mauvaise note pour la France dans le rapport 2009 d’Amnesty International


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date de publication : mardi 2 juin 2009
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La France est à plusieurs reprises montrée du doigt dans le rapport 2009 d’Amnesty international qui dresse le bilan des droits de l’homme dans le monde [1]. L’organisation internationale, qui examine dans son rapport 2009 le respect des droits de l’Homme dans 157 pays au cours de l’année 2008, s’alarme notamment de « mauvais traitements » dont des forces de l’ordre se seraient rendues coupables en France. Amnesty rappelle notamment le cas d’Abdelhakim Ajimi dont l’autopsie a révélé qu’il avait succombé à une asphyxie provoquée par les méthodes d’immobilisation utilisées par les policiers.

Amnesty dénonce la situation des migrants “irréguliers” et des demandeurs d’asile dans les centres de rétention – notamment le centre de rétention de Mayotte.
Amnesty s’inquiète également des expulsions d’individus vers des pays où ils risquent de subir des tortures, citant le cas d’un Algérien renvoyé dans son pays d’origine après avoir purgé sa peine de prison et qui a été « maintenu au secret pendant douze jours » à son arrivée.

D’un point de vue législatif, le rapport 2009 d’Amnesty pointe du doigt la loi sur la rétention de sûreté adoptée par le Parlement en février 2008. L’organisation considère que ce texte « autorise une prolongation indéfinie de la peine de privation de liberté ».


Cette année encore, des allégations ont fait état de mauvais traitements infligés par des agents de la force publique et qui, dans un cas au moins, ont entraîné la mort d’un homme. Les procédures en vigueur pour les enquêtes et les poursuites contre les responsables de tels actes n’étaient pas conformes aux normes internationales. Le Comité des droits de l’homme [ONU] a critiqué les conditions de détention des migrants en situation irrégulière. Des demandeurs d’asile dont le dossier était traité dans le cadre de la « procédure prioritaire » risquaient
d’être renvoyés de force alors que l’examen de leur cas était en cours. La France a expulsé en Algérie un homme qui risquait d’y être victime de violations graves de ses droits fondamentaux, et a procédé à une tentative de renvoi vers ce pays d’une autre personne encourant des risques similaires. Une nouvelle loi prévoyant le maintien en « rétention de sûreté » pour une durée indéfiniment renouvelable ainsi qu’un décret autorisant la police à recueillir des informations personnelles sur des individus considérés comme susceptibles de porter atteinte à l’ordre public ont mis à mal le principe de la présomption d’innocence.

Police et autres forces de sécurité

Des responsables de l’application des lois se seraient,
cette année encore, rendus coupables de mauvais traitements.
Les organes responsables de l’application des
lois et les autorités judiciaires n’ont pas mené sur ces
allégations des enquêtes conformes aux normes internationales,
ce qui s’est traduit par une impunité de fait.
Le Comité des droits de l’homme [ONU] a exprimé sa
préoccupation à propos des allégations faisant état de
mauvais traitements infligés par des agents de la force
publique à des étrangers en situation irrégulière et à
des demandeurs d’asile détenus dans des centres de
rétention. Il a déploré l’absence d’enquête sérieuse et
de sanctions contre les responsables de ces violations
des droits humains.

Le 22 septembre, la ministre de l’Intérieur a autorisé
la police municipale à utiliser des pistolets à impulsions
électriques. Seuls les membres de la police nationale
étaient autorisés auparavant à utiliser ce type d’arme.

Homicide illégal

Abdelhakim Ajimi est mort le 9 mai à Grasse lors
de son interpellation. Des policiers l’ont appréhendé et
maîtrisé après une altercation avec les employés d’une
banque où il voulait retirer de l’argent. L’information judiciaire
ouverte sur ce décès se poursuivait à la fin de
l’année. Selon le rapport d’autopsie, Abdelhakim Ajimi
a succombé à une asphyxie provoquée par les méthodes
d’immobilisation utilisées par les policiers. Plusieurs
témoins oculaires ont affirmé que ceux-ci avaient fait
un usage excessif de la force. Les agents mis en cause
n’avaient pas été suspendus de leurs fonctions à la fin
de l’année.

