pour Amnesty international, « les pistolets Taser ne sont pas les “armes non meurtrières” que l’on décrit »


article de la rubrique justice - police > police
date de publication : lundi 22 décembre 2008
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Dans un rapport rendu public mardi 16 décembre 2008, Amnesty International rappelle les dangers que représente, à ses yeux, le pistolet à impulsion électrique Taser qui paralyse instantanément sa cible en lui envoyant une forte décharge : elle comptabilise 334 décès enregistrés aux Etats-Unis, entre juin 2001 et août 2008, après un tir de Taser.

L’organisation demande la suspension de l’équipement en Taser des policiers municipaux.


Etats-Unis. La sécurité des pistolets Taser en question, alors que l’on recense 334 morts [1]

Les affirmations des industriels selon lesquelles les pistolets incapacitants connus sous le nom de marque Taser sont des armes sans danger et non meurtrières ne résistent pas à l’examen, a déclaré Amnesty International ce mardi 16 décembre. L’organisation a demandé aux gouvernements de restreindre leur utilisation aux situations mettant la vie en danger, ou bien de suspendre leur usage.

Amnesty International a lancé cet appel à l’occasion de la publication de plusieurs rapports extrêmement détaillés sur la dangerosité de ces pistolets paralysants :

qui intervient alors que le nombre de personnes mortes après avoir été touchées par un Taser a atteint 334 (chiffres établis pour la période comprise entre 2001 et août 2008).

« Les pistolets Taser ne sont pas les “armes non meurtrières” que l’on décrit, a déclaré l’auteure du rapport, Angela Wright, qui est chargée de recherches sur les États-Unis au sein d’Amnesty International. Ils peuvent tuer et ne devraient être utilisés qu’en dernier recours. »
« Le problème avec les Taser, c’est qu’ils favorisent par nature les abus. Ils sont en effet très maniables et faciles à utiliser, et ils peuvent infliger une forte douleur sur la simple pression d’un bouton, sans laisser de traces importantes. » [...]

Les polices municipales peuvent utiliser le Taser

Un arrêté du ministère de l’Intérieur, paru au Journal Officiel, le 4 novembre, autorise l’utilisation du Taser par les policiers municipaux. Chaque policier municipal devra effectuer quatre tirs d’entraînement par an s’il veut obtenir le droit de porter cette arme à impulsion électrique, soi-disant « non-létale ». Avec une formation préalable de douze heures.

Amnesty International invite à ne pas équiper les polices municipales de Taser

par Isabelle Mandraud, LeMonde.fr, 16 décembre 2008

Amnesty International persiste et signe. Dans un rapport intitulé "Moins létal ?" rendu public mardi 16 décembre, l’ONG revient sur les dangers que représente à ses yeux le Taser, le pistolet à impulsion électrique (PIE) qui paralyse un instant la personne touchée, en envoyant à 7 mètres de distance une forte décharge.

Amnesty comptabilise ainsi 334 décès enregistrés après un tir de Taser aux Etats-Unis, entre juin 2001 et août 2008 (25 cas similaires au Canada) et dresse la liste des victimes en citant leurs noms. Ses travaux s’appuient sur 98 rapports d’autopsie, mais aussi des compte-rendus officiels ou des articles de presse. Dans la plupart des cas, la justice, précise l’ONG, a attribué ces décès à des causes indirectes telles que l’usage de stupéfiants ou à un état de stress intense. Mais pour 50 de ces décès, le Taser, affirme-t-elle, a "directement" contribué à la mort de la personne touchée.

Dans un communiqué, Taser France, qui continue à défier l’ONG de donner un nom d’une personne décédée, a aussitôt réagi en se disant "consternée" par ce nouveau rapport. "La question n’est pas de savoir si une personne meurt après avoir été touchée par un Taser mais si c’est à cause du Taser, s’insurge la société. A ce jour, jamais un rapport médical n’a mis en cause le Taser dans un seul cas mortel… Le jeu médiatico-sémantique sur la raison d’un décès relève de la mort spectacle qui n’honore pas son auteur et induit le lecteur dans l’erreur".

La position d’Amnesty a cependant évolué. En France, où aucun cas mortel n’a été signalé, l’ONG ne demande plus un moratoire sur l’utilisation des Taser, mais la suspension de l’équipement de nouvelles "cibles", comme les polices municipales. Ce faisant, l’ONG a changé de discours. Elle considère en effet que le plus grand risque encouru, aujourd’hui, n’est pas celui de l’homicide involontaire mais de la bavure policière.

“Dernière étape avant l’utilisation d’une arme à feu”

Amnesty adapte ainsi sa stratégie à celle du comité contre la torture de l’ONU qui avait estimé, en 2005, que les pistolets à impulsion électrique pouvaient parfois être comparés à des "instruments de torture" [2].

"Nous avons suffisamment d’études qui montrent qu’il y a un risque de torture et de mauvais traitement", affirme Benoît Murraciole, responsable du programme des armes dans la branche française d’Amnesty. "Nous pourrions être proches d’un accord, poursuit-il, à condition que la doctrine d’usage soit bien celle de la dernière étape avant l’utilisation d’une arme à feu". Amnesty redoute notamment que le Taser désinhibe des policiers français formés à la résolution des conflits par d’autres voies que celles des armes.

Le rapport d’Amnesty risque de raviver la querelle. C’est pour avoir repris le chiffre de "plus de 150 décès" aux Etats-Unis causés par le Taser cité par l’ONG qu’Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR, avait été poursuivi devant les tribunaux par le distributeur français de Taser, la société SMP Technologies dirigée par Antoine di Zazzo.

Ce dernier a été débouté le 24 novembre sur fond de scandale. Le patron de Taser France a en effet été mis en examen pour avoir fait espionner M. Besancenot par une officine privée. Taser France a également été déboutée contre l’association Raid-H pour "dénigrement de produit" le 27 octobre, mais dans ce cas, elle a décidé de faire appel.

Notes

[1Extrait de http://www.amnestyinternational.be/..., sur le site d’Amnesty international Belgique.

[2« L’ONU estime que l’utilisation du Taser X-26 est "une forme de torture" », publié le 23 Novembre 2007 sur LE MONDE.FR avec AFP.


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