torture : non c’est non !


article de la rubrique torture
date de publication : dimanche 6 juillet 2008
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L’utilisation d’éléments de preuve obtenus sous la torture ou au moyen de mauvais traitements est interdite non seulement parce qu’ils ne sont pas fiables mais parce que, selon la Cour européenne, cette utilisation « ne ferait que légitimer indirectement le type de conduite moralement répréhensible que les auteurs de l’article 3 de la Convention ont cherché à interdire ou, comme l’a si bien dit la Cour suprême des États-Unis dans son arrêt en l’affaire Rochin … “à conférer une apparence de légalité à la brutalité” » [1].

Dans son rapport sur la France d’où est extraite la citation précédente, l’organisation Human Rights Watch demande au gouvernement français de veiller à ce que les preuves obtenues sous la torture ou au moyen de mauvais traitements, y compris de pays tiers, soient irrecevables dans toute procédure pénale.


Non c’est non !

Une fois de plus la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) vient de confirmer la prohibition absolue de la torture. Contre les gouvernements italien et anglais, elle a jugé qu’un Tunisien – Monsieur Saadi – accusé de terrorisme international ne pouvait pas être extradé d’Italie vers la Tunisie car des rapports fiables « se font l’écho de cas nombreux et réguliers de torture dans ce pays ». Il y avait donc un risque sérieux que ce monsieur subisse des traitements interdits par l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. La lutte contre le terrorisme international est certes nécessaire, dit la Cour, mais elle ne peut utiliser des moyens prohibés. Les termes de cet arrêt devraient être connus de tous : elle estime (notamment) « qu’il n’est pas possible de mettre en balance d’une part le risque qu’une personne subisse des mauvais traitements et d’autre part sa dangerosité pour la collectivité si elle n’est pas renvoyée ».

L’Association Primo Levi se bat sans relâche pour éviter, après le refus d’octroi d’asile, le renvoi de personnes victimes de torture dans leur pays d’origine. Nous savons qu’elles ont des raisons de craindre un retour dans le pays qu’elles ont dû fuir. Notre association va à nouveau interpeller le gouvernement sur cette question.

Hubert Prévot
président de l’Association Primo Levi

Quelques recommandations de Human Rights Watch [2]

Au Gouvernement français

Le président, le ministre de la justice ainsi que les autres hauts responsables du gouvernement devraient affirmer publiquement et sans équivoque que la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont inacceptables, tant en France qu’ailleurs, et que les informations obtenues sous la torture ou au moyen de mauvais traitements interdits ne peuvent être utilisées à aucun stade des enquêtes et procédures judiciaires en France.

Au ministère de la justice

Le Ministère de la Justice devrait être le premier à proposer des réformes législatives visant à permettre à la France de se conformer pleinement aux obligations internationales qui lui incombent aux termes de la Convention contre la torture :

- Garantir que des éléments de preuve obtenus sous la torture ne seront pas utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire

  • Établir des lignes directrices à l’intention des juges d’instruction afin qu’ils évaluent si les informations des services de renseignement ont été obtenues sous la torture ou au moyen de mauvais traitements interdits. Les juges d’instruction doivent avoir la conviction que les informations versées au dossier de quelque façon que ce soit et à tout stade des procédures judiciaires ont été obtenues légalement ;
  • Étudier la possibilité de créer des mécanismes de supervision supplémentaires afin de s’assurer que ces évaluations du respect des droits humains ont effectivement lieu, notamment en obligeant concrètement la chambre de l’instruction à évaluer en toute indépendance les informations obtenues de pays tiers.
  • Veiller à ce que les avocats de la défense soient protégés contre toute action disciplinaire s’ils expriment des inquiétudes quant à l’utilisation, dans le cadre de procédures judiciaires, de preuves obtenues sous la torture.

- Garantir des protections appropriées contre les mauvais traitements en garde à vue

Le Code de procédure pénale devrait être réformé de façon à :

  • Prévoir le droit, pour chaque détenu, de demander à être examiné par un médecin de son choix, en plus de l’examen du médecin désigné par la justice et en présence de ce dernier s’il y a lieu, conformément aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) ;
  • Veiller à ce que chaque détenu soit examiné par un médecin légiste dès son arrivée. À ce stade, le détenu devrait avoir le droit de demander à être examiné également par un médecin de son choix ;
  • Étendre l’obligation de procéder à des enregistrements audiovisuels des interrogatoires de police et des comparutions devant les juges d’instruction à toutes les affaires, y compris de terrorisme ;
  • Imposer aux juges d’instruction l’obligation d’ordonner des enquêtes officielles sur toute allégation de mauvais traitements en garde à vue.

Au futur Contrôleur général des lieux de privation de liberté

  • Donner la priorité aux visites spontanées, non annoncées, sur les lieux de détention de la police, notamment ceux où sont détenues des personnes soupçonnées de terrorisme, afin de contrôler les conditions et de s’entretenir en privé avec les détenus au sujet de la façon dont ils sont traités ;
  • Rendre public tout cas de refus d’accès basé sur des motifs de sécurité en vue de limiter ces cas ;
  • Préconiser les réformes législatives et de politique générale nécessaires pour améliorer les protections contre les mauvais traitements interdits pendant la garde à vue.

Au Conseil de l’Europe

  • Le Commissaire aux droits de l’homme devrait procéder à une évaluation (sous la forme d’un « point de vue » ou sous une autre forme) de la définition, de la portée et de l’application appropriées de l’infraction d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
  • Le Commissaire devrait aborder avec le gouvernement français les préoccupations détaillées dans le présent rapport, notamment la définition, la portée et l’application de l’infraction d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, les protections insuffisantes en garde à vue ainsi que l’utilisation, dans le cadre de procédures judiciaires, d’informations obtenues sous la torture ou au moyen de mauvais traitements ou autres conditions non conformes aux obligations de la France en matière de droits humains.
  • Le Comité pour la prévention de la torture devrait s’informer, lors de sa prochaine visite en France, des mesures prises pour s’assurer que les informations obtenues sous la torture ou au moyen de mauvais traitements ne soient jamais recevables dans les procédures judiciaires, notamment au cours de l’instruction (sauf comme éléments de preuve dans le cadre de procédures visant à établir que des actes de torture ou d’autres mauvais traitements interdits ont été perpétrés).

Juillet 2008

Notes

[1Affaire Jalloh c. Allemagne [GC], n° 54810/00, arrêt du 11 juillet 2006, ECHR 2006-IX, disponible sur www.echr.coe.int, para. 105.

[2Recommandations extraites du rapport de HRW sur la Fance : http://hrw.org/french/reports/2008/....


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