oui, Nicolas Sarkozy est dangereux !


article de la rubrique démocratie > la campagne de 2007
date de publication : lundi 16 avril 2007
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A la suite de l’éditorial du quotidien belge Le Soir, par Joëlle Meskens, samedi 14 avril 2007, vous pourrez lire le reportage d’Antoine Guiral consacré aux « vendanges frontistes » de Nicolas Sarkozy en terrain frontiste.


Oui, Nicolas Sarkozy est dangereux !

Jusque-là, nous ne l’avions pas écrit. Parce qu’il demeure exceptionnel que Le Soir prenne position dans une élection, comme il l’avait fait pour soutenir John Kerry face à George Bush aux Etats-Unis.

Cette fois pourtant, on ne peut plus rester sans le dire. Oui, Nicolas Sarkozy est dangereux. Parce que le candidat de l’UMP à l’Elysée a franchi la ligne rouge. Ses propos sur le caractère inné de la pédophilie ou de la tendance suicidaire bouleversent tous les principes de l’humanisme [1]. La société ne servirait donc à rien ? A quoi bon alors l’éducation, la famille, l’amour, l’apprentissage de la tolérance, si le seul destin décide de faire d’un homme un héros ou un monstre ? Ses propos sur l’Allemagne, prédisposée à s’abandonner au nazisme, sont tout aussi écoeurants. Et que dire de cette phrase, entendue en meeting : « La France n’a pas à rougir de son Histoire. Elle n’a pas inventé la solution finale. » [2] Aurait-il oublié que la France a collaboré ? Que Vichy a livré des Juifs aux nazis ? Jacques Chirac a beaucoup de torts. Mais il a eu ce courage, lui, de reconnaître la responsabilité de l’Etat français pour la collaboration.

Ce virage complète chez Nicolas Sarkozy une posture résolument populiste. Combien de fois, lorsqu’il était à l’Intérieur, n’a-t-il pas accusé les juges de ne pas en faire assez, violant ouvertement la séparation des pouvoirs ? Sa mainmise sur les médias ne laisse pas d’inquiéter, elle aussi, obtenant ici le limogeage d’un directeur dérangeant, discutant là de l’embauche d’un journaliste chargé de couvrir l’UMP. Et que dire de ses déplacements de campagne ? Non seulement il ne peut plus se rendre en banlieue, là où Jean-Marie Le Pen se promène désormais, mais même dans des quartiers moins chauds comme la semaine dernière à la Croix-Rousse à Lyon, il doit reculer par crainte des manifestants.

« Prendre des voix au Front national, est-ce mal ? », interroge Nicolas Sarkozy. Non, bien sûr, au contraire. Mais à condition de ne pas séduire ses électeurs avec les mêmes mots. Au soir du premier tour, le candidat de l’UMP se félicitera peut-être d’avoir asséché le terreau électoral de Jean-Marie Le Pen. Mais à quel prix ? Celui, affolant, d’une lepénisation des esprits.

Joëlle Meskens
[éditorial de Le Soir, le 14 avril 2007 [3].]

Sarkozy : vendanges frontistes à Châteauneuf-du-Pape

Le candidat de l’UMP a parcouru tous les thèmes chers au Front national.

par Antoine Guiral, Libération, le 16 avril 2007

Pas de tâches, pas d’intrus : alors que Nicolas Sarkozy devise
au micro de la
« France éternelle, de la France qu’on aime », samedi sur la
jolie place de la mairie de Châteauneuf-du-Pape, les gendarmes et
le service d’ordre de l’UMP font le ménage. Et les six personnes
identifiées comme des perturbateurs potentiels se retrouvent
retenues pour un contrôle d’identité dans un local technique. Il ne
faut surtout pas gâcher la mise en scène du candidat venu parler
« travail et identité nationale » dans ce décor de carte
postale. Elles seront finalement relâchées à la fin du speech
sarkozyste, tout de même ponctué par quelques huées et quolibets
(« C’est toi le voyou », « Dictateur »...). 

« Majorité silencieuse ». Tout le week-end, le candidat
UMP s’est fondu dans le paysage provençal pour engranger les images
apaisantes et tenter de rassurer sur sa personnalité, qui continue
à inquiéter les Français. Il a aussi commencé à préparer le second
tour en jouant la carte de
« la majorité silencieuse » face aux
« petites élites qui s’arrogent le droit de dire ce qui est bien
ou mal ». 

Pour s’assurer un ticket d’entrée dans le duel final, Nicolas
Sarkozy ne veut surtout pas changer de registre :
« Il faut mobiliser l’électorat de droite sur des thématiques qui
lui parlent », 
assure un des stratèges de sa campagne. En clair :
du clivage, et à droite toute ! Dans cette région où prospère le
Front national, il a servi à ses auditoires toute la palette des
vieilles lunes de l’extrême droite : ode à la chrétienté et
« au long manteau d’églises qui couvre notre
territoire », 
attaque contre les polygames et les lapideurs,
clins d’oeil appuyés aux pieds-noirs
(« Les Français qui ont aimé l’Algérie n’ont pas à s’excuser de
ce qu’ils ont fait là-bas »), 
promesses de durcir les lois
l’immigration et la sécurité
« dès l’été 2007 », dénonciation de l’euro fort.

En jean, veste marine et chemise blanche, Nicolas Sarkozy a
aussi reçu devant les caméras et micros la mère de Ghofrane
Haddaoui dont les meurtriers viennent d’être condamnés à
vingt-trois ans de prison. Un fait divers sordide qu’il a exploité
la voix mouillée d’émotion en prenant dans ses bras la mère de la
victime sous l’oeil des photographes.

Terrain balisé. Rejoint samedi soir par son staff et
quatre Premiers ministres potentiels (Michèle Alliot-Marie, Xavier
Bertrand, Jean-Louis Borloo, François Fillon) pour un dîner aux
Baux-de-Provence, Nicolas Sarkozy a planché sur sa dernière semaine
de campagne et préparé l’hypothèse d’une confrontation avec
Ségolène Royal. Inquiet par les passerelles jetées par certains
socialistes en direction de l’UDF (lire pages 3 et 4), il redoute
la perspective d’un second tour qui tournerait au référendum pour
ou contre sa personne. Face à ce risque du « tout sauf Sarkozy »
qu’il sent monter, il entend mobiliser les bataillons d’électeurs
de la
« France exaspérée » dont il se veut le porte-parole. Pour lui,
et c’est une nouveauté, une présidentielle ne se gagne plus au
centre, mais bien à droite.

A coups de formules chocs, il a commencé à baliser le terrain en
se déportant toujours plus à droite :
« Peu m’importe si vous vous êtes tournés vers le FN par le
passé. C’est parce que nous avions renoncé à défendre les idées qui
étaient les vôtres », 
a-t-il lancé hier lors d’un pique-nique
champêtre à Aix. De même il a dénoncé, comme Le Pen aime à le
faire, « les combines des partis et les petits accords qui se préparent
dans le dos des Français ». 
Un temps envisagé, le recentrage de
sa campagne n’est désormais plus possible.

Antoine Guiral

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