lettre ouverte de la coordination nationale des collectifs contre Base élèves


article de la rubrique Big Brother > base élèves, non !
date de publication : mercredi 27 août 2008
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Ci-dessous la lettre ouverte, adressée en juillet 2008 au Ministre de l’Education nationale, dans laquelle la coordination des collectifs contre Base élèves expose un certain nombre de revendications.

Elle est suivie de la réponse du Chef de cabinet du Ministre annonçant la publication d’un arrêté.


Lettre ouverte des collectifs contre Base élèves

le 21 juillet 2008

à Monsieur Xavier Darcos
Ministre de l’Education Nationale

Le vendredi 13 juin 2008, vous avez annoncé par communiqué le retrait de certains champs de Base élèves : la profession et la catégorie
socio-professionnelle des parents, la situation familiale de l’élève, l’absentéisme signalé, les données relatives aux besoins éducatifs particuliers. Vous avez déclaré que ces évolutions seraient précisées par un arrêté.

De nombreux collectifs se sont mobilisés contre la mise en place de Base élèves. Même si aujourd’hui, nous accueillons avec satisfaction l’annonce de la disparition d’un certain nombre de données sensibles, les aménagements prévus ne viennent pas en réponse à nos inquiétudes. Nous espérons donc que la question de la pertinence d’une base de données centralisée et partageable va enfin être posée et débattue ouvertement :

  • La création d’un fichier national, inutile au fonctionnement des écoles, ne protège pas le caractère confidentiel des données scolaires des élèves et de leurs familles (données qui restent nominatives jusqu’à l’échelon académique). Si Base élèves n’est qu’un outil de gestion statistique, utile pour la répartition des moyens sur le territoire, dans le cadre du service public, en quoi l’identité des élèves est-elle nécessaire ? Pourquoi faire perdurer ce numéro d’identification nationale pour chaque élève ?
  • Dans le cadre de la loi organique relative à la loi de finances (LOLF), Base élèves doit rendre compte avec exactitude du rapport entre les moyens utilisés et les résultats obtenus. Nous avons la certitude que cet outil sert à justifier les restrictions budgétaires, les fermetures de classes, et à évaluer les enseignants à distance.
  • Aucune modification de l’utilisation de Base élèves par les mairies n’est mentionnée. Certes l’absentéisme ne serait plus consigné, mais la loi de prévention de la délinquance du 7 mars 2007 et le décret du 15 février 2008 permettent toujours au Maire de partager les informations transmises par la CAF et l’inspection académique avec les professionnels de la santé, de l’action sociale, de la police et de la justice.
  • Base élèves, dont les champs peuvent être ajoutés ou supprimés, reste un instrument potentiel de contrôle de la politique des flux migratoires, de contrôle social, de traçage de l’enfant, etc.
  • Pourquoi des mesures équivalentes n’ont-elles pas été retenues pour SCONET, fichier du second degré qui a les mêmes objectifs ?

De plus, pour l’instant les académies n’ont reçu aucune consigne de votre part, mais certains Inspecteurs d’académie ont exigé des directeurs d’avoir terminé la saisie des données avant la date fixée. Par exemple, M. l’Inspecteur d’Académie des Bouches-du-Rhône écrit le 20/06/08 :

  • qu’il n’a pas à commenter vos déclarations ou celles de la CNIL,
  • qu’il ne dispose pas d’informations complémentaires,
  • que le déploiement de Base élève n’est plus dans une phase expérimentale,
  • que l’objectif est que toutes les écoles utilisent cette application à la rentrée 2009.

Il ajoute que l’utilisation de Base élèves est obligatoire, et que les directeurs sont tenus d’appliquer les consignes sous peine de sanctions. Plusieurs académies, dont celle de l’Aveyron, de la Drôme, de l’Isère, de l’Ille-et-Vilaine et des Yvelines, adoptent la même position répressive. Nous nous opposons fermement à cette obstination, alors même que les directeurs, ne connaissant pas le contenu exact du fichier, sont dans l’incapacité de collecter les données dans le respect de l’article 32 de la loi 78-17, alors que le fichier n’est toujours pas pleinement sécurisé, alors que de nombreux parents s’opposent à ce que leurs enfants figurent dans le fichier. Nous demandons donc le retrait des menaces et des sanctions prises à l’encontre des directeurs.

Nous vous demandons également de faire respecter le droit d’opposition des familles à figurer dans un fichier. Les Inspecteurs d’académie répondent aux parents qu’ils ne peuvent s’opposer au fait que l’école collecte et enregistre des informations relatives à leur enfant et nécessaires à sa scolarisation. Pour notre part, nous refusons catégoriquement que ces informations soient consignées dans Base élèves. Cette demande est d’autant plus justifiée que l’information des personnes ainsi fichées n’est pas assurée selon les dispositions légales citées ci-dessus.

