Le 25 mai 2006, Toulon a été le cadre d’une cérémonie insolite : la commémoration du départ en 1830 de l’expédition d’Alger, à l’appel d’une douzaine d’associations nostalgériques.
Nous en reproduisons deux témoignages. Les déclarations du second, émanant d’un pied-noir natif de Tlemcen, de passage à Toulon, confirment que les "rapatriés d’Algérie" ne sont pas tous nostalgériques.
Les associations de rapatriés proches de l’extrême droite, agissent comme un groupe de pression auprès des responsables politiques afin d’obtenir des avantages en échange de leur soutien. Leur force est de laisser croire qu’elles sont délégataires de toute une communauté prête à les suivre, alors qu’elles ne représentent qu’une petite minorité des rapatriés.
Comme l’exprime Guy Pervillé : « Sachant que les militants de l’ensemble des associations “pied-noires” ne rassemblent qu’une minorité des rapatriés, on doit s’interroger sur leur représentativité, et sur la réalité de la “communauté” qu’elles prétendent représenter. »
[1]
La cérémonie du 25 mai 2006 à Toulon était une première. Jamais la stèle des plages du Mourillon n’avait fait l’objet de commémoration particulière.
De quoi s’agissait-il ?
Près de deux cents personnes ont répondu. Des militants frontistes sont là, nombreux, de petits écussons à la flamme tricolore à la boutonnière ; Philippe de Beauregard, conseiller régional hyérois récemment exclu du FN, serre des mains. Les jeunes du MNR sont plus visibles ; cheveux courts, tee-shirts et blousons, ils portent ostensiblement un brassard bleu-blanc-rouge ou un autocollant avec le dessin d’une feuille de chêne.
Sylvain Naviaux, avocat au barreau de Toulon, porte-parole du collectif à l’initiative du rassemblement, prend le micro pour en souligner le caractère associatif et non politique. Message adressé directement aux mégrétistes qui ne passent pas vraiment inaperçus dans le paysage - mais, hors micro, il ira les remercier d’être venus.
Michel Lagrot, animateur bien connu du Comité Vigilance et Riposte du Cercle algérianiste de Hyères lui succède. Il veut « ressusciter les oubliés de l’Histoire, des gens dont on ne parle jamais. » Selon lui, « il n’existe que deux livres sur l’esclavage barbaresque, et encore, ils sont signés d’historiens anglais ; aucun Français n’a réussi à trouver d’éditeur. » Après avoir rappelé que « le code noir dont on nous dit tant de mal [...] définissait aussi les devoirs des maîtres envers leurs esclaves. », il rend hommage à Charles X pour avoir « supprimé l’esclavage en Algérie par la seule présence française, presque 20 ans en avance sur l’abolition de l’esclavage en France. »
Le message le plus radical viendra de Jean-Pierre Papadacci, représentant Jean-Pierre Collin, président de l’Adimad. Sa harangue est entrecoupée de vigoureux applaudissements : « Nous sommes fiers de notre présence en Algérie. Pendant 130 ans la paix a régné sur l’Algérie et la présence française fut globalement positive. » ... « Aujourd’hui, l’hexagone est envahi par des allogènes ! » ...
« Le devoir de mémoire, ils nous en rebattent les oreilles, nous préférons la mémoire de nos devoirs. Nous préférons rester fidèles au sacrifice de nos anciens et fidèles à l’Empire colonial français... »
Il termine par un viril « Nom de Dieu ! Vive la coloniale ! » et adresse à l’assistance son « cordial salut nationaliste ».
Deux personnages de haute noblesse sont venus honorer Charles X : Joseph Hattab Pacha, arrière petit-fils du dernier Dey d’Alger [2], et Son Altesse Royale le Prince Sixte-Henri de Bourbon-Parme, descendant de Charles X lui-même [3]. Le pacha et le prince déposent une gerbe tandis que le chant des Africains est entonné avec ferveur (les anciens chantent à voix haute et claire, mais la jeune génération ne connaît pas les paroles) [4].
Une femme d’une soixantaine d’années, en a les larmes aux yeux : « Vraiment, je ne suis pas royaliste, mais la présence du descendant de Charles X, devant la stèle, ça me fait chaud au coeur. »
Ressent-elle de la rancœur face au passé ? « De la rancoeur ? s’écrit-elle, de la haine, oui ! »
« Le seul, le seul qui nous a défendu, dit-elle, c’est Jean-Marie Le Pen, venu se battre en Algérie. »
« Jean-Marie » reprend elle, « c’est mon père, mon enfant, mon amant, mon mari. » Son mari, à ses côtés, approuve en silence. « Je voudrais que les traîtres connaissent la potence et le bruit des balles. »
1830 - 25 mai - 2006
Entonnant l’hymne des Africains [4] ... Marseillaise des pieds-noirs, déçus de la France républicaine, nostalgiques de l’étendard aux fleurs de lys sur fond bleu, ils sont là, une grosse centaine.
