une note du service juridique du ministère sur le droit d’opposition à base élèves


article de la rubrique Big Brother > base élèves et la justice
date de publication : jeudi 14 octobre 2010
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Vous trouverez ci-dessous le contenu de la note adressée aux recteurs d’académie et aux inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale, le 7 octobre 2010, par la directrice des affaires juridiques du ministère de l’Éducation nationale.

Dans ce texte consacré à l’« opposition de parents d’élèves à l’inscription de données relatives à leur enfant dans “base élève 1er degré” », la directrice du service juridique refuse toute légitimité aux différents motifs invoqués jusqu’à présent par des parents pour justifier leur demande. La note se termine par une allusion à l’article 40 du code de procédure pénale.

Le ministère de l’Éducation nationale adresse ainsi une fin de non-recevoir aux parents et aux enseignants qui s’opposent à ce fichage des enfants à l’école.

Dans la soirée, le Collectif national de résistance à base élèves (CNRBE) a réagi à la publication de cette note en diffusant un communiqué : « Droit d’opposition et fichage des enfants : comment le ministère s’assoit sur un jugement du Conseil d’Etat ».


Note de la Direction des affaires juridiques

Paris, le 7 octobre 2010


à
Mesdames et Messieurs les recteurs d’académies,
Mesdames et Messieurs les inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale

Objet : Opposition de parents d’élèves à l’inscription de données relatives à leur enfant dans « base élève 1er degré ».

La direction générale de l’enseignement scolaire et la direction des affaires juridiques ont été destinataires de demandes adressées par des parents d’élèves aux inspecteurs d’académie visant à faire usage du droit d’opposition prévu par l’article 38 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés pour refuser l’inscription de données dans la base élèves 1er degré. Je vous adresse !es éléments suivants qui pourront être repris dans les réponses qui seront faites à ces parents.

Je tiens tout d’abord à rappeler que toute personne souhaitant exercer un droit d’opposition doit, aux termes de la loi, pouvoir faire état de « motifs légitimes », notamment relatifs à une atteinte à la vie privée, Or il apparait que la base en question ne comporte que des données à caractère général relatives aux coordonnées de l’élève ou de ses représentants, à sa scolarité et aucune donnée sensible, et que le Conseil d’Etat a considéré le recueil de ces données comme nécessaire pour le bon fonctionnement du service public de l’enseignement. Le fondement « légitime » sur lequel pourrait être exercé le droit d’opposition des parents semble donc a priori ne pouvoir jouer que de façon marginale, dans des hypothèses rares, ce qui est, de fait, confirmé par les motifs invoqués par les parents dans les courriers reçus par la DAJ, dont deux lettres types.

Certains courriers se fondent sur la seule annulation partielle, prononcée par
la décision du Conseil d’Etat du 19 juillet 2010 sur la « base élèves 1er
degré », de la décision de mise en œuvre du traitement à compter de 2004 et de l’arrêté du 20 octobre 2008. Je précise à toutes fins utiles que cet arrêté reste en vigueur, à l’exception de la disposition relative au droit d’opposition, et que cette annulation partielle ne constitue évidemment pas à elle seule un motif légitime.

Une première lettre type mentionne par ailleurs qu’en l’absence de régularisations, les fichiers « base éléves 1er degré » et « base nationale des identifiants élèves » sont illégaux, ce qui justifierait l’exercice du droit d’opposition. Mais le ministère a procédé à l’ensemble des régularisations requises par les décisions du Conseil d’Etat.

Cette lettre mentionne aussi, de façon erronée, que la décision du Conseil d’Etat a censuré la mise en relation de « base élèves 1er degré » avec d’autres fichiers alors que seule l’absence de la mention de ce rapprochement de fichiers dans la déclaration faite à la CNIL a été relevée et que cette situation a été régularisée comme indiqué plus haut.

Enfin, cette lettre indique que la fiche de renseignements destinée à recueillir les données ne mentionne pas le droit d’opposition. Or la méconnaissance d’un droit d’information, à supposer qu’elle soit exacte, est sans incidence sur la légitimité du recueil des données par cette base. Ce motif est donc inopérant.

