refus de donner ses empreintes génétiques : un procès qui pourrait révéler des surprises


article de la rubrique Big Brother > fichage ADN - Fnaeg
date de publication : mardi 3 août 2010
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François Vaillant est convoqué le 11 août prochain au tribunal de Rouen pour un nouveau procès – le troisième. Il risque un an de prison et 15 000 € d’amende pour avoir refusé de se soumettre à un prélèvement en vue de l’enregistrement de ses empreintes génétiques au Fnaeg, Fichier national des empreintes génétiques.

Une récente découverte en génétique pourrait causer la surprise à l’audience. La loi prévoit en effet que les empreintes qui sont enregistrées au Fnaeg ne doivent pas permettre de discriminer des catégories de populations.
Or les empreintes génétiques sont établies à partir de zones qualifiées de « non codantes » ; d’autre part, des chercheurs viennent de mettre en évidence qu’une mutation d’une certaine partie non codante joue un rôle dans l’existence d’une maladie rare, le syndrome de Pierre Robin (pour en savoir plus, voir ci-dessous).

L’audience se déroulera le 11 août 2010 à 14 h 15, 4e chambre des appels correctionnels, Palais de justice de Rouen (à 300 m de la gare Sncf).
Ceux qui pourront venir sauront tout sur les dangers que représente le Fnaeg pour les libertés fondamentales.


Voir en ligne : le procès de François Vaillant, en septembre 2009

« Tout peuple qui s’apprête à
sacrifier un peu de liberté contre un peu de sécurité
ne mérite ni l’un ni l’autre,
et finit par perdre les deux. »

Benjamin Franklin, 1759

Je fus condamné le 7 décembre 2009...

Je fus condamné le 7 décembre 2009 à payer une amende de 300 € pour avoir refusé en 2008 que la police prélève mon empreinte ADN, à la suite de ma condamnation au pénal en 2007 pour barbouillage de panneaux publicitaires en 2006, dans le cadre des activités non-violentes de désobéissance civile du Collectif des déboulonneurs de Rouen.

Je risque le 11 août prochain 1 an de prison et 15 000 € d’amende.

Tu es cordialement invité à mon procès du 11 août. Spectacle gratuit assuré ! Je te propose comme rendez-vous : 14 heures précises devant l’entrée du Palais de justice. Tu y retrouveras Yvan Gradis qui me fait l’immense joie d’être témoin à ce procès en appel. Il est certain que sa prise de parole laissera mes juges perplexes, puisque Yvan a commis en 9 ans 58 barbouillages de panneaux publicitaires, lesquels ont donné lieu à 43 conduites au poste de police. Yvan a été jugé en correctionnelle deux fois à Paris pour ses activités de barbouilleur en désobéissance civile dans le cadre du Collectif des déboulonneurs ; condamné la première fois en 2007 à une amende de 1 € (comme moi la même année), condamnation confirmée en appel en 2008, il a été relaxé en avril 2010 à la suite de son procès des 12 et 19 mars. Or la justice ne l’a jamais poursuivi pour ses multiples refus de donner à la police son empreinte ADN, y compris lors d’une garde à vue de 20 heures en 2009.

Pourquoi, diantre !, le parquet a-t-il placé ce procès un 11 août ? Est-ce pour me relaxer en douce ou au contraire m’assommer un peu ? Probablement pour éviter une médiatisation comme ce fut le cas pour mes deux procès précédents. Ce sera raté, je l’espère. Le Canard enchaîné et Le Nouvel Observateur m’ont déjà assuré de leur venue, en plus de l’AFP et de l’agence de presse Reuters. Il y a donc des sourires dans l’air !

Ma hantise est que ce procès se déroule dans une salle vide. Une vingtaine de déboulonneurs de Rouen et d’autres amis m’ont indiqué qu’ils pensent venir, mais il y a encore de la place, beaucoup de place. J’aurais pu payer mon amende à 300 € après mon procès du 7 décembre, mais j’ai préféré faire appel.

Jusqu’à maintenant, les désobéisseurs de mon espèce ont été soit condamnés à une peine de prison de quelques mois avec sursis et/ou à une amende de quelques centaines d’euros, soit relaxés.

Pourquoi j’entre à nouveau en désobéissance civile ? Parce que je refuse que mon ADN soit fiché comme si j’étais un criminel, un violeur ou un auteur d’actes de torture.

L’article 706-55 du Code pénal spécifie que l’ADN doit être prélevé quand un citoyen a commis les infractions suivantes : « les crimes contre l’humanité et les crimes et délits d’atteinte aux personnes, de trafic de stupéfiants, de traite des êtres humains, de proxénétisme, (…) et les crimes et délits de vols, d’extorsion, d’escroqueries, de destructions, de dégradations, (…), et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, la fausse monnaie et l’association de malfaiteurs ». Je fus condamné il y a deux ans à une amende de 1 €, pour dégradation légère (sic) après que le procureur eut dit à l’audience que j’étais un honnête homme (sic) et avoir demandé la dispense de peine !

La loi sur le prélèvement ADN est met dans le même sac les auteurs de crimes, les violeurs et les auteurs de toutes dégradations. Quel lien existe-t-il entre la destruction d’un train de marchandises, la pollution au mercure d’une rivière et un simple barbouillage de panneaux publicitaires, qui, lui, est qualifié de « dégradation légère » (sic) par tous les tribunaux qui ont eu à juger des barbouillages de joyeux barbouilleurs ? J’avoue ne pas comprendre !