Moi-même pied-noir de Gascogne, nostalgique de mon pays natal, des odeurs, des sites, de la vie tout simplement dans laquelle j’ai vécu mon enfance, profondément républicain, de passage à Toulon, je me promène sur les plages du Mourillon, et je découvre la stèle érigée à la mémoire du départ, le 25 mai 1830, d’une véritable armada constituée sur la volonté du Roi Charles X de quelques 600 navires (dont une grosse centaine de la Marine de Guerre) embarquant à leurs bords un corps expéditionnaire de plusieurs dizaines de milliers d’hommes avec armement et matériel.
En ce 25 mai 2006, en fin d’après midi, ils sont là pour commémorer en quelques discours et un dépôt de gerbe, à la demande de l’Adimad, regroupant les anciens de l’OAS et quelques autres affidés. Devoir de mémoire exercé en forme de rassemblement associatif, apolitique, où le « comité d’accueil et de surveillance » arborant ses muscles, porte très ostensiblement le brassard « MNR Mégret ». Mécontentement apparent seulement des organisateurs qui le précisent à la tribune, mais qui sitôt la cérémonie terminée vont discrètement approuver la présence remarquée de cette « brigade du tigre frontiste » qui s’étaient positionnée visiblement pour faire taire quelques timides voix chahuteuses de mineures maghrébines, mais aussi bien françaises. Présentes sur la plage en maillots de bains, ces jeunes filles furent d’ailleurs remarquées par l’un des plus âgés de ces vaillants fidèles du devoir, qui n’hésita pas à les photographier malgré leur désaccord, en leur expliquant qu’elles n’avaient pas que des droits mais aussi des devoirs : belle leçon de morale ...
Car le discours, lui aussi, est bien politique, dès l’introduction historique où l’on n’apprend rien de plus que ce qui est inscrit sur la dalle : la volonté du Bon Roi de France de libérer les quelques milliers de chrétiens esclaves des barbaresques. [...]
En réalité, le corps expéditionnaire ne s’est pas limité à sa mission première après avoir fait tomber Alger. Afin de « remettre en selle » un gouvernement français en proie à quelques difficultés internes, on entreprend bel et bien la pacification et la colonisation de ce Maghreb : occidentalisation de ces barbares, évangélisation, alphabétisation, etc... Une période de 130 ans plusieurs fois chaotique, durement réprimée, jusqu’à cette Guerre de 7 ans qui ne voulait pas dire son nom, et qui fit de trop nombreuses victimes dans les deux camps. Européens et Maghrébins, tous en Algérie, tous bien français, mais pas toujours égaux, sauf dans le sacrifice de leur vie au nom de la Patrie. Il fallut partir, mais personne ne s’en trouva grandi, et quarante ans après certaines plaies ne sont toujours pas cicatrisées.
Au final, rien ne sert de vouloir s’occuper des autres s’ils ne le souhaitent, c’est toute la question de l’ingérence.
Coïncidence : le surlendemain, le Jury du 59ème Festival du Cinéma de Cannes prime un film où les fameux Africains (les vrais, ceux là...) revinrent de la Guerre au son de LEUR CHANT, après s’être battus pour leur Patrie, la France [4].
B. P., Gascon de Tlemcen... en promenade au Mourillon.
[1] Voir Guy Pervillé, http://guy.perville.free.fr/spip/ar....
On pourra lire également, sur ce site, un texte d’Eric Savarèse : article 808.
[2] Joseph Hattab-Pacha est président du comité Véritas, membre actif du "lobby pied-noir". [Note de LDH-Toulon]
[3] Parmi les déclarations récentes de Sixte-Henri de Bourbon-Parme, relevons : « L’islam est en train de démontrer à la République que la laïcité, cette idéologie froide et sans contenu, ne constitue pas le ciment social puissant dont la France a besoin. Parce que je n’ai jamais renié mon héritage - celui des rois très chrétiens qui en dix siècles ont fait la France, - je suis heureux de venir dire à cette journée que si la France n’est pas prioritairement chrétienne, elle n’est rien. » (Nouvelle revue Certitudes n°16)
S. A. R. Sixte-Henri de Bourbon-Parme hébergera l’université d’été d’Action française en son château de Lignières, du 17 au 28 août 2006. [Note de LDH-Toulon]
[4] Voir article 1353.