un Varois lauréat de la sixième édition française des Big Brother Awards


article de la rubrique Big Brother > biométrie
date de publication : dimanche 5 février 2006
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Le jury a décerné une mention spéciale à Armand Desprez, principal du collège Joliot-Curie de Carqueiranne (Var), pour avoir été le premier à obtenir l’autorisation d’installer des bornes de contrôle d’accès reposant, non pas sur les empreintes digitales, mais sur l’empreinte de la main des enfants.

Son objectif est la "transparence absolue", afin de savoir en permanence, et en temps réel, où sont et ce que font les élèves. Il a par ailleurs mis en ligne les notes de ses élèves à l’intention de leurs parents, et mis en place un service SMS afin de les informer d’éventuels retards de leurs enfants.


La 6ème édition française des Big Brother Awards s’est clôturée ce 3 février 2006 par une cérémonie qui a récompensé les meilleurs ambassadeurs 2005 de la société de surveillance. Les gagnants des cinq catégories désignant les pires politiciens, projets, entreprises ou pouvoirs locaux ayant porté atteinte aux libertés individuelles ou collectives ont été proclamés.

Parmi les différents lauréats il faut noter le directeur général de l’Insee, pour sa participation à l’opération au projet INES de carte d’Identité Nationale Electronique Sécurisée : en modifiant le contenu du Répertoire National d’Identification des Personnes Physiques (créé sous Pétain, à Vichy [1]) et en créant un lien direct avec le Ministère de l’Intérieur, ce monsieur est revenu sur la séparation des fonctions statistiques et de gestion policière de la population adoptées à la Libération [2].

Cette année, la biométrie était omniprésente, dans les projets du gouvernement, dans les pratiques d’entreprises, et dans les établissements scolaires - avec l’aval de la CNIL. Trois collèges et lycées étaient en lice, pour avoir installé des bornes biométriques de contrôle d’accès à la cantine.
Les enfants deviennent des cobayes en puissance, avec près d’une dizaine de candidats concernés par le ciblage des jeunes. L’appel du Gixel (consortium primé avec l’Orwell Novlang en 2004), qui veut conditionner les enfants "dès le plus jeune âge" aux technologies de contrôle, a été entendu...

M. Armand DESPREZ

Il peut être fier d’avoir été le premier principal de collège à détourner l’interdiction formelle formulée par la CNIL, en 2000, d’utiliser un système biométrique pour contrôler l’accès à sa cantine scolaire.

Un collège de Nice avait vu sa demande d’utiliser les empreintes digitales pour accéder à la cantine rejetée par la CNIL. Qu’à cela ne tienne, M. le principal a fait une demande sur un système soi-disant moins intrusif : l’analyse du contour de la main (ou empreinte palmaire) grâce à des boitiers de tétons-capteurs. Autorisation délivrée par la CNIL le 15 octobre 2002.

Lors d’un entretien avec un chercheur français de Paris-I, M. Desprez a déclaré chercher à obtenir une « transparence absolue » dans son établissement. Il s’agit, résume le chercheur, "de savoir en permanence, et en temps réel, où sont et ce que font les élèves, notamment s’ils mangent ou s’ils ne mangent pas". "Dès lors, on ne peut pas s’empêcher de penser au panopticon de Bentham. Notons que le panopticon n’est nullement limité à la prison, il s’agit d’une sorte de modèle architectural utopique censé s’adapter à tous les espaces dans lesquels la surveillance est un problème à résoudre (prisons, mais aussi écoles, casernes, asiles etc.)."
 [3]

Ce système se couple à deux autres outils "modernes" de suivi des élèves : premièrement, un logiciel permettant de mettre en ligne, et en temps réel, les notes de chaque élève sur le site de l’établissement ; le site est consultable par les parents, qui accèdent aux résultats de leurs enfants grâce à un code confidentiel. Deuxièmement, un logiciel permettant au chef d’établissement d’envoyer un SMS sur le téléphone mobile des parents (principalement utilisé pour avertir les parents des retards de leurs enfants, et ceci en temps réel). "La biométrie s’insère donc dans un dispositif plus général d’informatisation de la gestion des élèves dont l’apport essentiel, en terme de surveillance, semble être de rendre possible un suivi des élèves en temps réel." [4]

Cet exemple a immédiatement été suivi, en 2002/2003, par deux autres proviseurs de la région qui ont eux aussi trouvé dans l’analyse biométrique du contour de la main un sésame rêvé pour gérer les accès à la cantine : à Sainte-Maxime et à Marseille.

Un exemple de boitier à « tétons-capteurs ».