Impunité

En juillet, le parquet a classé sans suite l’enquête
ouverte sur les allégations de mauvais traitements formulées
par Josiane Ngo. Cette femme s’était plainte d’avoir
été frappée à coups de poing et de pied et traînée par
terre par des policiers en juillet 2007, alors qu’elle était
enceinte de huit mois. Les faits s’étaient produits dans
la rue en présence de nombreux témoins. Josiane Ngo
avait passé la nuit en garde à vue, avant d’être relâchée
le lendemain sans inculpation. Un examen médical lui
avait reconnu dix jours d’incapacité de travail pour les
blessures subies.

Migrants, réfugiés et demandeurs d’asile

Le Comité des droits de l’homme a exprimé sa préoccupation
à propos d’informations faisant état d’une
situation d’entassement et d’insuffisance des installations
sanitaires, de la nourriture et des soins médicaux
dans les centres de rétention où sont placés des
migrants en situation irrégulière et des demandeurs
d’asile, parmi lesquels figurent des mineurs isolés. Il
a appelé la France à revoir sa politique de détention et
à améliorer les conditions de vie dans les centres de
rétention, tout particulièrement ceux des départements
et territoires d’outre-mer. En décembre, des photographies
et une vidéo montrant les conditions inhumaines
régnant dans le centre de rétention du territoire d’outremer
de Mayotte ont été envoyées anonymement
à Amnesty International et à un organe de la presse
française. Les images révélaient une extrême surpopulation
ainsi que le manque d’installations sanitaires
et médicales.

En avril, l’Office français de protection des réfugiés
et apatrides (OFPRA), établissement public qui examine
les demandes de statut de réfugié, a annoncé
que le taux de reconnaissance avait atteint près de
30 % en 2007, l’un des plus élevés pour les dernières
années. Par ailleurs, le nombre des nouvelles demandes
a continué de diminuer, passant de 26 269 en
2006 à 23 804 en 2007.

Le 3 juillet, plusieurs parlementaires ont déposé
une proposition de loi visant à modifier les dispositions
concernant le droit d’appel devant la Cour nationale
du droit d’asile (CNDA) pour les demandeurs
d’asile dont le cas est examiné au titre de la « procédure
prioritaire
 ». Aux termes de ce texte, les demandeurs
d’asile qui introduisent un recours contre
une décision rendue dans le cadre de la « procédure
prioritaire
 » ne pourraient plus être renvoyés de force
dans leur pays d’origine avant qu’il n’ait été statué sur
leur recours. Cette proposition de loi n’a pas reçu le
soutien du gouvernement.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

En juillet, le Comité des droits de l’homme a exprimé
sa préoccupation quant à la loi antiterroriste adoptée
en 2006 et il a prié la France de veiller à ce que tous
les détenus soient déférés dans le plus court délai devant
un juge et qu’ils aient le droit de consulter un
avocat. Les autorités françaises continuaient d’expulser
des individus vers des pays où ils risquaient d’être
torturés, entre autres violations graves de leurs droits
fondamentaux.

  • Rabah Kadri, ressortissant algérien, a été libéré de
    la prison de Val-de-Reuil le 14 avril après avoir purgé
    la peine prononcée à son encontre, le 16 décembre
    2004, par le tribunal correctionnel de Paris pour sa
    participation à la préparation d’un attentat terroriste
    contre le marché de Noël de Strasbourg en 2000. Il
    avait été condamné à six ans d’emprisonnement assortis
    d’une interdiction définitive du territoire français.
    Pris en charge par la police dès sa sortie de prison,
    Rabah Kadri a été renvoyé en Algérie par bateau
    le 15 avril. Il est arrivé à Alger le 16 avril et a été remis
    aux autorités algériennes, qui l’ont maintenu au secret
    pendant douze jours dans un lieu inconnu.
  • Kamel Daoudi a été libéré de la prison de la Santé le
    21 avril à l’expiration de sa peine. Il a immédiatement
    été placé en rétention dans l’attente de son expulsion
    vers l’Algérie. Reconnu coupable, en 2005, d’association
    de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste
    et de falsification de documents administratifs,
    cet homme avait été condamné à six ans d’emprisonnement
    assortis d’une interdiction définitive du territoire
    français. Algérien à l’origine, Kamel Daoudi avait
    acquis la nationalité française, mais il en avait été déchu
    en 2002 en raison des allégations relatives à son
    appartenance à des groupes terroristes, alors même
    que la procédure judiciaire le concernant n’était pas
    terminée. Statuant sur la requête introduite par l’avocat
    de Kamel Daoudi, la Cour européenne des droits de
    l’homme a, le 23 avril, ordonné aux autorités françaises
    de suspendre la mesure d’éloignement tant qu’elle
    n’aurait pas déterminé s’il risquait de subir des actes
    de torture ou d’autres mauvais traitements en cas de
    renvoi en Algérie. À la fin de l’année, Kamel Daoudi
    restait assigné à résidence – une mesure qui limitait
    ses déplacements à certaines régions de France et
    l’obligeait à se présenter régulièrement dans un poste
    de police –, dans l’attente de la décision de la Cour.

