sommet de l’Otan : fichage sans “base légale” des habitants, et prime exceptionnelle pour les policiers


article de la rubrique justice - police > le tout-sécuritaire
date de publication : vendredi 1er mai 2009
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Dans la crainte d’événements « terroristes », à l’occasion de la tenue du sommet de l’Otan à Strasbourg, les 3 et 4 avril 2009, les autorités avaient complété le système de vidéo-surveillance existant avec un lot de 19 caméras réparties sur le territoire de la ville. Elles avaient de plus créé un fichier des personnes habitant les zones sécurisées – habitants et professionnels.

Jugeant ces deux mesures attentatoires aux libertés individuelles, la Ligue des droits de l’Homme a déposé des référés-suspension au tribunal administratif.
Le juge des référés a rejeté la requête concernant la vidéo-surveillance au motif qu’elle n’avait «  porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».

En ce qui concerne le fichage, le magistrat commence par observer l’absence « de base légale des opérations de recueil des données effectuées ». Il rappelle ensuite qu’« aucune urgence ne saurait excuser le non-respect des dispositions prévues par la loi relative aux fichiers, à l’informatique et aux libertés ». Et, contre toute logique, il conclut que les « opérations de recueil des données effectuées [étant] en voie de quasi-achèvement » il n’est plus utile «  d’interrompre un processus engagé depuis des semaines ».

Une telle décision interpelle à plusieurs titres. Saura-t-on un jour ce qu’il est advenu des données recueillies dans ce fichier « dépourvu de base légale » ? Et surtout, à quelle instance les citoyens devront-ils maintenant s’adresser pour faire respecter les libertés que la loi leur reconnaît ?

[Première mise en ligne le 28 avril 2009, mise à jour le 1er mai]



Voir en ligne : incidents à Strasbourg, lors du sommet de l’Otan

L’Otan soude les plaques d’égout.

Par deux requêtes en référé-liberté, la LDH avait demandé :

- la suspension de l’arrêté du 20 février 2009 autorisant la Communauté
Urbaine de Strasbourg à installer un système de vidéosurveillance constitué de 19
caméras réparties sur le territoire de la Ville de Strasbourg (requête enregistrée le 28 mars 2009 sous le N° 0901561) ;

- d’enjoindre au préfet du Bas-Rhin de cesser le recueil des données des personnes se
trouvant à l’intérieur des zones de sécurisation ensuite actées par l’arrêté du 24 mars 2009, en prévision de la tenue du sommet de l’OTAN à Strasbourg les 3 et 4 avril 2009, de cesser l’exploitation et la mise en oeuvre du fichier en résultant, et de détruire ce fichier (requête enregistrée le 29 mars 2009 sous le N° 0901569).

Le juge des référés a rejeté la requête concernant la vidéo-surveillance

Voici des extraits de sa décision :

« Considérant qu’il ressort de l’examen des pièces produites que l’extension temporaire
du dispositif de vidéo-surveillance existant, fondée sur les exigences de sécurité, y compris la
prévention de risques de nature terroriste, rendues nécessaires par l’organisation du sommet de l’OTAN les 3 et 4 avril 2009, limitée à trois sites stratégiques, a été prise, conformément à la
législation en vigueur et à la procédure adéquate, par les autorités compétentes avec l’avis
favorable de la commission départementale des systèmes de vidéo-surveillance ; que notamment, il n’est pas établi que le fonctionnement de ce dispositif porterait atteinte au respect de la vie privée ou de la liberté d’aller et venir ;

« Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’installation querellée du système
de vidéosurveillance complémentaire n’a porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu’en conséquence, la requête ne peut qu’être rejetée ; [...] »

Un fichage qui « manque de base légale »

La LDH soutient que la création du fichier des personnes autorisées à accéder aux zones sécurisées n’a pas fait l’objet d’une déclaration conformément à l’article 22 de la loi du 6 janvier 1978 ; que compte tenu de son objet et de sa nature, il devait être soumis à une autorisation ministérielle ; que le recueil des données se fait sans que soient respectées les dispositions de l’article 32 de la loi du 6 janvier 1978 ; que cette disposition prévoit que les personnes auprès desquelles sont recueillies les données reçoivent une information sur les caractéristiques du fichier, ce qui en l’espèce, ne figurent pas sur la lettre circulaire envoyées aux personnes potentiellement concernées par le fichage ;

Le préfet du Bas-Rhin a soutenu que la mise en place du système automatisé « résidents des zones de sécurité du sommet de l’OTAN », n’est qu’un dispositif facilitant la mise en oeuvre du dispositif de sécurité du sommet nécessaire afin de distinguer les résidents des manifestants ; que le ministère de l’intérieur a déposé le dossier relatif à ce fichier auprès de la CNIL le 27 mars 2009 ; qu’à cet instant le délai d’examen par la CNIL dudit dossier n’est pas expiré ; que le conseil d’Etat est le seul compétent pour connaître des contestations ;