Pour « placer l’Europe au top niveau mondial en sécurité des personnes, des biens, sécurité de l’État et des frontières, protection contre le terrorisme », et parce que « la sécurité est très souvent vécue dans nos sociétés démocratiques comme une atteinte aux libertés individuelles, il faut donc faire accepter par la population les technologies utilisées et parmi celles-ci la biométrie, la vidéosurveillance et les contrôles.

« Plusieurs méthodes devront être développées par les pouvoirs publics et les industriels pour faire accepter la biométrie. Elles devront être accompagnées d’un effort de convivialité par une reconnaissance de la personne et par l’apport de fonctionnalités attrayantes :

  • Éducation dès l’école maternelle, les enfants utilisent cette technologie pour rentrer dans l’école, en sortir, déjeuner à la cantine, et les parents ou leurs représentants s’identifieront pour aller chercher les enfants.
  • Introduction dans des biens de consommation, de confort ou des jeux : téléphone portable, ordinateur, voiture, domotique, jeux vidéo
  • Développer les services « cardless » à la banque, au supermarché, dans les transports, pour l’accès Internet, ...

« La même approche ne peut pas être prise pour faire accepter les technologies de surveillance et de contrôle, il faudra probablement recourir à la persuasion et à la réglementation en démontrant l’apport de ces technologies à la sérénité des populations et en minimisant la gène occasionnée. Là encore, l’électronique et l’informatique peuvent contribuer largement à cette tâche » [5].

Quand la biométrie sert à identifier des collégiens

[Reuters, mercredi 20 novembre 2002]

Le collège Joliot-Curie de Carqueiranne (Var) aura recours à la biométrie, système de reconnaissance par la main, dès janvier pour l’accession de ses 750 demi-pensionnaires à la cantine.

Après avoir composé sur un clavier un code personnel à trois chiffres, les élèves de ce collège-pilote devront glisser leur main dans un boîtier électronique muni de "tétons capteurs" aptes à reconnaître les contours très précis de leur dextre, volume, longeur des doigts, épaisseur de la paume et de la main en général.

Cette opération débloquera le tourniquet d’accès à la cantine et l’élève pourra aller déjeuner.

Au total, 90 points de mesure différents permettront la reconnaissance des collégiens, affinés à chacun de leurs passages en fonction de leur croissance physique.

"Il ne s’agit en aucun cas d’une prise d’empreintes digitales", souligne Armand Desprez, le principal du collège Joliot-Curie. "Si nous avons obtenu l’accord de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), c’est parce qu’il n’y a aucun de risque de détournement par quiconque des données enregistrées."

"Les informations recueillies par la machine n’ont rien à voir avec celles des fichiers de police", ajoute-t-il. "Ne laissant aucune trace, l’identification par le contour d’une main qui est amenée à évoluer ne peut donner lieu à aucun dérapage et devient, de fait, très vite obsolète."

Armand Desprez affirme que les parents d’élèves ont approuvé à l’unanimité l’installation de ce système.

"Pour leur part, les demi-pensionnaires trouvent plutôt rigolo ce moyen de reconnaissance par la main, ils sont même impatients de pouvoir le tester et l’utiliser", ajoute-t-il.

"Pour eux comme pour nous, il ne va apporter que des avantages et empêcher notamment à l’avenir tout trafic de badges de cantine. Plus de substitution d’identité non plus ou de racket éventuel", souligne-t-il.

Jusqu’à présent, l’accès à la cantine du collège Joliot-Curie se pratiquait selon la vieille méthode de l’appel et des noms cochés sur une longue et interminable liste d’élèves. La biométrie permettra de repérer mieux et plus vite les absences.

Notes

[2L’ensemble des résultats, ainsi que les dossiers des nominés, sont consultables sur http://www.bigbrotherawards.eu.org/....

[3"Manger sous surveillance - L’usage d’une technique biométrique pour le contrôle d’accès à la cantine scolaire", communication lors du colloque du Creis en 2004, par Xavier GUCHET, Docteur en philosophie, membre du Centre d’Etude des Techniques, des Connaissances et des Pratiques (CETCOPRA), Université Paris I : http://www.creis.sgdg.org/colloques....

[4Id.

[5Extrait de la version 2004 du "Livre Bleu" qui avait valu au GIXEL - Groupement des industries de l’interconnexion des composants et des sous-ensembles électroniques - le prix Orwell Novlang aux Big Brother Awards de l’an dernier. Pour accéder à l’intégralité de cet ouvrage : http://www.bigbrotherawards.eu.org/....


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