Par ailleurs, si l’Education nationale a beaucoup communiqué sur les données retirées concernant la nationalité, elle n’a jamais communiqué sur les données ajoutées depuis juin 2007. Il s’agissait pourtant de données sensibles : 7 compétences de l’élève, mention du suivi des enfants en difficultés (PPRE) et du suivi des enfants handicapés (PPS). De même, aucune information n’a été faite sur la mise en place de l’accès par les Inspecteurs (IEN et IA) à toutes les données. Demain, des données et des destinataires peuvent être ajoutés sans que nous en soyons informés. La Commission Nationale Informatiques et Libertés elle-même n’a été informée de ces modifications que 8 mois après qu’elles avaient été réalisées.

La suppression de certains champs n’apaise donc pas nos craintes, ni ne répond à nos attentes. La création du fichier Edvige, le 1er juillet 2008, vient au contraire confirmer l’utilisation de l’école comme premier maillon du fichage de la population. Nous nous inquiétons également de la mise en place du dossier scolaire électronique, comportant le livret de compétences électronique via internet (B.O. de janvier 2007 et mars 2008), qui contiendra des informations par ailleurs supprimées de Base élèves.

Le développement de tous ces fichiers électroniques ne correspond ni aux missions fondamentales de l’éducation nationale, ni à l’idéal d’une société respectueuse des droits de l’enfant et des libertés individuelles. C’est pourquoi nous nous adressons à vous aujourd’hui pour vous demander :

  • l’arrêt immédiat du traitement « Base élèves 1er degré »,
  • la destruction de toutes les données déjà enregistrées dans la base,
  • le maintien d’un système de gestion informatique interne à chaque école, sans intrusion possible d’une autre administration, garantissant la sécurisation des données, la confidentialité des dossiers et une utilisation éthique des systèmes informatisés,
  • et enfin, en concertation avec tous les acteurs concernés, l’organisation d’un débat public sur le développement des fichiers informatiques.

Dans l’attente de réponses précises aux problèmes que nous avons abordés, recevez, Monsieur le Ministre de l’Education Nationale, nos plus sincères salutations citoyennes.

La coordination nationale des collectifs contre Base élèves

Coordination regroupant :
Collectif de l’Ain contre base élèves / Collectif Rouergat pour l’Abandon de Base Élèves (Aveyron) / Collectif Sud-Aveyronnais / Collectif Stop Fichage 13 / Correso (Ille-et-Vilaine) / Collectif Isérois pour le Retrait de Base Elèves / Collectif 64 non à base élèves (Pyrénées-Atlantiques) / Collectif du Tarn / Collectif du Tarn-et-Garonne


Réponse du Chef de cabinet du Ministre

Paris, le 31 juillet 2008

à Mesdames et Messieurs les représentants de la
Coordination nationale des collectifs contre Base élèves

Vous avez bien voulu appeler l’attention de Monsieur le Ministre de l’Education nationale sur les remarques des parents d’élèves relatives au système d’information « Base élèves 1er degré ».

L’application informatique « Base élèves 1er degré », réalisée par les services de l’Education nationale expérimentée depuis décembre 2004, est une aide à la gestion des élèves pour tous les acteurs locaux (directeurs d’école, mairies, inspections de circonscription et inspections académiques), qui peuvent ainsi partager en temps réel les informations nécessaires au fonctionnement du 1er degré sans ressaisie, ni perte de données.

Déclarée à la commission nationale informatique et libertés (CNIL) depuis le début de l’expérimentation et faisant l’objet échanges réguliers entre cette dernière et le ministère de l’Education nationale, cette application propose les mêmes fonctionnalités que l’application « Scolarité » utilisée par l’ensemble des établissements scolaires du second degré depuis le début des années 1990. D’ailleurs, conformément à la loi de 1978 informatique et libertés, tout parent d’élève peut demander communication du dossier complet le concernant.

L’accès aux données nominatives demeure réservé aux seuls acteurs locaux dans le cadre de leurs compétences respectives (exemples : une mairie ne peut consulter que les données administratives liées à l’inscription scolaire des élèves de la commune ; un directeur d’école n’accède qu’aux données de sa propre école).

Aux niveaux académique et national, cette application ne permet que de fournir des données anonymes nécessaires à la production statistique et au pilotage du système éducatif.

Par ailleurs, comme vous le savez, le Ministre a décidé fin 2007 de retirer de la liste des données saisies tout ce qui n’était pas strictement nécessaire à la gestion des effectifs des élèves par les services de l’Education nationale. Il a notamment veillé à ce que les données relatives à la nationalité ou à l’origine ethnique des élèves, de leurs parents ou de leurs responsables légaux ne figurent plus parmi les questionnaires.

Le Ministre souhaite aujourd’hui alléger le périmètre des données collectées : la nouvelle version de cet outil ne fera plus apparaître la profession et la catégorie sociale des parents, ni la situation familiale de l’élève, ni l’absentéisme signalé pas plus que les données relatives aux besoins éducatifs particuliers. Seules seront recensées les informations concernant les coordonnées de l’élève ainsi que celles du ou des responsables légaux de l’élève. En outre, les données relatives à la scolarité de l’élève ne porteront que sur des champs restreints, tels que les dates d’inscription, d’admission et de radiation, ainsi que la classe.

Un arrêté précisera ces évolutions.


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