plainte de la FIDH contre la société Amesys pour “complicité d’actes de torture”


article  communiqué commun LDH/FIDH  de la rubrique Big Brother > surveillance française
date de publication : lundi 21 mai 2012
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Quelques jours avant la chute du régime tunisien en janvier dernier, Michèle Alliot-Marie, alors ministre des Affaires étrangères, avait rappelé la doctrine du gouvernement français en matière de coopération sécuritaire : elle avait proposé de faire bénéficier le régime de Ben Ali du « savoir-faire, reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité » [1].

En fait, la coopération de la France avec des régimes peu respectueux des droits de l’Homme ne se limite pas à une aide à la formation de la police : à partir de 2007 la société Amesys, filiale du groupe Bull, a fourni au régime de Mouammar Kadhafi « un système de surveillance des communications destiné à surveiller la population libyenne ». Au-delà de la plainte déposée contre Amesys par la Fédération internationale des Ligues de droit de l’Homme et par la LDH, on peut s’interroger sur la responsabilité des autorités françaises qui, selon Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH, « ne pouvaient pas ignorer cette vente » [2].

Dans un rapport récent, l’organisation Amnesty International écrit que « les gouvernements professant actuellement leur solidarité avec la population de ces pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont les mêmes que ceux qui jusqu’à récemment fournissaient les armes, les munitions et autres équipements militaires et de police utilisés pour tuer, blesser et soumettre à des arrestations arbitraires des milliers de manifestants pacifiques dans des États tels que la Tunisie et l’Égypte, et qui sont actuellement encore employés par les forces de sécurité en Syrie et au Yémen ».

Une autre question se pose car il semblerait que la Direction du Renseignement Militaire (DRM) et le Ministère de l’Intérieur aient acquis des systèmes « d’écoute et d’interception » analogues à celui qui avait été fourni à la Libye : quel usage est-il fait de ce matériel en France ? [3]

[Mis en ligne le 21 octobre 2011, mis à jour le 21 mai 2012]



Communiqué commun FIDH/LDH

La justice française saisie du dossier Amesys

le 21 mai 2012

Ouverture d’une information judiciaire visant Amesys pour complicité d’actes de tortures en Libye
La FIDH et la LDH se félicitent de l’ouverture d’une information judiciaire à la suite de la plainte déposée en octobre dernier et visant la société Amesys pour complicité d’actes de torture en Libye.

Nos organisations avaient déposé une plainte contre X avec constitution de partie civile le 19 octobre 2011 mettant en cause la société Amesys, filiale de Bull, pour des faits commis à travers la fourniture au régime de Khadafi, à partir de 2007, d’un système de surveillance des communications destiné à surveiller la population libyenne.

La FIDH et la LDH se félicitent également que conformément à leur demande, cette instruction ait été confiée au pôle spécialisé dans les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, nouvellement créé au sein du TGI de Paris.

« Nous déplorons qu’il ait fallu attendre sept mois avant qu’une information judiciaire soit effectivement ouverte sur un dossier portant sur des faits aussi graves. Nos organisations espèrent maintenant que des investigations seront rapidement diligentées, tant en France qu’en Libye, pour établir la vérité des faits et la responsabilité éventuelle de la société Amesys », a déclaré Patrick Baudouin, Président d’honneur et coordinateur du groupe d’action judiciaire de la FIDH.

« Il s’agit d’une affaire doublement emblématique : d’une part, parce qu’elle met en cause une entreprise ayant conclu un accord commercial avec un régime dictatorial, lui donnant ainsi les moyens de renforcer sa répression à l’encontre de la population ; d’autre part, parce qu’elle contribuera à faire la lumière sur les crimes graves perpétrés sous le régime de Khadafi », a déclaré Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH.

Communiqué commun FIDH / LDH

Paris, le 19 octobre 2011

La FIDH et la LDH déposent une plainte mettant en cause la société Amesys pour complicité d’actes de torture

La justice française doit faire la lumière sur les responsabilités de la société Amesys et de ses dirigeants en Libye.

La FIDH et la LDH ont déposé ce jour une plainte contre X avec constitution de partie civile auprès du Tribunal de grande instance de Paris mettant en cause la société Amesys, filiale de Bull, pour complicité d’actes de torture en Libye. Il s’agit de faits commis à travers la fourniture au régime de Mouammar Kadhafi, à partir de 2007, d’un système de surveillance des communications destiné à surveiller la population libyenne.

Cette plainte, qui vise une entreprise pour complicité de graves violations des droits de l’Homme sur le fondement de la compétence extraterritoriale, s’inscrit dans le cadre de la lutte contre l’impunité, à l’heure où un nombre grandissant d’entreprises est dénoncé pour avoir fourni des systèmes similaires à des régimes autoritaires.

« Nous souhaitons que l’information judiciaire soit ouverte au plus vite afin de déterminer les éventuelles responsabilités pénales de la société Amesys et de ses dirigeants », a déclaré Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH et responsable de son Groupe d’action judiciaire.

« Plus largement, cette procédure pourra contribuer à faire la lumière sur l’ampleur des crimes commis par le régime de Kadhafi », a déclaré Pierre Tartakowsky, président de la LDH.

Rappel des faits :

A l’occasion de la libération de Tripoli, des journalistes du Wall Street Journal ont pu pénétrer, le 29 août 2011, dans le bâtiment où le régime libyen surveillait les communications. Ils y ont notamment retrouvé des manuels rédigés en anglais portant le logo d’Amesys, entreprise française filiale du groupe Bull.

Amesys a conclu un contrat de mise à disposition de technologie aux fins d’interception de communication, de traitement de données et d’analyses en 2007.

Les accords de coopération technologique, et plus particulièrement d’installation de logiciel ont impliqué non seulement la mise à disposition d’un matériel mais également une phase de développement, d’assistance et de contrôle.

Amesys aurait équipé fin 2009 un centre de surveillance d’Internet à Tripoli (© Jerome Delay / Sipa)

Livraisons d’armes meurtrières au Moyen-Orient et en Afrique du Nord [4]

[18/10/2011] La France et plusieurs pays européens mais aussi la Russie et les Etats-Unis ont fourni de très nombreuses armes à des gouvernements répressifs au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, dénonce un nouveau rapport d’Amnesty International.

Ce document, intitulé Arms Transfers To The Middle East And North Africa : Lessons For An Effective Arms Trade Treaty, se penche sur les transferts d’armes effectués vers Bahreïn, l’Égypte, la Libye, la Syrie et le Yémen depuis 2005. [...]

Helen Hughes, principale spécialiste du commerce des armes ayant contribué à ce rapport a déclaré :

« Les gouvernements professant actuellement leur solidarité avec la population de ces pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont les mêmes que ceux qui jusqu’à récemment fournissaient les armes, les munitions et autres équipements militaires et de police utilisés pour tuer, blesser et soumettre à des arrestations arbitraires des milliers de manifestants pacifiques dans des États tels que la Tunisie et l’Égypte, et qui sont actuellement encore employés par les forces de sécurité en Syrie et au Yémen. »

[...] Concernant les livraisons d’armes à la Libye, Amnesty International a identifié 10 États - l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie, le Royaume-Uni, la Russie... – dont le gouvernement a autorisé la vente d’armements, de munitions et d’équipements associés au régime du colonel Mouammar Kadhafi, en Libye, depuis 2005. Pendant le conflit, les forces du colonel Kadhafi ont commis des crimes de guerre et des violations susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité. [...]

Notes

[1« Tunisie : les propos “effrayants” d’Alliot-Marie suscitent la polémique », LEMONDE.FR, 13.01.11 18h23.


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