les deux premiers prix du concours des lettres pour la fraternité


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date de publication : vendredi 11 juin 2004
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Le premier prix du concours national des lettres pour la fraternité a été attribué ex-aequo à deux élèves du lycée Bonaparte de Toulon : Émilie Mansion et Élodie Dénécheau.


Cher Père Noël,

Je m’appelle Coralie et j’ai 8 ans. Je t’écris (maman m’a un peu aidé pour la présentation) pour te donner ma
liste de Noël. Ce sera plus pratique pour toi car je sais que tu as beaucoup d’enfants à aller voir.

Cette année j’ai été très sage, je n’ai pas embêté papa et maman, ni pris le portable de Séverine pour le mettre à
l’eau.

Á l’école je n’ai que des bonnes notes. Tu vois Père Noël, cette année je ne veux que deux choses, s’il te plaît.

Depuis la rentrée, il y a dans ma classe un garçon qui s’appelle Xavier Dubois et il est bizarre.

Personne ne lui parle, personne ne joue avec lui, personne ne veut être son copain. Alors parfois il est triste et
moi je n’aime pas quand il est très triste. Juste parce qu’il ne voit pas. Alors souvent il se cogne dans la porte ou
les murs. Un jour les pompiers l’ont emmené.

J’ai demandé à la maîtresse pourquoi personne ne veut être son copain, alors elle m’a dit qu’il était han-di-ca-pé.
Mais je n’ai pas plus compris.

Maman a dit qu’un handicap c’est une infirmité ou un désavantage, physique ou mental qui donne parfois aux
autres l’impression d’être supérieur. Elle a aussi ajouté qu’il faut l’aider et surtout ne pas se moquer de lui.

Mais des fois il est trop drôle, un jour il a laissé tomber sa canne et quand Julien l’a pris pour l’embêter, il a
réussi à la reprendre en lui faisant un croche-patte.

C’est bizarre pour quelqu’un qui n’y voit rien.
En fait, je lui ai parlé un jour, pendant que la maîtresse donnait les devoirs. Il m’a raconté une blague trop drôle :
« C’est un Schtroumpf qui va dans la forêt, il tombe et il se fait un bleu ». Trop drôle ? Non ?

Alors voilà Père Noël, j’aimerais que Xavier ne soit plus aveugle ; comme ça on pourra jouer tous les deux à des
jeux que les enfants qui voient peuvent jouer !

Et puis il y aura plein de copains, et on se mariera et on aura plein d’enfants.

En deuxième j’aimerais beaucoup que Julien arrête d’embêter Xavier. Après la maîtresse nous gronde.

Voilà Père Noël, c’est tout ce que je veux à Noël, sauf s’il te reste une Barbie bulle enchantée.

Merci.

Bisous,

Coralie

par Élodie Dénécheau, Lycée Bonaparte, Toulon


Monsieur le Directeur,

J’ai dix-huit ans, je suis un de vos patients depuis maintenant près de trois ans. Si je suis ici c’est à cause d’un
accident de scooter. Au début, les médecins pensaient que je pouvais m’en sortir, mais après trois opérations
ratées mes chances de guérison sont nulles.

Je ne peux ni parler, ni bouger et dans une ou deux semaines, je perdrai l’usage de mes oreilles. Dans environ un
mois je ne verrai plus rien ...

Je ne supporte pas l’idée de devoir vivre ici le restant de mes jours, sans parler, sans entendre, sans voir, sans
bouger,... sans vivre...

Ma mère me rend visite quotidiennement avec mes frères et sœurs. Elle reste près de moi toute la journée, ne
sortant que pour aller chercher le reste de la famille à l’école. Elle ne travaille plus, elle ne vit plus.

J’accepterais de vivre ainsi, si elle n’était pas là avec mes frères, mais je la vois tous les jours, pleurant à mon
chevet ; elle souffre encore plus que moi. Je me serais suicidé depuis bien longtemps si je n’étais pas dans
l’incapacité de bouger ...

Je pense que vous comprenez où je veux en venir ! Je sais très bien qu’en France l’euthanasie est interdite ! Mais
voilà, moi je souffre, mes frères et sœurs aussi, et surtout ma mère ...

Je sais que vous me comprenez. Laisser une personne vivre ainsi n’est pas humain. Quand je pense que nous
vivons dans le pays des droits de l’Homme ...

J’ai perdu toute dignité, je ne désire plus me battre. Á quoi bon ? Pour reculer ma lente agonie ? Merci bien. Petit
je voulais faire vétérinaire, ce qui me plaisait dans ce métier, c’était le désir de ne pas faire souffrir l’animal. Si
elle souffrait, on la tuait ...

Et moi, on va me laisser souffrir, on va laisser ma famille venir me voir tous les jours dans cette chambre
lugubre... on va laisser mes frères et sœurs passer leur temps libre ici, à voir leur grand frère qui, lui, ne pourra
ni les voir, ni les entendre, ni les toucher, pas même leur parler... ils passeront leurs soirées à consoler leur mère
qui pleurera après avoir vu son fils aîné, dont elle était si fière, plus mort que vivant ...

C’est un triste tableau que je viens de vous peindre, n’est-ce pas ? Et j’espère ne jamais le voir devenir réalité (si
je puis dire !...)

En aucun cas je ne voudrais de votre pitié, je veux seulement que l’on respecte mon choix, ma famille n’est pas
d’accord bien sûr, mais je m’en moque. C’est ma vie, ils comprendront plus tard ...

On dit qu’un homme a toujours le choix, qu’il est maître de son destin, que personne ne peut décider pour lui.

Moi, je n’ai plus le choix, je dois mourir, la loi décide à ma place et vous êtes maître de mon destin. En clair
deux solutions s’offrent à vous : soit vous me laissez vivre ainsi dans le néant, soit vous m’aidez ...

En espérant vous rencontrer très bientôt,

M. Martin

par Émilie Mansion, Lycée Bonaparte, Toulon


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