questions concernant le panel des 35 000


article de la rubrique Big Brother > les “enquêtes” sur les jeunes
date de publication : mardi 15 avril 2008
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L’enquête du “Panel des 35 000” a été souvent perçue avec inquiétude car jugée intrusive. Cela explique le nombre des questions posées au ministère de l’Education nationale.

Vous trouverez ci-dessous la lettre d’un parent, la lettre ouverte d’un administrateur national de la Fcpe, la lettre du secrétaire général de la Fcpe, ainsi que l’intervention de la sénatrice Nicole Borvo auprès du président de la Cnil.

[Mise en ligne le 8 avril, cette page a été refondue le 11, et mise à jour le 15 avril]

Une mère d’élève écrit aux responsables de l’enquête :

Ma fille fait partie des 35 000 élèves entrés en 6ème en 2007 qui ont été « choisis » pour subir l’enquête que vous conduisez.

Je m’exprime au nom de ceux que cette enquête inquiètent. Nous sommes nombreux à nous interroger sur le contenu, la méthodologie, le traitement des données, l’exploitation et la diffusion des résultats. Je peux vous dire dès maintenant que je ne pourrai accepter de participer à cette enquête que dans la mesure où j’aurai reçu des réponses satisfaisantes aux questions que vous trouverez ci-dessous.

  1. Pour que les résultats de cette enquête soient significatifs, il faut que l’échantillon soit représentatif, ce qui semble exclure que les participants aient été pris au hasard. Quels ont donc été les critères qui ont présidé au choix des participants ?
  2. Comparerez-vous de façon individuelle les réponses des parents et celles des enfants ? Que ferez- vous dans le cas où ces réponses ne seraient pas concordantes ?
  3. Qu’adviendra-t-il ultérieurement des données nominatives collectées lors de cette enquête ?
  4. Pouvons-nous avoir communication de la déclaration faite à la Cnil et de l’avis de celle-ci ?
  5. Nos enfants vont être questionnés sur leur vie familiale. L’intrusion dans la vie privée des personnes par l’intermédiaire des enfants nous choque beaucoup. Le questionnaire qui sera soumis à chaque enfant et les réponses qu’il y fera doivent être communiqués à ses responsables légaux.
  6. Qui présentera cette enquête aux enfants ? Son but, le choix des enfants qui y participent ? Qui les accompagnera ? Comment les enfants pourront-ils rattraper les cours qu’ils auront manqués du fait de cette enquête ? Comment expliquera-t-on aux autres enfants de la classe l’absence de certains de leurs camarades ?
  7. Les parents sont très inquiets devant le développement du fichage des enfants et de leurs familles. Nous partageons les craintes exprimées par la Ligue des Droits de l’Homme dans ses prises de position et sa pétition « Nos enfants sont fichés, ne nous en fichons pas ».

Nous espérons que le Ministère de l’Éducation Nationale entendra nos inquiétudes et répondra à nos questions. Dans l’attente ...

Un administrateur national de la Fcpe (Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques) adresse une lettre ouverte au ministère de l’Education nationale :

Brest le 7 avril 2008

Depuis la semaine dernière des questionnaires sont adressés à certains élèves de sixième, une demi-douzaine en moyenne par collège.
Selon ses initiateurs, cette enquête « destinée à suivre un échantillon de 35 000 élèves entrés en sixième en septembre 2007 », doit aider à mieux décrire les parcours scolaires dans l’enseignement secondaire et à mieux comprendre les progrès et les difficultés des élèves. »

Il s’agit d’une demande d’informations très personnelles qui risque de n’avoir pour seul résultat que de stigmatiser certaines catégories de population.

Nous sommes inquiets de la nature de certaines des questions : êtes vous français, français né à l’étranger, sinon où êtes vous né, parlez vous le français, combien gagnez-vous par mois, combien de CD avez-vous à la maison, votre enfant est il scout ou éclaireur de France etc...

D’autre part, cette enquête n’est pas anonyme et tous les enfants du panel ont un numéro de dossier informatique.

Il est affirmé que le choix des enfants résulte d’un tirage au sort, alors que dans la réalité on peut remarquer une sur-représentation des enfants dont le nom a une consonance étrangère.
Cette enquête n’est pas accessible aux personnes ne sachant pas lire ni aux non-voyants.

A la suite du questionnaire chaque enfant aura un entretien individuel d’environ 3 heures - les parents ne sont informés ni de contenu ni des conditions de sa réalisation.

Cette enquête aurait reçu un avis favorable de la Cnil, et elle présente un caractère obligatoire (les parents qui ne répondent pas sont passibles dans un premier temps d’une amende pouvant atteindre 150 euros, et 2250 euros en cas de récidive).

