les vœux de la LDH pour 2008 : retrouver la République


article de la rubrique laïcité > Sarkozy parle de religion
date de publication : lundi 14 janvier 2008
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Les voeux de la Ligue des droits de l’Homme sont précédés des voeux adressés, sous forme d’éditorial, par son président à l’intention des militants de la LDH.

[Mise en ligne le 3 janvier 08, l’éditorial de J.-P. Dubois ayant été ajouté le 14 janver 08]

Vie privée, vie publique, République et laïcité

un éditorial de Jean-Pierre Dubois, président de la LDH [1]

2007 s’est achevée dans un climat exaspérant pour les défenseurs des droits, de la citoyenneté et de la république laïque, démocratique et sociale que nous sommes.

Exaspérante, la vulgarité clinquante qui étale la fortune et les bonnes fortunes du monarque dans le style des pires feuilletons télévisés, jusqu’à retrouver le premier magistrat de la République à la une d’un de ces hebdomadaires qui semblent devoir servir de chroniqueurs du quinquennat. Au-delà d’une personnalité « décomplexée », la dégradation de la représentation politique se révèle crûment dans la mise en scène de cette dolce vita élyséenne.

Exaspérante et plus intolérable encore, cet autre mélange « vie privée, vie publique » qui installe des convictions religieuses personnelles au cœur de la représentation de la République. Le nouveau « chanoine de Latran », concédant que la laïcité est « un fait incontournable dans notre pays », partage « les souffrances que sa mise en œuvre a provoquées en France chez les catholiques, chez les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905 » et proclame que « la laïcité […] n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n’aurait pas dû […] Arracher la racine, c’est perdre la signification, c’est affaiblir le ciment de l’identité nationale, et dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont tant besoin de symboles de mémoire. »

Voici donc cette fameuse « identité nationale » éclairée par celui qui en a fait un objet de ministère : « la République a intérêt à ce qu’il existe […] une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini. Ensuite parce qu’une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité. »

Oui, vous avez bien lu : seules les croyances religieuses peuvent vacciner contre le fanatisme. On ne sait qu’admirer, de la lucidité du regard porté sur notre monde ou de la richesse de la réflexion sur le passé, pourtant facilitée par le lieu même où il s’exprimait, que révèle chez le « Président-chanoine » cette métaphysique fort peu républicaine.

Mais qui assurera l’imprégnation dans les consciences de cette « religion civile catholique » ?

« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. » Reste à indiquer à « l’instituteur » comment le « Président-chanoine » souhaite qu’il « s’approche » du pasteur et du curé ; on espère qu’il n’ira pas jusqu’à préconiser « la radicalité du sacrifice de sa vie », le suicide du martyr ne semblant pas avoir fait toutes ses preuves dans la lutte contre le fanatisme.

Il nous faut, dans notre critique des dégâts démocratiques de ce début de mandat présidentiel, prendre la mesure d’un brouillage des repères qui menace tous les aspects de la vie civique et de l’éthique républicaine. Cela suppose une réflexion approfondie sur les changements sociaux et culturels qui rendent la tâche à la fois plus difficile et plus indispensable. Les réflexions riches et nombreuses de nos derniers Congrès sur la laïcité en ce début de XXIème siècle nous y aideront.

Bonne année, « laïque, démocratique et sociale », à toutes et à tous…

Jean-Pierre Dubois

Les vœux de la LDH pour 2008 : retrouver la République

Paris, le 3 janvier 2008

En ce début d’année 2008, c’est d’abord aux instituteurs de la République que la Ligue des droits de l’Homme tient à adresser ses vœux les plus solidaires. A ces instituteurs que le Président de la République, inconscient des devoirs de sa charge, a insultés dans l’homélie qu’il a prononcée le 20 décembre dernier comme « chanoine du Latran ».

Selon Nicolas Sarkozy, « dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance ».

Le monde est plein de « fous de Dieu » qui, portés par une « espérance » délirante, poussent leur « engagement » jusqu’à « la radicalité du sacrifice de leur vie »… et de centaines d’autres vies innocentes. Le tout au nom de « la différence entre le bien et le mal » et de la purification des âmes.

Qu’en tant qu’individu Monsieur Sarkozy mette ces valeurs au pinacle n’est qu’un signe de plus de son ancrage, derrière l’agitation d’une communication « décomplexée », dans les valeurs les plus traditionalistes de la société française.

Mais qu’en tant que Président de la République française il mette le curé au-dessus de l’instituteur comme responsable de « la transmission des valeurs », qu’il ignore à ce point ce que sont précisément les valeurs de la République qu’il est censé représenter, témoigne de l’ampleur de la crise politique et morale qu’aggrave son exercice de la fonction présidentielle.

L’article 1er de la Constitution définit la République française comme « laïque, démocratique et sociale ».

« Laïque », elle refuse le mélange entre convictions religieuses et exercice des responsabilités politiques.

« Démocratique », elle refuse la concentration des pouvoirs entre les mains d’un « Président-Soleil » entouré de « collaborateurs » et de courtisans.

« Sociale », elle refuse la juxtaposition d’un « bouclier fiscal » pour les plus riches et de la régression du « bouclier social » pour les plus pauvres.

Ce n’est pas seulement dans les jets privés, les yachts et au « Fouquet’s » que s’étale le mépris des privilégiés pour cette fameuse « France qui se lève tôt ». C’est aussi dans le cynisme avec lequel sont foulées aux pieds, jour après jour, les valeurs républicaines.

La LDH salue donc d’abord, aujourd’hui, ces instituteurs qui, à ses yeux, restent les mieux à même de transmettre le respect des valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité et de solidarité. Et elle souhaite que 2008 donne à tous les Français plus d’occasions qu’en 2007 de retrouver, face au spectacle que donne la représentation politique, confiance en l’avenir de la République.

Notes

[1Ce texte est l’éditorial de Jean-Pierre Dubois, dans LDH Info, bulletin interne destiné aux militants de la LDH — n°172 de décembre 2007.


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