liberté d’expression : société libre, presse libre


article de la rubrique libertés > liberté d’expression / presse
date de publication : jeudi 2 février 2006
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COMMUNIQUÉ

Paris, le 2 février 2006

On ne peut accepter que la publication de caricatures de Mahomet, quelle que soit l’opinion qu’on en a, vaille à ses auteurs des menaces ou un limogeage. Aucune religion et aucune pensée ne peuvent exiger de bénéficier d’un régime particulier qui imposerait d’autres limites que celles reconnues dans le cadre d’une société démocratique. La LDH rappelle que la liberté de la presse, en l’espèce la liberté du dessinateur de presse, ne peut dépendre de tel ou tel interdit religieux.

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Plantu - Le Monde du 3 février 2006.

Caricatures libres

[L’éditorial du Monde du 3 février 2006]

Douze dessins publiés, le 30 septembre 2005, par le quotidien danois Jyllands-Posten, sous le titre "Les 12 visages de Mahomet", provoquent l’émotion de musulmans et l’ire de pays arabes. L’une de ces caricatures représente la tête du Prophète surmontée d’un turban en forme de bombe. Dalil Boubakeur, qui préside le Conseil français du culte musulman (CFCM), y voit un nouveau signe d’"islamophobie envers les musulmans et leur religion". Sans prendre les proportions de l’affaire Rushdie, l’écrivain qui avait été, en 1988, l’objet d’une fatwa le condamnant à mort pour son interprétation du Coran, la polémique enfle, et des pays arabes ont demandé au Danemark - heureusement en vain - de "sanctionner fermement" les caricaturistes.

Au-delà de l’amalgame, injuste et blessant, entre l’islam et le terrorisme, présent dans quelques dessins, c’est l’interdit de la représentation de Mahomet qui est en cause. Pour l’islam, toute effigie du Prophète relève de l’idolâtrie, et transgresser ce tabou est un blasphème. Dans les démocraties laïques, qui ont pleinement ratifié la Déclaration universelle des droits de l’homme, le seul principe qui vaille est celui de la liberté d’expression dans le respect du droit.

Pour la France, tout est dit dans l’article premier de la Constitution : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances." Les commandements et interdits religieux ne sauraient donc se situer au-dessus des lois républicaines, au risque des pires déviations et inquisitions.

Les religions sont des systèmes de pensée, des constructions de l’esprit, des croyances qui sont respectables mais qui peuvent être librement analysées, critiquées, voire tournées en ridicule. Il en est de même des idéologies politiques. La laïcité républicaine suppose neutralité religieuse et tolérance. Il est donc nécessaire de distinguer les religions et les personnes qui les pratiquent. Celles-ci doivent être protégées contre toute discrimination et contre tout propos injurieux fondé sur l’appartenance religieuse.

Comme pour le racisme, l’antisémitisme, le sexisme et l’homophobie, la liberté d’expression trouve ici ses limites : celles fixées par la loi et par la justice. Ainsi, en 2005, une publicité pour une marque de vêtements, où douze femmes et un homme figuraient dans des poses érotiques la Cène de Léonard de Vinci, avait été blessante pour les chrétiens et interdite d’affichage par les tribunaux.

Un musulman peut être choqué par un dessin, surtout malveillant, de Mahomet. Mais une démocratie ne saurait instaurer une police de l’opinion, sauf à fouler aux pieds les droits de l’homme.


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