux si t’as des couilles." Yohan ne cille pas. La bagarre éclate. Les agresseurs jettent chaises et tables sur la vitrine et s’en prennent au patron, à son associé, et à Kevin, roué de coups par deux personnes. Ce dernier a eu la cloison du nez fêlée, une vertèbre endommagée et une dent cassée.

La BAC a rapidement arrêté les quatre agresseurs. Placés en garde à vue, ces hommes âgés de 18, 24, 25 et 50 ans appartiennent tous à une mouvance extrémiste. Une enquête pour dégradations volontaires et violences volontaires en réunion aggravées par l’orientation sexuelle des victimes a été ouverte. Leur jugement en comparution immédiate devrait avoir lieu vendredi.

"REVOLVER SUR LA TEMPE"

Plus tard dans la nuit du 17 au 18 avril, à 1 heure, c’est un bar gay du centre-ville de Bordeaux, le Go West, qui a été pris pour cible. Deux hommes gantés, équipés d’armes de poing, le visage caché par un passe-montagne noir ont d’abord bousculé une femme, qui est tombée à terre à l’extérieur du bar. Quand le copropriétaire, Jacques Godefroy, a voulu l’aider à se relever, "l’un lui a collé le revolver sur la tempe pendant que l’autre le frappait à la tête avec la crosse", témoigne Yvan de La Cruz, l’autre propriétaire.

Sans un mot, l’un des deux agresseurs est ensuite entré, a bousculé des clients, en a giflé certains, cassé des verres et des bouteilles avant de prendre la fuite à pied. La brigade des violences de la sûreté départementale suit "indifféremment" deux hypothèses : l’agression homophobe et le règlement de comptes d’un salarié. François Hollande a condamné, le 17 avril, les "actes homophobes violents" et réclamé que l’on "respecte le Parlement, la loi, le suffrage universel".

Y a-t-il un effet de loupe sur ces violences lié au contexte politique ? Les agressions homophobes ne sont pas une nouveauté. En 2012, l’association SOS Homophobie a recueilli 152 témoignages de violences physiques, quasiment une tous les deux jours en moyenne. "On les voit davantage et elles suscitent plus d’émotions en ce moment", relève Nicolas Gougain, porte-parole de l’Interassociative lesbienne, gaie, bi, et trans (LGBT).

"Il y en a rarement autant de cette gravité dans un laps de temps si court", note cependant Elisabeth Ronzier, présidente de SOS Homophobie. Par ailleurs, une attaque de lieux symboliques comme les bars gays n’avait pas eu lieu depuis plusieurs années. Ces militants effectuent donc un lien entre les agressions et le débat autour du mariage pour tous, les opposants ayant "libéré" et "légitimé" la parole homophobe, selon eux. Les mots entendus dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, jeudi 18 avril, notamment quand le député UMP Philippe Cochet a accusé la majorité "d’être en train d’assassiner les enfants", ont, entre autres, choqué.

"PASSER À AUTRE CHOSE"

Depuis plusieurs mois, les associations de lutte contre l’homophobie enregistrent une augmentation des appels, mais récemment, la tension est montée d’un cran. "Les gens commencent à avoir peur pour leur sécurité, c’est quelque chose qu’on n’avait pas vu depuis un moment", explique M. Gougain. C’est le cas de Nicolas Wanstok, qui travaille aux Mots à la bouche, une librairie gay du Marais à Paris. Des stickers et des tracts de la Manif pour tous, agrémentés de slogans tels que : "Pas de pédés dans notre marais" ou "Pas de théorie du gender dans notre quartier" ont été collés sur la vitrine et glissés dans la boutique. Par ailleurs, M. Wanstok s’inquiète un peu de devoir déménager dans le 19e, "là où l’agression a eu lieu".

