psychiatrie : massivement pour un retrait du projet de loi


article  communiqué commun  de la rubrique Big Brother > psychiatrie
date de publication : jeudi 5 mai 2011
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Appel à rassemblement devant le Sénat, le 10 mai 2011 de 16h à 19h. Documents :

  • Le grand enfermement, par Cécile Prieur : ci-dessous, après le communiqué.
  • Le dossier législatif du projet de loi sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/dossier-legisla....
  • L’avis du 15 février 2011 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté
    relatif à certaines modalités de l’hospitalisation d’office, publié au JO du 20 mars 2011 : http://www.cglpl.fr/wp-content/uplo....

Communiqué de presse

Massivement pour un retrait du projet de loi
appel à rassemblement devant le Sénat
le 10 mai 2011 de 16h à 19h

Paris, le 4 mai 2011

Le 10 mai prochain sera discuté au Sénat le projet de loi "relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet d’une prise en charge psychiatrique et aux modalités de prise en charge".

Après une mobilisation importante lors de son passage à l’Assemblée nationale, insatisfaits et indignés par ses principes fondateurs, nous confirmerons notre véto citoyen pour imposer son retrait.

Refusant unanimement ce projet de loi sécuritaire portant atteinte aux droits des citoyens et aux garants démocratiques d’un Etat de droit, nous appelons à un moratoire sur toute loi de psychiatrie et sur tout plan gouvernemental de santé mentale :

  • afin d’instaurer une délibération publique et démocratique puisque question sanitaire, question sociale et question des libertés se rejoignent ici ;
  • afin de prendre le temps d’élaborer une loi cadre pour une psychiatrie d’accueil et d’hospitalité.

Nous appelons à un rassemblement national devant le Sénat le mardi 10 mai 2011 de 16h à 19h, square Poulenc – Paris 6ème ainsi qu’aux initiatives locales dans les régions.

Engagée depuis maintenant plus de deux ans, cette mobilisation sera une étape de plus dans notre mouvement rassemblant professionnels de la psychiatrie, patients, familles et proches, élus et citoyens.

Organisations signataires :

Ligue des droits de l’Homme, Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, Collectif « Mais c’est un Homme », Collectif « Non à la Politique de la Peur », Advocacy France, CRPA, Coordination nationale des hôpitaux de proximité et des maternités, Europe Écologie Les Verts, Fédération des Alternatives Sociales et Écologiques, Mouvement du 2 avril La santé en danger, Nouveau Parti Anticapitaliste, Parti de Gauche, Parti Communiste Français, SNPES/PJJ/FSU, Sud santé sociaux, Syndicat de la Magistrature, Syndicat de la Médecine Générale, Union Syndicale de la Psychiatrie.

Organisation :
16h : point presse
17h – 19h : Forum citoyen avec invitation des sénateurs et de personnalités à des prises de parole et à débat.

Réforme de la psychiatrie, le grand enfermement

par Cécile Prieur, Le Monde daté du 30 mars 2011


L’asile est de retour. Les murs d’enceinte des hôpitaux psychiatriques, qui avaient été abolis à partir des années 1970, font physiquement et symboliquement leur réapparition. En 2008, après un fait divers dramatique, Nicolas Sarkozy avait demandé la fermeture des établissements psychiatriques et le durcissement de l’internement d’office des malades, désormais considérés comme potentiellement dangereux. Deux ans après, ce programme est en passe d’être mis à exécution : la réforme de la loi de 1990 sur les hospitalisations sans consentement, qui a été adoptée en première lecture le 22 mars par les députés, parachève le virage sécuritaire imposé par les pouvoirs publics à la psychiatrie publique.

La psychiatrie était engagée, depuis une trentaine d’années, dans un mouvement de désinstitutionnalisation pour sortir les malades mentaux des grandes structures asilaires et les réinscrire dans la cité. Dans la foulée du mouvement de l’antipsychiatrie, les soignants avaient reconnu l’effet néfaste et désocialisant de la mise à l’écart. Des structures plus proches des patients, tels les centres médico-psychologiques, qui les suivent en ville, ont été créées.