En dehors de mon cas personnel, il me semble utile et nécessaire de combattre l’existence actuelle du Fnaeg. Autant j’en admets éventuellement l’existence pour les criminels, violeurs et auteurs d’actes de torture condamnés après un procès, autant ce fichier, tel qu’il est conçu actuellement, est dangereux pour la sécurité des citoyens. La police a déjà réussi l’exploit d’obtenir et de mettre plus d’un million d’empreintes génétiques dans le Fnaeg [1]. La volonté non encore affichée de certains de nos dirigeants est probablement que tous les citoyens y aient leur empreinte ADN. Des commissariats marchent au chiffre, au rendement, primes à l’appui ! Les cas aberrants de prélèvement abusif se comptent actuellement par milliers, comme par exemple celui d’une dame qui avait accepté par civisme de se porter témoin d’un accident de la circulation auquel elle était totalement étrangère. Toute empreinte mise dans le Fnaeg est destinée à y rester 40 ans.

Pourquoi le Fnaeg est-il intrinsèquement dangereux et pervers ? Il y a toujours malheureusement en France 20 % de la population adeptes des idées du Front national. Qu’est-ce qui peut nous garantir qu’un gouvernement de type Vichy ne reviendrait pas au pouvoir dans quelques années ? Quelle aubaine serait alors le Fnaeg pour ce pouvoir pour discriminer telle ou telle population ! Les trains qui sont partis vers les camps de concentration renfermaient des personnes qui avaient été abusivement fichées.

Toutes ces raisons m’incitent à dénoncer l’actuel Fnaeg, et à critiquer la loi qui l’autorise. N’avons-nous pas là un commun combat non-violent à engager avec détermination pour défendre et protéger nos communes libertés ?

Mon avocat, le 11 août à Rouen, sera Nicolas Gallon. Ce procès sera le procès politique d’un déboulonneur, désobéisseur, membre du MAN et des Verts. Il y a de la joie dans l’air !

François Vaillant, philosophe,
rédacteur en chef de la revue de recherche Alternatives non-violentes. </div

francois-vaillant@wanadoo.fr
Tél. 06 16 08 41 95

Rendez-vous à 14h au Palais de justice, accès par la rue aux Juifs. L’entrée est gratuite ! Venir avec sa carte d’identité et aucun objet pouvant être considéré comme une arme (canif…). Les portables devront être éteints dans le prétoire, mais on a le droit d’apporter du papier et un crayon, et même une bouteille d’eau !

Quel que soit le verdict du 11 août 2010, le prévenu aura à payer environ 4.000 € en frais de justice (avocat, huissiers …). Actuellement, le Comité de soutien à François Vaillant a déjà récolté près de 2.300 €. Un immense merci à chacun de ces donateurs. Mais la souscription continue, même un chèque de 10 ou 20 €, tout compte !
Chèque à l’ordre de MAN, à envoyer à : MAN Centre 308, 82 rue Jeanne-d’Arc, 76000 Rouen.

La génétique et la loi

L’article 706-54 du code de procédure pénale créé par l’article 29 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure donne la précision suivante concernant le Fnaeg [2] :

« Les empreintes génétiques conservées dans ce fichier ne peuvent être réalisées qu’à partir de segments d’acide désoxyribonucléique non codants, à l’exception du segment correspondant au marqueur du sexe. »

Lors des débats à l’Assemblée nationale pour l’adoption de cette loi du 18 mars 2003, Christian Estrosi, rapporteur de la Commission des lois, avait insisté sur le point suivant [3] :

« Il faut savoir ceci : si, à partir d’une empreinte génétique inscrite dans le fichier, vous essayez d’obtenir la moindre information sur la personne - état de santé, métabolisme, couleur des cheveux, des yeux, de la peau, etc. - vous ne le pourrez pas, parce que ces empreintes sont “non codantes”. C’est totalement impossible. »

Or des chercheurs de l’Inserm U781, Université Paris Descartes, à l’Hôpital Necker-EnfantsMalades, viennent d’infirmer ces certitudes. Ils ont mis en évidence « le rôle des séquences non codantes très conservées entre espèces et très éloignées d’un gène du développement, SOX9, qu’elles contrôlent de manière anormale. Ce travail a été mené sur le locus de la maladie rare de la séquence de Pierre Robin, malformations de la mâchoire et du palais chez l’enfant. [...] » La suite du communiqué du 23 février 2009 de l’Inserm [4].

Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé avait prévu une telle situation [5] :

« Les méthodes d’identification par analyse de l’ADN prennent une importance croissante, et peut-être démesurée. Certes, les caractéristiques génétiques contenues dans les régions codantes ne sont conservées et utilisées qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique, alors que les « empreintes » génétiques utilisées par la Police et la Justice ne concernent que les marqueurs sexuels et des séquences théoriquement non codantes. Les fondements de cette distinction sont peut-être inexacts, et les régions non codantes sont vraisemblablement les plus riches en informations diverses. »

Notes

[3Lors de la troisième séance du jeudi 16 janvier 2003 :
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030120.asp

[4Ce communiqué est téléchargeable au format pdf : http://www.inserm.fr/index.php/content/download/899/9261/file/com_presse_230209.pdf .

[5L’avis n° 98 du 26 avril 2007 du Comité national d’éthique, « Biométrie, données identifiantes et droits de l’homme » : http://www.ccne-ethique.fr/docs/fr/avis098.pdf


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