nouveau procès pour François Vaillant qui persiste à refuser son fichage au Fnaeg


article de la rubrique Big Brother > fichage ADN - Fnaeg
date de publication : lundi 25 octobre 2010
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Mercredi 17 novembre 2010, la Cour d’appel de Rouen examinera l’appel de François Vaillant, co-fondateur du Collectif des déboulonneurs et rédacteur en chef de la revue de recherche Alternatives non-violentes, contre l’amende de 300 € qui lui a été infligée en décembre 2009 pour avoir refusé en juin 2007 le prélèvement biologique auquel il aurait dû se soumettre suite à sa condamnation à 1 € pour avoir barbouillé des panneaux publicitaires dans le centre-ville de Rouen.

Le procès devait avoir lieu ce 11 août, mais il a été reporté au 17 novembre dans l’attente d’une décision du Conseil constitutionnel qui avait été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant le fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) – le Conseil constitutionnel s’est prononcé à ce sujet le 16 septembre 2010 en émettant deux "réserves" .

François Vaillant compte démontrer en appel que, sur la foi de progrès récents en matière de génétique, et contrairement à ce que la loi affirme, les “segments non codants” prélevés actuellement pour le fichage peuvent être “discriminants”.


« Tout peuple qui s’apprête à sacrifier un peu de liberté contre un peu de sécurité ne mérite ni l’un ni l’autre, et finit par perdre les deux. »

Benjamin Franklin, Historical Review of Pennsylvania (1759)


Les témoins

  • Catherine Bourgain, généticienne à l’INSERM, secrétaire de la Fondation sciences citoyennes (président : Jacques Testart).

Sa déposition va tout simplement contredire ce que la loi affirme du FNAEG, à savoir que les empreintes génétiques prélevées ne peuvent en aucun cas servir à discriminer une population particulière, par exemple en fonction des pigments de la peau, de la couleur des yeux, d’une maladie de type diabète, etc. Les travaux récents des chercheurs en génétique humaine jettent le doute sur la solidité de cette affirmation. Les « marqueurs neutres » ne s’avèrent pas si neutres que cela. Pour certains « marqueurs neutres », il est aujourd’hui possible, de façon inattendue, de les relier à des « caractéristiques génétiques ». Ces découvertes génétiques viennent contredire les propos de Christian Estrosi, alors rapporteur de la loi de Sécurité intérieure du 18 mars 2003, lorsqu’il affirmait le 16 janvier 2003 aux députés réunis pour voter cette loi : « Si à partir d’une empreinte génétique inscrite dans le Fnaeg, vous essayez d’obtenir la moindre information sur la personne – état de santé, métabolisme, couleur des cheveux, des yeux, de la peau, etc. – vous ne le pourrez pas, parce que ces empreintes sont non codantes. C’est totalement impossible. [1] »

  • Yvan Gradis, écrivain, co-fondateur avec François Vaillant du Collectif des déboulonneurs, sera auditionné comme témoin à ce procès en appel.

Il est certain que sa prise de parole laissera les juges perplexes, puisque Yvan Gradis a commis en 9 ans 59 barbouillages de panneaux publicitaires, lesquels ont donné lieu à 45 conduites au poste de police. Yvan a été jugé en correctionnelle deux fois à Paris pour ses activités de barbouilleur en désobéissance civile dans le cadre du Collectif des déboulonneurs ; condamné la première fois en 2007 à une amende de 1 € (comme François Vaillant, la même année), condamnation confirmée en appel en 2008, il a été relaxé en avril 2010 à la suite de son procès des 12 et 19 mars 2010. Or la justice ne l’a jamais poursuivi pour ses multiples refus de donner à la police son empreinte ADN, y compris lors d’une garde à vue de 20 heures en 2009.

Le prévenu

« Je fus condamné le 7 décembre 2009 à payer une amende de 300 € pour avoir refusé en 2008 que la police prélève mon empreinte ADN, à la suite de ma condamnation au pénal en 2007 pour barbouillage de panneaux publicitaires en 2006, dans le cadre des activités non-violentes de désobéissance civile du Collectif des déboulonneurs de Rouen.
Je risque le 17 novembre prochain 1 an de prison et 15 000 € d’amende.

« Pourquoi j’entre à nouveau en désobéissance civile ? Parce que je refuse que mon ADN soit fiché comme si j’étais un criminel, un violeur ou un auteur d’actes de torture.

« L’article 706-55 du Code pénal spécifie que l’ADN doit être prélevé quand un citoyen a commis les infractions suivantes : « les crimes contre l’humanité et les crimes et délits d’atteinte aux personnes, de trafic de stupéfiants, de traite des êtres humains, de proxénétisme, (…) et les crimes et délits de vols, d’extorsion, d’escroqueries, de destructions, de dégradations, (…), et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, la fausse monnaie et l’association de malfaiteurs ». Je fus condamné il y a deux ans à une amende de 1 €, pour dégradation légère (sic) après que le procureur eut dit à l’audience que j’étais un « honnête homme » (sic) et avoir demandé la dispense de peine !

« La loi sur le prélèvement ADN est donc mal fagotée : elle met dans le même sac les auteurs de crimes, les violeurs et les auteurs de toutes dégradations. Quel lien existe-t-il entre la destruction d’un train de marchandises, la pollution au mercure d’une rivière et un simple barbouillage de panneaux publicitaires, qui, lui, est qualifié de « dégradation légère » (sic) par tous les tribunaux qui ont eu à juger des barbouillages de joyeux barbouilleurs ? J’avoue ne pas comprendre !

