plaintes contre les rappeurs : l’UMP dérapp’


article de la rubrique libertés > liberté d’expression / presse
date de publication : mardi 6 décembre 2005
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Vous trouverez ci-dessous, à la suite du communiqué de la LDH, quelques extraits de chansons d’artistes français grand public.

Nous les dédions à tous les "Monsieur Prudhomme" [1] et aux politiques dont la démagogie électoraliste tient lieu de ligne politique.

[Première publication, le 28 novembre 2005,
mise à jour le 6 décembre, avec le communiqué de la LDH.]


COMMUNIQUÉ LDH

Délit de rap : la LDH conteste

Le 28 septembre 2005, des députés UMP ont déposé une proposition de loi pour « restaurer un délit d’atteinte à la dignité de la France et de l’État », visant dans son préambule une chanson, pour la première fois de l’histoire de la République [2].

Les mêmes avaient sollicité des poursuites du Garde des sceaux au mois d’août contre la même chanson du rappeur « Monsieur R » intitulée « FranSSe », issue de son album « Politikment incorrekt ». Le tribunal correctionnel de Melun doit examiner une plainte déposée par le député UMP Daniel Mach contre le rappeur Monsieur R., Richard Makela, le 6 février 2006.

Si ce projet de loi signe une rassurante impuissance et démontre en soi le mal fondé de ces poursuites pénales, le désir, de la part d’élus de la nation, de réprimer par 3 ans de prison « toute insulte, toute manifestation de haine, publiée, mise en ligne sur Internet, télévisée ou radio-diffusée, proférée à l’encontre du pays, de ses personnages historiques, des dépositaires de l’autorité publique ou de ses institutions, et le détournement du drapeau national » est particulièrement préoccupant.

La LDH ne saurait tolérer que les fondements de la démocratie française, et le premier bastion de celle-là, la liberté d’expression, soient ainsi remis en cause.

Les mêmes députés, cherchant un bouc-émissaire pour ne pas s’interroger sur la responsabilité du gouvernement dans les causes des troubles récents, s’agitent à nouveau pour solliciter des poursuites contre 7 groupes de rap sur le motif que le rap aurait mis le feu aux banlieues.

Que la musique n’adoucisse pas toujours les mœurs est un fait entendu. L’art n’est pas fait pour conforter les pouvoirs en place, et les artistes sont parfaitement en droit de décider de porter une parole politique. Faire taire les chanteurs engagés a toujours été le rêve des tyrans.

La Ligue des droits de l’Homme s’oppose fermement à ces dérives populistes et dangereuses.

Paris, le 05 décembre 2005

Léo Ferré, Words Words Words

Ils ont voté Ils ont voté
Comme on prend un barbiturique
Et ils ont mis la République
Au fond d’un vase à reposer
Les experts ont analysé
Ce qu’il y avait au fond du vase
Il n’y avait rien qu’un peu de vase

Georges Brassens, Hécatombe

En voyant ces braves pandores
Etre à deux doigts de succomber
Moi, j’bichais car je les adore
Sous la forme de macchabées
De la mansarde où je réside
J’excitais les farouches bras
Des mégères gendarmicides
En criant : "Hip, hip, hip, hourra !"

Frénétiqu’ l’un’ d’elles attache
Le vieux maréchal des logis
Et lui fait crier : "Mort aux vaches,
Mort aux lois, vive l’anarchie !"
Une autre fourre avec rudesse
Le crâne d’un de ses lourdauds
Entre ses gigantesques fesses
Qu’elle serre comme un étau

La plus grasse de ses femelles
Ouvrant son corsage dilaté
Matraque à grand coup de mamelles
Ceux qui passent à sa portée
Ils tombent, tombent, tombent, tombent
Et s’lon les avis compétents
Il paraît que cette hécatombe
Fut la plus bell’ de tous les temps

Jugeant enfin que leurs victimes
Avaient eu leur content de gnons
Ces furies comme outrage ultime
En retournant à leurs oignons
Ces furies à peine si j’ose
Le dire tellement c’est bas
Leur auraient mêm’ coupé les choses
Par bonheur ils n’en avait pas

Renaud, la chanson du loubard

J’suis un loubard périphérique
J’en ai plein les bottes de ce bled
Le France est une banlieue merdique
Comme dit mon copain Mohamed
Aux flics
Aux flics

Renaud, Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ?

Les marches militaires, ça m’déglingue
Et votr’République, moi j’la tringle,
Mais bordel ! Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ?

D’puis qu’on m’a tiré mon canif,
Un soir au métro Saint Michel,
J’ fous plus les pieds dans une manif
Sans un nunchak’ ou un cocktail
A Longwy comme à Saint Lazare,
Plus de slogans face aux flicards,
Mais des fusils, des pavés, des grenades !
Gueuler contre la répression
En défilant " Bastille-Nation "
Quand mes frangins crèvent en prison
Ça donne une bonne conscience aux cons,
Aux nez-d’bœux et aux pousse-mégots
Qui foutent ma révolte au tombeau.

Maxime le Forestier, Parachutiste

Tu avais juste dix-huit ans
Quand on t’a mis un béret rouge,
Quand on t’a dit : "Rentre dedans
Tout ce qui bouge."
C’est pas exprès qu’t’étais fasciste,
Parachutiste.

Alors, de combat en combat,
S’est formée ton intelligence.
Tu sais qu’il n’y a ici-bas
Que deux engeances :
Les gens bien et les terroristes,
Parachutiste

Mais, malheureusement pour toi,
Bientôt se finira ta guerre :
Plus de tueries, plus de combats.
Que vas-tu faire ?
C’est fini le travail d’artiste,
Parachutiste.

T’as rien perdu de ton talent,
Tu rates pas une embuscade
Mais comme on n’tire pas vraiment,
Tu trouves ça fade.
C’est pt’êt pour ça qu’t’as les yeux tristes,
Parachutiste.

Mais si t’es vraiment trop gêné
D’être payé à ne rien faire,
Tu peux toujours te recycler
Chez tes p’tits frères.
J’ crois qu’on engage dans la Police,
Parachutiste.

Eugène Pottier, le 5 ème couplet de l’Internationale

Les rois nous saoulaient de fumées
Paix entre nous, guerre aux tyrans
Appliquons la grève aux armées
Crosse en l’air et rompons les rangs
S’ils s’obstinent, ces cannibales
A faire de nous des héros
Ils sauront bientôt que nos balles
sont pour nos propres généraux

Rouget de l’Isle, La Marseillaise
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le Canard Enchaîné du 12 novembre 2003.

Notes

[1Il est grave, il est maire et père de famille,
Son faux-col engloutit son oreille, ses yeux
Dans un rêve sans fin flottent insoucieux
Et le printemps en fleurs sur ses pantoufles brille

Que lui fait l’astre d’or, que lui fait la charmille
Où l’oiseau chante à l’ombre et que lui font les cieux
Et les prés verts et les gazons silencieux.
Monsieur Prud’Homme songe à marier sa fille,

Avec Monsieur Machin, un jeune homme cossu,
Il est juste milieu, botaniste et pansu
Quant aux faiseurs de vers, ces vauriens, ces maroufles,

Ces fainéants barbus mal peignés, il les a
Plus en horreur que son éternel coryza
Et le printemps en fleurs brille sur ses pantoufles.

Paul Verlaine


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