Évolutions législatives, constitutionnelles ou institutionnelles

Rétention de sûreté

Le Parlement a adopté le 7 février une loi relative à la
« rétention de sûreté ». Elle prévoit que les personnes
déclarées coupables de certains crimes, une fois qu’elles
ont effectué la totalité de leur peine d’emprisonnement,
pourront être maintenues en détention pendant
une durée d’un an indéfiniment renouvelable si elles
sont considérées comme dangereuses et présentent
une probabilité très élevée de récidive. Dans les faits,
ce texte autorise une prolongation indéfinie de la peine
de privation de liberté, ce qui constitue une violation du
droit à la liberté, de l’interdiction de la détention arbitraire
et du principe de présomption d’innocence. Le
Comité des droits de l’homme a demandé à la France
de réexaminer cette loi.

Fichiers de police sur des personnes

Un décret publié au Journal officiel du 1er juillet et lié à
la mise en place de la Direction centrale de la sécurité
publique (DCSP) autorisait le recueil d’informations sur
des personnes par la police et les services de sécurité
sous la forme d’un fichier appelé Edvige (Exploitation
documentaire et valorisation de l’information générale).
Ce fichier devait collecter et conserver des informations
sur des personnes âgées d’au moins treize ans et « susceptibles
de porter atteinte à l’ordre public
 ». Il devait
inclure, entre autres, des données sur l’orientation
sexuelle et la santé. À la suite de protestations de grande
ampleur et d’auditions devant la commission des lois de
l’Assemblée nationale, la ministre de l’Intérieur a proposé
une version révisée du texte, qui, en décembre,
était en cours d’examen devant la Commission nationale
de l’informatique et des libertés (CNIL).

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Le 11 juin, le Conseil des ministres a nommé Jean-Marie
Delarue au poste de contrôleur général des lieux de
privation de liberté, en application des dispositions du
Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants. Le Parlement a adopté, en juillet,
une loi autorisant la France à ratifier ce protocole.

Défenseur des droits

Une loi constitutionnelle visant à réformer certains aspects
du système politique et de l’administration a été
adoptée le 21 juillet. Ce texte créait, sous le nom de
défenseur des droits, une institution nationale pour la
protection des droits humains. Le mandat précis de
cette institution n’avait pas été défini à la fin de l’année,
mais on prévoyait qu’elle allait remplacer des mécanismes
existants, notamment la Commission nationale de
déontologie de la sécurité (CNDS), organisme chargé
de la surveillance indépendante des organes chargés
de l’application des lois. On craignait que cette mesure
n’entraîne une perte de spécialisation et de compétence,
la diminution des moyens qui sont actuellement
affectés à la CNDS et même la réduction de ses capacités,
ce qui aurait des répercussions négatives sur le
contrôle indépendant efficace des organes chargés du
maintien de l’ordre public.

P.-S.

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en France en mars et en mai 2008 :

  • France. L’enregistrement des interrogatoires ne constitue pas une protection suffisante des droits des détenus
    (EUR 21/004/2008).
  • France. Communication au Comité des droits de l’homme
    (EUR 21/005/2008).

Notes

[1Le rapport est téléchargeable dans son intégralité : http://thereport.amnesty.org/fr/download.


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