Mais ce mouvement, s’il tendait à déstigmatiser la maladie mentale, a eu ses effets pervers. La fermeture de quelque 50 000 lits d’hospitalisation n’a pas toujours été compensée par l’ouverture de structures alternatives. Le manque de places a conduit à la crise du secteur, créant des ruptures de soins pour certains malades insuffisamment pris en charge.

C’est dans ce contexte que la psychiatrie a vécu deux drames qui ont considérablement assombri ses perspectives. En 2004, à Pau, un patient schizophrène, qui n’était plus soigné par l’hôpital, a tué sauvagement une infirmière et une aide-soignante. Quatre ans plus tard, à Grenoble, un malade en permission de sortie a assassiné un jeune homme en plein centre-ville. La psychiatrie a été mise en cause pour ses manquements. Peu comprise dans son fonctionnement - le risque zéro existe en santé mentale encore moins qu’ailleurs -, elle a été attaquée dans ses fondements. En décembre 2008, dans un discours qui a marqué au fer les psychiatres, M. Sarkozy leur imposait un changement de paradigme : annonçant un durcissement de l’internement d’office, il faisait primer la préoccupation sécuritaire sur le soin.

Depuis, les portes des hôpitaux se referment progressivement sur les malades internés. Dès 2009, 70 millions d’euros ont été débloqués pour bâtir ou rebâtir les enceintes des hôpitaux, créer des unités fermées et des chambres d’isolement, multiplier les dispositifs de surveillance (portiques et caméras). Les préfets ont ensuite reçu l’ordre de ne plus valider systématiquement les sorties des malades hospitalisés d’office, même si elles sont soutenues par les psychiatres. Une circulaire leur a été adressée, le 11 janvier 2010, afin qu’ils s’assurent "de la comptabilité de la mesure de sortie avec les impératifs d’ordre et de sécurité publics". L’avis "des services de police ou de gendarmerie" est requis pour étayer la décision des préfets.

Les effets de cette politique viennent d’être mesurés par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, une personnalité indépendante qui visite inopinément les hôpitaux psychiatriques. Dans un avis publié le 20 mars, Jean-Marie Delarue constate que les levées d’internement d’office ne sont plus accordées qu’au compte-gouttes. Tout se passe comme si, malgré les soins prodigués, le patient reste considéré comme "aussi dangereux pour lui-même ou autrui qu’au jour de son hospitalisation". Comme dans un mauvais film sont retenues en psychiatrie "des personnes dont l’état, attesté par les médecins, ne justifie pas qu’elles y soient maintenues contre leur gré".

Pis, cette situation fait "obstacle à l’hospitalisation de personnes qui en auraient au contraire besoin". Les hôpitaux prennent peu à peu une couleur carcérale : un "nombre croissant d’unités hospitalières sont aujourd’hui fermées à clé", ce qui a des effets sur les personnes hospitalisées de leur plein gré, également "privées de leur liberté d’aller et venir".

On comprend mieux, dans ce contexte, la très forte hostilité suscitée par la révision de la loi de 1990 sur les soins sans consentement. Alors que la réforme était réclamée depuis des années par les psychiatres, les patients et leurs familles, le texte n’est analysé qu’au filtre du souci sécuritaire du gouvernement. Des innovations, qui auraient pu être intéressantes comme l’observation du patient pendant 72 heures avant toute hospitalisation ou la possibilité de suivre un traitement sous le régime de la contrainte mais chez soi, sont considérées avec méfiance par les soignants.

L’instauration d’un fichier des antécédents médicaux des malades - véritable "casier psychiatrique", selon les psychiatres - et le durcissement des conditions de sortie des personnes internées ont achevé de catalyser l’opposition au projet de loi. La psychiatrie attendait une réforme sanitaire, elle voulait soigner plutôt qu’enfermer. La voilà confrontée au retour du refoulé asilaire.

Cécile Prieur



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