Un second courrier type fait état de motifs qui ne sont pas fondés ou sont insuffisamment explicites pour constituer des motifs légitimes au sens de l’article 38 de la loi de 1978.

Les intéressés soutiennent que les renseignements relatifs à leur enfant relèvent de la vie privée sans préciser en quoi il y serait porté atteinte. En effet, l’invocation de toute donnée relative à la vie privée ne saurait constituer en soi un motif légitime de s’opposer à sa présence dans un traitement de données.

Ce courrier se fonde aussi sur une prétendue méconnaissance des articles 6 et 32 de la loi du 6 janvier 1978, pour défaut d’information des parents, ce qui est inopérant, comme indiqué plus haut.

Les intéressés estiment par ailleurs que ce traitement ne répond en rien aux obligations de l’éducation nationale, alors que dans sa décision du 19 juillet 2010, le Conseil d’Etat a au contraire précisé que ce traitement était
nécessaire au bon fonctionnement du service public de l’enseignement. Les autres allégations sont en outre fausses. Ce traitement ne fait l’objet d’aucune interconnexion comme l’a aussi précisé le Conseil d’Etat mais uniquement de mises en relation de fichiers, et la recherche d’enfants ne constitue aucunement une de ses finalités. Enfin, aucune donnée n’est transmise à des sociétés privées.

L’argumentation relative à une possible utilisation future du fichier pour une autre finalité que celle prévue actuellement ne peut qu’être écartée car elle ne repose que sur des allégations gratuites. Je rappelle que toute modification de la finalité du traitement nécessiterait la transmission à la CNIL d’une modification de la déclaration initiale.

Ce courrier type met aussi en cause la sécurisation du traitement alors que celle-ci a été prévue comme cela est précisé dans la déclaration faite à la CNIL (mise en place de règles pour contrôler l’accès à l’application, dispositions prévues pour protéger le réseau des intrusions extérieures, protection particulière des données).

Enfin, des éléments d’information complets ont été transmis au Conseil des droits de l’homme de l’ONU en réponse aux questions soulevées dans son rapport du 24 février 2010.

Dans d’autres courriers rédigés de façon libre, les intéressés se bornent à invoquer une méconnaissance de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou de la convention internationale des droits de l’enfant en ce que la mise en œuvre du traitement constituerait une atteinte aux libertés individuelles mais sans préciser en quoi cette atteinte serait constituée ni quelles données précises seraient en cause. En outre, dans sa décision du 19 juillet 2010, le Conseil d’Etat a précisé que les moyens tirés de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée garantie par les dispositions susmentionnées et celui d’une atteinte disproportionnée aux libertés des personnes devaient être écartés.

Il est aussi soutenu que les informations recueillies seraient démesurées par rapport à la finalité du traitement alors que le Conseil d’Etat a relevé dans sa décision du 19 juillet 2010 que « de telles données, dont aucune n’excède les finalités poursuivies par le traitement automatisé, doivent être regardées comme en adéquation avec la finalité du traitement et sont proportionnées à cette finalité ».

Enfin, l’absence de recueil du consentement des parents est sans incidence sur le droit d’opposition. Par ailleurs, le recueil du consentement, prévu à l’article 7 de la loi du 6 janvier 1978, n’est pas requis lorsque le responsable
du traitement est investi d’une mission de service public, ce qui est le cas en l’occurrence.

Ainsi, dans aucun des courriers reçus, les intéressés n’ont fait valoir d’éléments de nature à caractériser un motif légitime permettant de s’opposer à ce que les données relatives à leur enfant soient recueillies dans la « base élèves 1er degré ».

Je précise enfin qu’une inspection académique a fait état d’opposants à
« base élèves 1er degré » qui ont fait irruption dans une école afin de faire pression sur le directeur pour interrompre les inscriptions. Cette action est susceptible de constituer une infraction pouvant, le cas échéant, selon les circonstances de l’espèce, justifier de faire usage des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale.

La directrice des affaires juridiques



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