Voici des extraits de l’ordonnance du juge des référés :

« Considérant qu’à l’occasion du sommet de l’OTAN se déroulant à Strasbourg, les 3 et 4 avril 2009, deux zones de sécurité réglementées ont été créées, en deux endroits distincts, sur le territoire de la ville englobant d’une part le lieu de la réunion autour du Palais des Congrès et d’autre part un site de prestige, autour du Château des Rohan ; qu’à l’intérieur de ces sites, les résidents ont été invités à se munir d’un badge permettant de les identifier ; qu’à cette fin et, en tout état de cause, depuis le début du mois de février 2009, un recensement général des personnes qui voudront se déplacer hors des sites sécurisés où elles habitent, est en cours ; qu’il est demandé aux intéressés de décliner leurs noms, prénoms, adresse, composition du foyer et références à la pièce d’identité qui sera exigée, en plus du badge matérialisant leur inscription à un fichier automatisé, lorsqu’ils rentreront dans la zone considérée lors de la tenue du sommet de l’OTAN ;

« Considérant que ces faits, constants, révèlent l’existence d’un traitement de données à caractère personnel mis en oeuvre depuis plusieurs semaines ; qu’il n’est pas contesté, s’agissant d’éléments de la vie privée et familiale, qu’une liberté fondamentale est concernée, et que les contrôles prévus seront effectifs incessamment ;

« Considérant qu’il est non moins constant que la réunion de nombreux chefs d’Etat de l’OTAN est susceptible de générer des troubles graves ; que des manifestations internationales de ce type en ont démontré la réalité ; que des messages appelant au sabotage de l’OTAN, à la désobéissance civile, à la perturbation du sommet en occupant les accès, ont circulé dans les médias, notamment sur Internet ; qu’il est dès lors légitime et indispensable que des mesures de sécurité à l’échelle des menaces proférées et des expériences du passé soient prises ;

« Considérant que, par suite, l’aménagement des deux zones géographiquement limitées qui entraîneront d’inévitables inconvénients pendant près de 48 heures ne saurait constituer, dans les circonstances de l’espèce, une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales invoquées ;

« Considérant, cependant, que pour justifiées que puissent être les mesures prises, prévues de longue date, aucune urgence ne saurait excuser le non-respect des dispositions prévues par la loi sus-visée relative aux fichiers, à l’informatique et aux libertés ;

« Considérant notamment que l’arrêté ministériel requis, après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, n’est pas paru à la date de lecture de la présente décision ;

« Considérant, il est vrai, que s’il n’appartient pas au tribunal de céans de statuer sur la légalité du fichier, il lui est loisible de constater le manque de base légale des opérations de recueil des données effectuées dont il est demandé la suspension ;

« Considérant cependant que lesdites opérations sont en voie de quasi-achèvement et qu’il n’est plus utile au juge des référés, saisi tardivement, d’interrompre un processus engagé depuis des semaines ;

« Considérant, en conséquence, que la présente requête ne peut qu’être rejetée ;

[...]

O R D O N N E


« Article 1er : La requête de la Ligue des droits de l’Homme est rejetée. »

P.-S.

Ajouté le 1er mai 2009

Prime exceptionnelle pour les policiers engagés aux Antilles ou au sommet de l’OTAN

PARIS, 28 avr 2009 (AFP) -

Une prime de 300 euros va être octroyée pour chaque policier ayant pris part à des "événements exceptionnels" de "violences urbaines", notamment lors du sommet de l’Otan à Strasbourg ou des conflits sociaux en Guadeloupe et en Martinique, a-t-on appris mardi.

Dans une lettre au syndicat d’officiers Synergie datée de mardi 28 avril 2009, mise en ligne sur le site internet du syndicat, la direction générale de la police nationale (DGPN) indique que la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie a décidé d’accorder une "prime de résultats pour événements exceptionnels" de 300 euros à chaque policier ayant été engagé sur "différents événements récents de violences urbaines".
La DGPN cite notamment des incidents survenus aux Mureaux (Yvelines), à Bastia ou en marge du sommet de l’Otan à Strasbourg, ainsi que lors des conflits sociaux aux Antilles.
La prime sera "attribuée à l’ensemble des fonctionnaires de police particulièrement impliqués dans (ces) quatre événements violents", précise la DGPN dans ce courrier, sans préciser le nombre de policiers concernés.
Les personnels de police blessés "en service" ou ceux "ayant accompli des actes de courage et de dévouement particuliers", lors de ces mêmes événements, percevront une prime de 300 euros supplémentaires, précise par ailleurs la DGPN dans ce courrier adressé au secrétaire général du syndicat de police.

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Premier bilan de la Legal Team/Médical Team sur l’Otan : http://94.23.41.50/spip/spip.php?ar...


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