rappeur toulonnais poursuivi pour injures envers la police : relaxe


article communiqué de la section LDH de Toulon  de la rubrique libertés > liberté d’expression / presse
date de publication : lundi 3 décembre 2012
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Un jeune rappeur toulonnais a été poursuivi pour “diffamation” et “incitation au crime”. Des membres de la police se sont en effet sentis visés par certaines paroles de ses clips. Lors de l’audience du 24 septembre 2012, le procureur a requis une peine d’un an avec sursis et une amende – le jugement sera rendu le 3 décembre.

On peut se demander, avec La Marseillaise du 25 septembre, si la justice n’aurait pas mieux à faire que de se consacrer à une telle affaire. Question d’autant plus légitime que ces poursuites constituent une atteinte à la liberté d’expression.

[3 décembre 2012] – Le tribunal a décidé de relaxer le jeune rappeur.

[Mis en ligne le 21 septembre 2012, mis à jour le 3 décembre]



Communiqué de la LDH de Toulon

Garde à vue pour un rappeur

Le 27 août dernier, le rappeur toulonnais Saigne J. a été interpellé à son domicile et mis en garde à vue au motif du contenu de deux clips dont il est l’auteur. Il devra en répondre en comparution immédiate le 24 septembre, suite à une plainte de représentants des forces de l’ordre.

La Ligue des droits de l’Homme de Toulon estime que les poursuites à l’encontre de Saigne J. constituent une entrave à la liberté d’expression et assure l’artiste de son soutien. Elle considère en effet que ces textes ne sont pas une « provocation à la haine ou au crime » mais expriment une protestation contre des faits de la société.

Cette affaire n’est pas sans rappeler le cas du groupe NTM qui avait été poursuivi en 1996 à la suite d’un concert organisé par SOS Racisme pour protester contre l’élection du maire Front National de Toulon. Rappelons également que, après huit années de procédure, la Cour de cassation a définitivement relaxé en juin 2010 le rappeur Hamé qui était poursuivi par le ministère de l’Intérieur pour des propos contre des policiers “assassins” [1].

La critique des institutions fait partie du fonctionnement normal de notre démocratie et ne doit pas être entravée par la multiplication de procédures judiciaires qui constitue une forme de censure.

Toulon, le 21 septembre 2012

« Saigne J. », le rappeur qui scandalise les policiers

par Peggy Poletto, Var Matin du 14 septembre 2012


Interpellé à son domicile, le chanteur de 22 ans devra s’expliquer, le 24 septembre, sur des textes qui visent les forces de l’ordre. Liberté d’expression contre injures et provocation à la haine

Benjamin Fredin, alias « Saigne J. », un rappeur toulonnais de 22 ans, doit être jugé, le 24 septembre, devant le tribunal correctionnel de Toulon pour « provocation au crime » et « injures ».

On lui reproche les paroles provocantes de certaines de ses chansons téléchargeables sur iTunes ou diffusées sur Youtube.

Liberté d’expression ou délit ?

Loin de la prose engagée d’un Léo Ferré ou des attaques textuelles d’un Joey Starr, le flow de ce garçon de la Marquisanne, fervent supporteur du Sporting club, a toutefois scandalisé des représentants des forces de l’ordre. Ils se sont sentis outragés, insultés, salis et ont porté ces textes à la connaissance de la justice.

Le jeune homme a donc été interpellé, le 27 août, à son domicile, et il a été placé en garde à vue au commissariat de Toulon par rapport au contenu de deux clips diffusés depuis mars 2011 et mai 2012. La suite ? Ce fut une présentation devant le juge des libertés et sa... remise en liberté, avant d’être convoqué, cette semaine, en procédure de comparution immédiate devant le tribunal correctionnel.

Entre liberté d’expression et provocation à la haine : le débat, à la barre, laissait présager un bras-de-fer entre la défense et le parquet. Mais il n’en fut rien, puisque le dossier a été renvoyé à une date ultérieure. Au 24 septembre. Le président s’interrogeant, au passage, sur l’opportunité de la procédure suivie.

Mais que contient exactement le dossier « Saigne J. » ? Trois passages sont pointés du doigt. Avec dans le texte :

« Pour ceux qui connaissent Jo de la Bac, on te baise »

« Pugilat place de la Liberté. Black, blanc, beur, on emmerde le Code pénal. C’est le code vandale »

« J’ai la rime qui perce le gilet pare-balles du brigadier surnommé “l’Allemand” [...]. On pète leur nase, leurs chicots à ces nazis, anti-bic... »

Représenté à l’audience par Me Christophe Hernandez, le chanteur se défend d’avoir voulu provoquer à la haine ou au crime.

Des mots sortis de leur contexte

Pour lui, il s’agit d’un moyen d’expression, de faire état de faits de société. De transcrire avec des mots, la vie de sa cité. Il déplore que les morceaux choisis aient été sortis de leur contexte.

Du côté des forces de l’ordre, le langage utilisé par « Saigne J. » serait d’autant plus provocateur qu’à plusieurs reprises, des policiers ont été mis en situation délicate dans le quartier de la Marquisanne d’où est originaire le rappeur. Plusieurs interpellations ne se sont pas déroulées dans les meilleures conditions possibles dans la cité. Des fonctionnaires ont été pris à partie et blessés. Dans les rangs, les paroles incriminées ont touché leur cible l’honneur des policiers.

Dans dix jours, le jeune homme se présentera à nouveau devant les magistrats pour répondre des faits incriminés. À la justice ensuite de trancher...

NTM en 1996

Une autre affaire de hip-hop entendue devant la juridiction toulonnaise a fait grincer des dents. C’est le dossier NTM...

Le 14 juillet 1995, SOS Racisme organise un concert à La Seyne pour protester contre l’élection de Jean- Marie Le Chevallier, maire élu sous l’étiquette Front national à Toulon. Le Suprême NTM interprète alors le titre Police. Avec, une intro signée Joey Starr, où il insulte et crie sa haine de la justice et de la police. Cité en novembre 1996 devant le tribunal correctionnel de Toulon, NTM est condamné à trois mois de prison ferme (et trois mois avec sursis), ainsi que six mois d’interdiction d’exercer la profession de chanteur de variétés »,
pour « propos outrageants » envers les forces de l’ordre. NTM fait appel. En juin 1997, la cour d’Aix-en-Provence allège le jugement de première instance. Kool Shen et Joey Starr écopent de 50 000 F d’amende (environ 7 600 €) et deux mois d’emprisonnement avec sursis.

Peggy Poletto


P.-S.

Dernière minute

Poursuivi pour incitation à la haine à Toulon, le rappeur Saigne J. est relaxé
[Publié le 3 décembre 2012 sur le site de Var-Matin]


«  Des mots qui transpercent le gilet par balle », ce sont les paroles qui ont motivé la plainte de policiers toulonnais contre Saigne J., un rappeur du quartier de la Marquisanne, pour incitation à la haine et diffamation.

Ce lundi, le tribunal l’a relaxé. Les magistrats du tribunal correctionnel de e Toulon qui ont rendu leur délibéré (l’affaire a été entendue le 25 septembre) ont estimé que les faits étaient prescrits et qu’ensuite la diffamation n’était pas caractérisée pour une vidéo en date du 25 mai 2012 et diffusée sur Youtube.

Le parquet avait requis une peine d’un an de prison avec sursis. A la sortie de l’audience, le jeune homme a réfuté toute volonté de porter atteinte à la profession de policiers. «  Il ne s’agit que de chansons et d’une manière d’exprimer des faits de société. »


Notes

[1Voir ce texte.


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