En mars dernier, les élections municipales ont été remportées à Cogolin par une liste Bleu Marine conduite par Marc-Etienne Lansade. Cet entrepreneur parisien de 40 ans, qui dit bien connaître l’endroit pour y passer tout son « temps libre », a été parachuté au début de l’année avec pour mission de déboulonner l’ancien maire, Jacques Sénéquier, qui se présentait pour la quatrième fois. [1]
Durant sa campagne, Lansade a lourdement insisté sur les thèmes les plus démagogiques du Front national, déclarant refuser « de voir cette ville s’islamiser et ressembler tous les jours un peu plus à une ville du Maghreb », et mettant en cause la construction d’une mosquée qui, selon lui, « constitue un vrai pôle d’attraction pour les islamistes ». En dehors de la question du « communautarisme », Marc-Etienne Lansade prévoit de revoir l’organisation de la police, recruter des policiers et augmenter le parc des caméras de surveillance – son premier adjoint est d’ailleurs policier municipal à Cannes.
Samedi 15 février, Marc-Etienne Lansade était à Cogolin pour lancer sa campagne, présenter son programme et la liste Cogolin Bleu Marine qu’il a conduite à la victoire. Marion Maréchal Le Pen était venue soutenir "un ami". Lansade a oublié de préciser qu’une de ses premières décisions serait d’augmenter ses frais de représentation, et son discours est resté centré sur les deux fantasmes de l’extrême droite [2] :
Et l’entrepreneur parisien d’interpeller son public : « Que ferez-vous lorsqu’il n’y aura plus RIEN dans cette ville ? Quand il n’y aura plus que des boucheries Hallal ? Des marchands de Kebbab ? Des vendeurs de Nikab ? Et des salons de thés unisexes ? »
Pour la sécurité, « c’est immédiatement que nous recruterons cinq policiers et deux ASVP. Patrick Garnier, policier à la retraite que vous connaissez tous, aura la lourde tâche de diriger la sécurité. Il est secondé par Jonathan Laurito et Patrick Claudel. En rétablissant le lien avec la gendarmerie nationale notamment. En créant un pôle d’accueil des victimes en mairie afin de suivre la réalité de la délinquance et d’en tirer les conséquences. Nous équiperons la ville de 40 caméras supplémentaires. »
Le financement sera assuré en rognant le budget social « au profit de celui de la sécurité. Parce que oui, je le dis et je le répète, la sécurité est la première des prérogatives et des obligations de l’Etat. Sans sécurité, il n’y a rien ».
Le nouveau maire de Cogolin n’a « jamais rêvé de faire de la politique » . Il prendra ses fonctions samedi matin.
Il ne lui aura fallu que deux années d’engagement en politique pour prendre le pouvoir à Cogolin. Marc-Etienne Lansade est un homme pressé.
Dix-huit mois de présence en terres cogolinoises plus tard, il est parvenu à rallier 2664 habitants à sa cause. Celle du "Rassemblement Bleu Marine", dont il incarne la nouvelle génération d’élus.
Mais qui est vraiment Marc-Etienne Lansade ? "Je vais m’installer définitivement à Cogolin pour me consacrer à ma nouvelle fonction." Sa phrase, prononcée après son succès électoral, a intrigué.
Jusqu’ici établi dans la région parisienne, il est d’abord un homme d’affaires de 40 ans. Qui va tenter de devenir un homme politique à part entière. Lundi matin, il ne se souvenait plus du nombre de conseillers communautaires dont la cité allait bénéficier...
Le déclic François Hollande
Chef d’entreprise immobilière depuis quinze ans, il a mis entre parenthèses sa carrière pour s’engager en politique. Le déclic surgit après l’élection de François Hollande : "Je n’ai jamais rêvé de faire de la politique. Mais j’en avais assez de râler devant ma télé."
Il s’oriente vers le mouvement frontiste. Naturellement. Fort de ses liens avec la famille Le Pen, rencontrée en 2007 dans le cadre de la vente du fameux "Paquebot " de Saint-Cloud (l’ex-siège national du parti, Ndlr). On le dit très proche de Marion Maréchal-Le Pen, venue le soutenir à un meeting le 15 février : "Elle m’a appelée pour me féliciter."
Si le parachute de Marc-Etienne Lansade s’est posé sur Cogolin, ce n’est pas un hasard. Le boss du FN dans le Var Frédéric Boccaletti lui a glissé l’idée. "Je connais très bien le golfe. Je passais toutes mes vacances à Cavalaire, rappelle M.Lansade. Mon père y est inhumé. Il collectionnait même les pipes de Cogolin." Sa première apparition publique avait détoné. Nous sommes le 28 février 2013. En pleine séance du conseil municipal, un inconnu s’assoit aux côtés des élus, avant d’en être logiquement écarté. Son nom est Marc-Etienne Lansade. "C’était un coup : je voulais qu’on parle de moi. Ça a fonctionné."
À la recherche... d’un appartement
Sa conquête du pouvoir peut alors débuter. Au volant d’une Porsche, "prêtée par un ami", il ne passe pas inaperçu. Chaque jour, il multiplie les rencontres sur le terrain. Sur Internet, il alimente sans cesse son site. "Je n’étais pas spécialement parti pour être tête de liste, assure-t-il. Mais on dit que je suis un meneur d’hommes..." Dimanche soir, les Cogolinois l’ont propulsé aux commandes. "Je serai un maire à plein-temps. Mais un peu plus tard, je chercherai un travail en parallèle, dans le domaine de la communication. Sûrement pas à Cogolin : je n’aime pas les conflits d’intérêts."
En attendant de s’asseoir pour la première fois dans le fauteuil de maire samedi, il recherche activement un...appartement. "Le bail de ma location actuelle s’achève à la fin du mois." Harcelé par les télés, il assure qu’il ne répondra à "aucune sollicitation" : "Je n’ai pas le temps. Ma priorité est de remettre la ville en marche."
Répression de la liberté d’expression des jeunes
Suite à l’élection d’un maire FN dans leur commune, de jeunes Cogolinois ont tenté d’exprimer publiquement leur déception en exhibant une affiche et des pancartes lors du corso fleuri du 6 avril dernier. Tentative d’expression d’opinion vite réprimée après seulement 10 minutes de présence au carrefour de la Poste comme l’explique l’un d’eux : « Nous voulions défiler en fin de cortège mais des gendarmes en tenue d’intervention sont arrivés dans leurs véhicules, Vêtus de gilets pare-balles et de pantalons noirs... ils nous ont dit que c’était une fête provençale, qu’il fallait être démocratique et qu’on n’avait pas à être là.. » Le groupe promet que ces pancartes qu’on leur a prestement demandé de ranger resserviront prochainement. « J’ai fait ça pour sensibiliser la population, montrer que ce n’était pas le bon choix car la jeunesse cogolinoise va faner », explique l’un des jeunes.
R. S., La Marseillaise du 25 avril 2014
[1] Référence : http://www.meridienmag.fr/Actualites/Le-Fil-politique-Cogolin-sous-la-loupe_1410.html
[2] L’intégralité du discours de Marc-Etienne Lansade : http://www.cogolin2014.fr/2014/03/1....