les deux prisons de Toulon


article de la rubrique prisons > Toulon - La Farlède
date de publication : mercredi 9 juin 2004
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Jusqu’au printemps 2004, Toulon comportait un seul établissement pénitentiaire : la Maison d’Arrêt Saint Roch. Dans la nuit du 27 au 28 juin 2004, ses 350 détenus ont été transférés vers le nouveau centre pénitentiaire [1] de La Farlède, à quelques kilomètres de Toulon. La maison d’arrêt de Toulon, insalubre et surpeuplée, pourrait être transformée en centre de semi-liberté pour des détenus en fin de peine.


Le centre pénitentiaire de Toulon - La Farlède

Etendu sur 12 hectares sur la commune de La Farlède, le nouvel établissement est présenté comme une « prison à visage humain » pouvant accueillir 600 détenus. D’un coût de 60 millions d’euros, La Farlède est dotée de cellules individuelles avec douche, de petits jardins, d’un terrain de foot, un gymnase, une bibliothèque et une salle pour les enfants pendant les parloirs.

En forme de carré, le centre pénitentiaire comprend un centre de détention (pour les condamnés et les personnes soumises au régime de la semi-liberté) soit 200 places. Deux autres bâtiments accueillent 380 détenus dans le quartier dit de la maison d’arrêt « ouvert » aux prévenus (détention provisoire) et aux personnes condamnées à de petites peines. Plus éloigné, se trouve le quartier des mineurs dont la capacité est de 20 places. Enfin, ce centre dispose d’un quartier pour l’isolement (et les mesures disciplinaires) d’une capacité de 20 places.

Une maison d’accueil pour les familles de détenus (venant souvent de loin pour les visites) a également été prévu. S’agissant du personnel, le centre de La Farlède dispose de 217 agents de surveillance, 22 pour l’administratif, un agent technique, 7 agents d’insertion et 3 responsables de direction.

La sécurité repose notamment sur quelque 105 caméras de surveillance, un mur d’enceinte bétonné de six mètres de haut et deux miradors.

Une présentation plus détaillée du centre pénitentiaire a été faite lors de son inauguration, le 20 avril 2004


la Maison d’Arrêt Saint-Roch

Cette prison était réputée pour sa vétusté et sa surpopulation. Elle date de 1927. Dans son rapport publié en 2000, la commission sénatoriale l’avait considérée comme un établissement vétuste, mais “ familial ” (on appréciera l’humour) : “ La cuisine de la maison d’arrêt de Toulon est sordide, les murs sont gorgés d’humidité et s’effritent lentement. Si les couloirs sont bien entretenus et repeints, les cellules sont en piteux état. Leur rénovation est entravée par la surpopulation qui ne permet pas de vider certaines cellules pour les repeindre. ” Les parloirs (12 au total) étaient qualifiés de sordides.

La MA Saint-Roch était surpeuplée : en février 2003, d’après le syndicat UGSP CGT, 360 détenus adultes y étaient hébergés pour 144 places, et 20 détenus mineurs pour 15 places. A la mi-novembre 2003 le nombre de détenus était de 365.

À la suite de la visite qu’il y avait effectuée en juin 2003, le Comité européen de prévention de la torture avait désigné la France comme un pays où les conditions de détention s’apparentent parfois à "un traitement inhumain et dégradant". Dans son rapport, rendu public en janvier 2004, il écrivait : les détenus dorment sur des matelas posés à même le sol, les cellules sont "délabrées et mal entretenues". Bien sûr, étant donné le ratio surveillants/détenus, il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de prendre des douches, qui doivent être accompagnées. Quant aux parloirs, ils sont écourtés et parfois supprimés. Sans parler de la "pauvreté" des programmes d’ateliers ou de travail qui relèguent l’immense majorité des prisonniers dans l’oisiveté totale. Unanimes, les détenus et les surveillants ont raconté au CPT ce qu’entraînait cette promiscuité forcée : "la tension croissante dans les relations" tant entre détenus et surveillants qu’entre codétenus.

l’ancienne maison d’arrêt Saint-Roch à Toulon

Entre surpopulation et indigence

Visiteur de prison à Toulon, Jean-Paul Labouret décrit le quotidien des détenus à Saint-Roch :

" La surpopulation à la maison d’arrêt, ce sont deux à trois personnes dans un espace réduit avec deux lits superposés, une table, des chaises, des toilettes au milieu, parfois un matelas par terre mis le soir, et des sorties deux heures par jour. On ne peut pas s’étonner de la violence de certains actes, voire de viols, dans ces conditions même s’ils ne sont pas courants. C’est aussi au moins 20% des détenus qui devraient être placés dans un établissement psychiatrique spécialisé. Ceux-là ont-ils leur place dans une prison ? Comme dans toutes les prisons de France, on peut dire qu’un quart des détenus sont indigents - avec zéro pour vivre. Nous demandons juste le minimum. Certains n’ont même pas de shampooing, même si une trousse de toilette est distribuée à l’entrée, et encore pas à tout le monde ". Quant à l’état de vétusté, il parle " de la chasse d’eau des toilettes qui ne fonctionne plus dans le parloir des familles ". Et pourtant, " on ne peut pas dire que l’ administration ne fasse pas un effort, elle n’a juste pas les moyens ". [2]

Dignité

Le secrétaire régional CGT Pénitentiaire, Paul Adjedj :

" Ce n’est pas avec la politique du tout le monde en taule que l’on va régler le problème. Et la situation n’est pas prêt de s’arranger. En ce moment, n ’importe qui entre en prison ; pas les parrains de la mafia, mais ce que l’on appelle le menu fretin. On fait du chiffre. Depuis deux ans, de plus en plus de jeunes adultes sont entassés dans des cellules de 9 m2, à deux ou trois, un matelas par terre. Comment peut-on dans ces conditions d’enfermement réconcilier ces jeunes avec la justice ? On oublie que la prison est une privation de la liberté mais pas de la dignité ".

Toujours selon le syndicaliste, ce n’est pas la future prison de La Farlède (qui doit ouvrir ses portes à la fin du premier semestre 2004) qui résoudra le problème de surpopulation : " La politique de toujours plus de places ne mène à rien. C’est une véritable politique volontariste de peines alternatives qu’il faudrait ". [3]

Notes

[1Une maison d’arrêt accueille les prévenus (détenus dans l’attente d’un jugement définitif, présumés innocents) et les courtes peines ; ils ont droit de sortir de leur cellule 2h par jour, de faire du sport et un peu de travail ; un centre de détention est réservé aux condamnés.

[2Propos recueillis par G. de Saint Vulfran, la Marseillaise, jeudi 29 janvier 2004.

[3id.


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