un procès historique en France sur les crimes commis sous la dictature chilienne


article communiqué de la LDH  de la rubrique international > justice internationale
date de publication : samedi 25 décembre 2010
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Du 8 au 17 décembre 2010, quatorze anciens responsables de la dictature chilienne ont été jugés en Cour d’assises à Paris pour la disparition de quatre victimes franco-chiliennes. Treize d’entre eux ont été lourdement condamnés.

Plus d’informations sur le site de la Fédération internationale des ligues de droits de l’Homme (Fidh) :

[Mis en ligne le 13 décembre 2010, mis à jour le 25]



Voir en ligne : escadrons de la mort, l’école française

« Où sont-ils ? »

La justice française condamne les accusés jugés pour la disparition de Français au Chili

[Le Monde.fr, 18 décembre 2010]


Pour la première fois, la justice française a lourdement condamné des crimes commis par la dictature chilienne du général Augusto Pinochet (1973-1990). La cour d’assises de Paris a prononcé treize condamnations dans le procès concernant les cas de quatre Français disparus à la suite du coup d’Etat : Georges Klein, Etienne Pesle, Alphonse Chanfreau et Jean-Yves Claudet. Comme la disparition ne figure pas au code pénal, les accusés ont été jugés pour arrestation et séquestration arbitraire, accompagnées de tortures et actes de barbarie.

Les deux chefs de la Direction du renseignement national (DINA), les généraux Manuel Contreras et Pedro Espinoza, ont été condamnés à la prison à vie. Onze autres officiers ou agents de la répression ont été condamnés à des peines de 15 à 30 ans. Pour Claude Katz, avocat de la Fédération international des droits de l’homme, qui s’est constituée partie civile, ce "verdict historique" représente "la victoire du droit sur la barbarie". [...]

Communiqué commun FIDH, CODEPU et LDH

Le 3 décembre 2010


Un procès historique en France sur les crimes internationaux commis sous la dictature chilienne

Paris, Santiago, le 3 décembre 2010 - La FIDH et ses organisations membres au Chili et en France, la Corporación de Promoción y Defensa de los Derechos del Pueblo (CODEPU) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH), se réjouissent de l’ouverture du procès de 14 anciens hauts responsables de la dictature de Pinochet, auteurs présumés de la disparition de quatre franco-chiliens : Georges Klein, Etienne Pesle, Alfonso Chanfreau et Jean-Yves Claudet. Initialement prévu en mai 2008, le procès a été reporté une première fois. Il se tiendra finalement devant la Cour d’assises de Paris – la plus haute juridiction criminelle française – du 8 au 17 décembre 2010.

La FIDH, le CODEPU et la LDH, ainsi que l’Association des ex prisonniers politiques chiliens en France et l’Association France Amérique Latine se sont constituées parties civiles aux côtés des familles des quatre franco-chiliens dans un procès qui devrait permettre la première condamnation du système répressif de la la dictature de Pinochet (1973-1990).

Les crimes de disparition et de torture, commis à l’encontre des 4 victimes au cœur de ce procès, rendent en effet compte de l’échelle très hiérarchisée de commandement du régime et des évènements marquants de cette dictature : le bombardement du Palais présidentiel de la Moneda, où s’est suicidé Salvador Allende ; la répression systématique des opposants (notamment les militants du Mouvement de la gauche révolutionnaire – MIR - et les acteurs de la réforme agraire lancée par Allende) ; la torture pratiquée de manière massive et systématique dans les centres de torture, tels que Londres 38, Villa Grimaldi, ou la « Colonia Dignidad » ; et le Plan Condor visant l’élimination des opposants aux régimes dictatoriaux de la région.

Parmi les 14 suspects qui seront jugés à Paris figure le général Manuel Contreras, ex-chef de la DINA (première police secrète du régime militaire chilien). Augusto Pinochet était également poursuivi dans cette affaire, mais il est décédé le 10 décembre 2006, quelques semaines avant l’ordonnance de mise en accusation de la juge d’instruction française Sophie Clément. Quatre autres suspects sont décédés avant l’ouverture de ce procès.