« En dehors de mon cas personnel, il me semble utile et nécessaire de combattre l’existence actuelle du FNAEG. Autant j’en admets éventuellement l’existence pour les criminels, violeurs et auteurs d’actes de torture condamnés après un procès, autant ce fichier, tel qu’il est conçu actuellement, est dangereux pour la sécurité des citoyens. La police a déjà réussi l’exploit d’obtenir et de mettre plus de 1,2 million d’empreintes génétiques dans le FNAEG.

« Christian Estrosi, actuellement ministre chargé de l’Industrie, n’a-t-il pas déclaré en 2007 (voir Le Monde du 17 janvier 2007) « que les citoyens seraient mieux protégés si leurs données ADN étaient recueillies dès leur naissance » ? La volonté non encore affichée de la plupart de nos dirigeants est probablement que tous les citoyens aient leur empreinte ADN dans le FNAEG. Des commissariats marchent au chiffre, au rendement, primes à l’appui ! Les cas aberrants de prélèvement abusif se comptent actuellement par milliers, comme par exemple celui d’une dame qui avait accepté par civisme de se porter témoin d’un accident de la circulation auquel elle était totalement étrangère. Toute empreinte mise dans le FNAEG est destinée à y rester 40 ans, dit la loi.

« Pourquoi le FNAEG est-il intrinsèquement dangereux et pervers ? Il y a toujours malheureusement en France 20 % de la population adeptes des idées du Front national. Qu’est-ce qui peut nous garantir qu’un gouvernement de type Vichy ne reviendrait pas au pouvoir dans quelques années ? La vie politique est souvent faite de surprises. Quelle aubaine serait alors le FNAEG pour ce pouvoir pour discriminer telle ou telle population ! Les trains qui sont partis vers les camps de concentration renfermaient des personnes qui avaient été abusivement fichées.
Toutes ces raisons m’incitent à dénoncer l’actuel FNAEG, et à critiquer la loi qui l’autorise. »

François Vaillant
rédacteur en chef de la revue Alternatives Non-Violentes
Tél. 06.16.08.41.95 - courriel : francois-vaillant@wanadoo.fr


Vous êtes cordialement invités à mon procès du 17 novembre.

Je vous propose comme rendez-vous : 14h devant l’entrée du Palais de justice de Rouen. Vous y retrouverez les témoins Catherine Bourgain, Yvan Gradis et l’avocat Nicolas Gallon.


NB : Ce procès en appel va coûter environ 3.500 €. Le Comité de soutien dispose d’une avance de 1.500 €. Il cherche donc encore 2.000 €. Tout chèque de soutien est bienvenu, même 10 ou 20 €, les petites rivières formant les fleuves. Chèque à envoyer à : MAN Centre 308, 82 rue Jeanne d’Arc, 76000 Rouen. Chèque à l’ordre de : MAN Haute Normandie. Un immense merci !

Les Sages émettent deux "réserves" sur la constitutionnalité du fichier national des empreintes génétiques

[LeMonde.fr avec AFP, le 16 septembre 2010]


Le Conseil constitutionnel a émis jeudi deux "réserves" sur la constitutionnalité du fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg), appelant notamment à la conservation des données pour une durée "raisonnable", proportionnelle à la gravité de l’infraction. Les Sages étaient saisis, dans le cadre d’une procédure dite de "question prioritaire de constitutionnalité" (QPC), par un syndicaliste martiniquais se plaignant de figurer dans le fichier après une condamnation pour entrave à la liberté du travail.

Après examen, le Conseil a jugé le "mécanisme du fichier" conforme à la Constitution et écarté la plupart des griefs. Le Fnaeg, créé en juin 1998 pour y recenser l’ADN des condamnés définitifs pour agressions sexuelles, a été étendu depuis 2003 à une série plus large de crimes et délits. Il comprend actuellement 1,25 million de profils génétiques contre environ 2 000 en 2002. Les profils insérés dans le fichier sont de deux origines : prélèvements effectués sur les personnes mises en cause dans les affaires concernées (elles peuvent refuser, mais encourent une sanction) et traces génétiques relevées sur les scènes de ces crimes et délits.

Première réserve des Sages : dans le cas de figure de l’enquête, la loi doit s’interpréter comme "limitant le prélèvement" aux personnes soupçonnées de certains crimes ou délits graves "énumérés à l’article 706-55 du code de procédure pénale", précise un communiqué du Conseil. Il s’agit notamment des crimes de sang et des infractions de nature sexuelle. La deuxième réserve porte sur la fixation de la durée de conservation, qui doit être "proportionnée à la nature ou à la gravité des infractions", et s’adapter aussi à l’âge de l’auteur de l’infraction (mineur ou majeur).

La loi qui a institué le Fnaeg renvoyait à un décret le soin de fixer combien de temps conserver les empreintes. C’est ce texte qui devra désormais respecter "des durées raisonnables", a commenté une source au Conseil, rappelant qu’actuellement des empreintes peuvent être conservées jusqu’à vingt-cinq ans pour un suspect et quarante ans pour un condamné.

Compléments

Notes

[1Lors de la troisième séance du jeudi 16 janvier 2003 :
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030120.asp


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