L’utilisation d’éléments de preuve obtenus sous la torture ou au moyen de mauvais traitements est interdite non seulement parce qu’ils ne sont pas fiables mais parce que, selon la Cour européenne, cette utilisation « ne ferait que légitimer indirectement le type de conduite moralement répréhensible que les auteurs de l’article 3 de la Convention ont cherché à interdire ou, comme l’a si bien dit la Cour suprême des États-Unis dans son arrêt en l’affaire Rochin … “à conférer une apparence de légalité à la brutalité” » [1].
Dans son rapport sur la France d’où est extraite la citation précédente, l’organisation Human Rights Watch demande au gouvernement français de veiller à ce que les preuves obtenues sous la torture ou au moyen de mauvais traitements, y compris de pays tiers, soient irrecevables dans toute procédure pénale.
Non c’est non !
Une fois de plus la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) vient de confirmer la prohibition absolue de la torture. Contre les gouvernements italien et anglais, elle a jugé qu’un Tunisien – Monsieur Saadi – accusé de terrorisme international ne pouvait pas être extradé d’Italie vers la Tunisie car des rapports fiables « se font l’écho de cas nombreux et réguliers de torture dans ce pays ». Il y avait donc un risque sérieux que ce monsieur subisse des traitements interdits par l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. La lutte contre le terrorisme international est certes nécessaire, dit la Cour, mais elle ne peut utiliser des moyens prohibés. Les termes de cet arrêt devraient être connus de tous : elle estime (notamment) « qu’il n’est pas possible de mettre en balance d’une part le risque qu’une personne subisse des mauvais traitements et d’autre part sa dangerosité pour la collectivité si elle n’est pas renvoyée ».
L’Association Primo Levi se bat sans relâche pour éviter, après le refus d’octroi d’asile, le renvoi de personnes victimes de torture dans leur pays d’origine. Nous savons qu’elles ont des raisons de craindre un retour dans le pays qu’elles ont dû fuir. Notre association va à nouveau interpeller le gouvernement sur cette question.
Hubert Prévot
président de l’Association Primo Levi
Au Gouvernement français
Le président, le ministre de la justice ainsi que les autres hauts responsables du gouvernement devraient affirmer publiquement et sans équivoque que la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont inacceptables, tant en France qu’ailleurs, et que les informations obtenues sous la torture ou au moyen de mauvais traitements interdits ne peuvent être utilisées à aucun stade des enquêtes et procédures judiciaires en France.
Au ministère de la justice
Le Ministère de la Justice devrait être le premier à proposer des réformes législatives visant à permettre à la France de se conformer pleinement aux obligations internationales qui lui incombent aux termes de la Convention contre la torture :
Garantir que des éléments de preuve obtenus sous la torture ne seront pas utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire
Garantir des protections appropriées contre les mauvais traitements en garde à vue
Le Code de procédure pénale devrait être réformé de façon à :
Au futur Contrôleur général des lieux de privation de liberté
Au Conseil de l’Europe
Juillet 2008
[1] Affaire Jalloh c. Allemagne [GC], n° 54810/00, arrêt du 11 juillet 2006, ECHR 2006-IX, disponible sur www.echr.coe.int, para. 105.
[2] Recommandations extraites du rapport de HRW sur la Fance : http://hrw.org/french/reports/2008/....