« Les audiences permettront aussi de faire entendre plusieurs témoins historiques. En dépit de la mort d’Augusto Pinochet, ce procès n’en sera pas moins celui, posthume, du dictateur, mais également le seul de l’ensemble du système de répression mis en place », ont déclaré Maîtres William Bourdon, Sophie Thonon, Claude Katz et Benjamin Sarfati, avocats des victimes et des parties civiles.

« La détention d’Augusto Pinochet à Londres en 1998 a permis de relancer les procédures en cours, initiées par les victimes de la dictature chilienne, au Chili comme à l’étranger. Ce procès, de par la nature imprescriptible des crimes concernés, dépasse les frontières et contribue à la lutte contre l’impunité au niveau mondial. On espère maintenant que la vérité qui sortira de ce procès sera entendue au Chili et permettra enfin d’affronter la réalité de ces crimes », ont déclaré Hiram Villagra et Federico Aguirre, avocats du CODEPU au Chili.

Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
Corporación de Promoción y Defensa de los Derechos del Pueblo (CODEPU)
Ligue des droits de l’Homme (LDH)

La junte chilienne devant la justice française,
sans les accusés

[LEMONDE.FR avec AFP, 8 décembre 2010]


Après plus de trente-cinq ans d’attente, un procès pour l’histoire et le symbole s’est ouvert, mercredi 8 décembre, devant la cour d’assises de Paris : celui de 14 membres de l’ex-junte chilienne jugés, en leur absence, pour les disparitions de quatre Français ou Franco-Chiliens sous la dictature d’Augusto Pinochet.

Georges Klein, conseiller de Salvador Allende, a été arrêté en septembre 1973, dans les premiers jours de la dictature, tout comme l’ancien prêtre Etienne Pesle. Alphonse Chanfreau et Jean-Yves Claudet-Fernandez, deux membres du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR), ont disparu l’un en 1974, l’autre en 1975.

Pas d’extradition de la part du Chili

Treize membres chiliens de la junte et un Argentin, essentiellement d’anciens militaires, âgés de 61 à 89 ans, sont appelés à comparaître jusqu’au 17 décembre pour les faits d’"arrestations, enlèvements, séquestrations arbitraires avec torture ou actes de barbarie".

Aucun n’a pris place dans le box des accusés, bien que quasiment tous aient des domiciles connus dans leur pays d’origine. "La cour constate" qu’il n’y a pas d’accusé présent, ni d’avocat pour les représenter, a sobrement observé le président de la cour d’assises, Hervé Stephan, à l’ouverture de l’audience.

Les mandats d’arrêt internationaux délivrés par les juges d’instruction sont restés lettre morte, le Chili n’extradant pas ses ressortissants. La procédure dite de "défaut criminel" qui permet de les juger en leur absence autorise qu’ils soient représentés par un avocat, mais aucun n’en a manifesté l’intention jusqu’ici.

« Procès à valeur symbolique »

Certains accusés, comme le général Manuel Contreras, fondateur de la direction du renseignement national (Dina, police secrète), ont déjà été condamnés au Chili pour des crimes commis durant la dictature et sont actuellement détenus.

Ce sera un procès "à valeur symbolique et historique considérable", assure Me William Bourdon, l’un des avocats des familles, qui y voit une occasion unique de dresser une "photographie judiciaire à peu près exhaustive de l’appareil de répression mis en place par le général Pinochet".

Augusto Pinochet, au pouvoir de 1973 à 1990, avait été mis en examen dans cette procédure française mais sa mort, en décembre 2006, a éteint l’action judiciaire à son encontre. Il n’a jamais eu à répondre en justice des crimes commis durant sa dictature.

En 1978, interrogé par la télévision, Augusto Pinochet expliquait que les disparitions relevaient d’une "propagande" ourdie depuis l’étranger.


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