Même si elle n’a pas souhaité répondre à chaque manifestation des "anti", de crainte que le climat ne dégénère encore davantage, l’Inter-LGBT soutient l’appel à manifester lancé par Act-up dimanche 21 avril, le même jour qu’une nouvelle Manif pour tous. "C’est une date anniversaire symbolique, estime M. Gougain. C’est aussi une manière de libérer un espace de protestation pour celles et ceux qui n’en peuvent plus." Elle a également fixé le rendez-vous suivant, mardi 23 avril au soir, jour de l’adoption définitive du texte, pour "faire la fête" en ce jour historique.

En attendant, de nombreux homosexuels "serrent les dents" et "attendent que ça passe". "Nous avons hâte de passer devant le maire et plus encore de passer à autre chose !", témoigne Sabine, en couple avec une femme depuis presque vingt ans.

Claudia Courtois, Gaëlle Dupont et Laurie Moniez


Dessin de Kroll

Mariage pour tous : une France repliée sur elle-même

par Caroline Marcelin, Courrier international, le 19 avril 2013


La tension monte en France au moment où le projet de loi pour le mariage pour tous revient en seconde lecture à l’Assemblée nationale, écrit le Daily Telegraph. Le quotidien rapporte le florilège de propos lancés par les anti : "Hollande veut du sang, il en aura", de la "blonde peroxydée" Frigide Barjot ou encore "le coup d’Etat législatif" de l’orateur du groupe UMP sur le projet Taubira, Hervé Mariton. Sans oublier bien sûr, "vous êtes en train d’assassiner des enfants", lancé par le député UMP Philippe Cochet à l’Assemblée nationale le 18 avril — Daily Telegraph. Autant de propos révélateurs d’un climat on ne peut plus tendu entre les pro et anti Mariage pour tous.

Le correspondant d’El Pais dresse de son côté un rapide portrait des anti, représentatifs de cette France "bigote et inquiète, provinciale et parisienne à 50% et blanche à 99% (...) Une mobilisation qui s’est habilement camouflée par une mise en scène de type Disney, des habits et des pancartes couleur pastel. Qui, au nom de la pluralité et du respect, s’est autoproclamée Manif pour tous."

Le journaliste espagnol écrit : "la France, la nation qui a inventé les droits de l’homme est aujourd’hui un pays effrayé et méfiant où prolifèrent les phobies. L’islamophobie a envahi la campagne électorale. Le racisme et la xénophobie […] font partie du langage courant. Et l’homophobie a commencé à montrer son visage le plus violent depuis que François Hollande a décidé de lancer la nouvelle loi sur le mariage homosexuel".

Miguel Mora fait référence aux agressions homophobes qui se sont récemment produites en France.

Celle perpétrée le 7 avril à Paris contre Wilfred de Bruijn et son compagnon, ont fait réagir la journaliste américaine Janine di Giovanni, dans The Daily Beast : "Je ne peux pas m’empêcher de penser à la montée du fascisme en Europe dans les années 30 et à la façon choquante dont les personnes les plus civilisées perdent soudain la tête face à ce qu’elles estiment différent. Les êtres humains font de la résistance au changement. A l’époque c’était le socialisme ou le communisme qui ont entraîné des bandes de voyous dans la rue. Aujourd’hui, ce sont les droits des homosexuels".

Reporter de guerre, la journaliste écrit que cet acte homophobe est intervenu au moment où l’on célébrait l’anniversaire du génocide rwandais : "Je ne fais pas de comparaison, mais en triant de vieilles photos d’il y a 19 ans, et en me souvenant des morts entassés, de l’odeur de la mort dans ce lieu torturé, il est difficile de tolérer ce que les humains peuvent se faire les uns aux autres. J’ai eu cette même impression écœurante quand j’ai regardé le visage brutalisé de Bruijn."

Au Québec (où le mariage homosexuel est légal depuis 2004), une blogueuse écrit sur montrealgazette.com : "Je n’irai pas en vacances à Paris parce qu’on ne sait jamais. Peut être qu’en descendant un boulevard avec une amie, je serais frappée ou tuée parce que je suis lesbienne. Je reste donc dans la Nouvelle-France, mon magnifique Québec, qui est bien plus évolué et tolérant que ce pays que nombre de mes ancêtres ont quitté".


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