Dans une veine identique, on se souvient d’un questionnaire envoyé par la MGEN il y a un an (mars/avril 2007) où les questions suivantes étaient posées aux parents vis-à-vis de leurs enfants : "L’embrassez-vous ?", "Fouillez-vous dans ses affaires personnelles ?", l’un des membres de la famille "a[t-il] déjà eu l’habitude de vérifier, compter ou nettoyer de façon répétitive", etc. Là aussi, la CNIL avait donné son accord.
Cette fois encore les parents d’élèves sont confrontés à des questions qui ne regardent en rien l’Education nationale.

Pour toutes ces raisons, je souhaite vivement l’arrêt de cette enquête.

Thierry Chancerel
Administrateur National de la FCPE

Le secrétaire général de la Fcpe a écrit au ministère de l’Education nationale :

Paris, le 14 avril 2008

De nombreux parents d’élèves nous ont fait part de leur inquiétude et de leurs interrogations quant au questionnaire administré à leur enfant dans le cadre du collège et envoyée par la DEPP : Panel d’élèves du second degré recruté en 2007.

Les parents s’interrogent plus particulièrement sur le protocole de passation de ce questionnaire « élève » ; aucune réglementation ne permettant l’interrogation des élèves sur leur condition familiale sans l’autorisation des parents.

Il est donc indispensable que les familles soient informées préalablement et de façon complète sur la nature des questions.

Dans le courrier envoyé au mois de février par le directeur de l’évaluation, de la prospective et la performance, il est écrit que pour cette passation, « les personnels d’encadrement de la vie scolaire et de l’orientation seront sollicités ».

Or, il apparaît que peu de chefs d’établissements connaissent le protocole de passation ce qui augmente l’inquiétude des parents d’élèves qui n’ont pu obtenir les éclaircissements qu’ils étaient en droit d’attendre.

Le caractère obligatoire de l’enquête est très mal perçu par les intéressés, eu égard à certaines questions très intrusives sur la vie privée des familles.

D’autre part même si l’enquête garantit l’anonymat, le climat de suspicion créé par la mise en place de nombreux fichiers, fait que les familles interrogées craignent que leurs réponses soient utilisées à des fins non avouées.

Nous vous remercions de bien vouloir organiser l’information complète des familles et des chefs d’établissement.

Nicole Borvo, sénatrice de Paris, a écrit à Alex Türk, président de la Commission nationale informatique et Libertés (Cnil)

Paris, le 10 avril 2008

Monsieur le Président,

Je me permets d’attirer votre attention sur une enquête du ministère de
l’éducation nationale concernant un échantillon de 35 000 élèves des collèges publics et privés ainsi que leurs parents.

Cette enquête obligatoire n’est pas anonyme et tous les enfants ont un numéro d’identification informatique. Les parents qui ne répondent pas sont passibles de sanctions pécuniaires. Parmi les éléments concernant les parents figurent de nombreuses questions autour de la nationalité. Y figurent aussi des interrogations sur le salaire, le nombre de CD à la maison ou encore pour savoir si l’enfant est scout ou éclaireur de France etc.

Suite au questionnaire les enfants auront un entretien individuel d’environ trois heures dont les parents ne connaissent ni le contenu ni par qui il sera effectué.

Cette enquête a fait l’objet d’une déclaration à la CNIL qui a délivré un avis favorable.
Au vu des éléments qu’elle contient je m’en étonne.
Nombre de parents s’inquiètent notamment de la nature des questions choisies et des conditions de tirage au sort.

Je vous serais reconnaissante, Monsieur le Président, de bien vouloir me faire parvenir la décision de la CNIL à ce sujet et les raisons de cet avis favorable.

Un correspondant nous envoie les remarques suivantes :

La justification par la référence à la loi 51-711 de l’obligation de répondre au questionnaire n’est-elle pas contraire à l’article 8 de la
Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales

Article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Parmi les raisons d’attenter à la vie privée, il serait intéressant de savoir laquelle de l’alinéa 2 serait invoquée.

Par ailleurs, la clause consistant à soumettre des questionnaires aux enfants sans préparation et sans le soutien d’adultes responsables de leur vie privée, c’est-à-dire des parents, est totalement contraire à diverses clauses de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, qui protège les enfants de l’intrusion des adultes ne disposant pas de l’autorité parentale dans leur sphère privée.

P.-S.

L’article « Éducation : l’enquête qui inquiète des parents » paru dans Ouest- France, samedi 5 avril 2008, témoigne également des réactions d’inquiétude et de refus provoquées par cette enquête.


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