les collégiens et les lycéens pourront voir le film 4 mois, 3 semaines, 2 jours


article communiqué de la LDH  de la rubrique libertés > liberté de création
date de publication : jeudi 26 juillet 2007
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Le ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos, a mis fin mercredi 25 juillet, à la polémique qui entoure l’édition DVD du film 4 mois, 3 semaines et 2 jours, Palme d’or du Festival de Cannes 2007. Classé "tous publics", mardi, par la Commission de classification des oeuvres cinématographiques, le long métrage du Roumain Cristian Mungiu, traitant des conditions d’avortement dans la Roumanie de Ceausescu, pourra être diffusé dans les milieux scolaires et visionné par les collègiens et les lycéens. Edité à 1 500 exemplaires par les centres nationaux de documentation pédagogique, il sera néanmoins accompagné d’un avertissement aux jeunes spectateurs et d’un document pédagogique à destination des professeurs.

Dans un premier temps, le ministre avait souhaité interdire la diffusion du film aux élèves des lycées et collèges, paraissant ainsi, bien qu’il s’en soit défendu, céder à la pression de l’association anti-avortement "Choisir la vie" qui avait déclaré son « opposition ferme à voir diffuser un tel film dans les établissements scolaires français ».


L’Observatoire de la liberté d’expression en matière de création de la LDH écrit au Ministre de l’Education nationale

Paris, le 9 juillet 2007

Monsieur le Ministre,

Nous avons pris connaissance avec stupeur de votre décision de censurer le travail pédagogique d’accompagnement du film 4 mois, 3 semaines, 2 jours, prix de l’Education, de la critique internationale et Palme d’Or au festival de Cannes 2007. L’idée de censurer la réalisation d’un DVD permettant un travail sur le film, produit et diffusé dans les classes, nous semble incompréhensible, et ce d’autant qu’elle n’a été portée dans la société civile que par une association anti-avortement, Choisir la vie.

Si ce film touche à des sujets aussi importants que la dictature (qui règne par l’interdit et notamment par la censure) et l’avortement, est-il vraiment pertinent de ne pas saisir l’occasion d’un travail pédagogique autour de ces questions avec les élèves de lycée alors que ce film a été choisi par un jury ad hoc, et qu’il est soutenu par l’Inspection générale de l’Education nationale ? Par votre voix, la France donne-t-elle un bel exemple démocratique à une nation qui est sortie d’un régime de fer pour rejoindre récemment l’Union européenne ?

Nous vous demandons de revenir purement et simplement sur cette décision, comme la Société des Réalisateurs de Films, dont nous appuyons la démarche.

Nous ne nous satisfaisons pas de la simple « suspension » de votre décision que vous avez rendue publique samedi. Concernant l’avis de la commission de classification des films, qui est de toutes façons obligatoire pour la sortie salle, nous vous rappelons que le film Elephant de Gus Van Sant, évocation d’une tuerie dans un lycée américain, Palme d’Or à Cannes en 2003, et ayant bénéficié du travail pédagogique que pour le moment vous refusez à 4 mois, 3 semaines, 2 jours, avait fait l’objet d’une interdiction en salle aux moins de 12 ans.

Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.

Agnès Tricoire
Déléguée de l’Observatoire

Le sort incertain de la Palme d’or dans les lycées

par Jean-Luc Douin, Le Monde daté du 10 juillet 2007

Le ministre de l’éducation, Xavier Darcos, a décidé, samedi 7 juillet, de « suspendre » sa décision initiale de ne pas diffuser dans les lycées le film 4 mois, 3 semaines, 2 jours, du Roumain Christian Mungiu, Palme d’or au Festival de Cannes 2007. Ce film, histoire d’un avortement clandestin dans la Roumanie de Ceausescu, a obtenu le Prix de l’éducation nationale et devait faire l’objet d’une édition DVD accompagnée d’outils pédagogiques.

M. Darcos avait d’abord fait savoir, vendredi 6, que le ministère ne financerait pas ce matériel. Le ministre avait été alerté par des associations comme Choisir la vie, qui dénonce la « propagande pro-avortement » du film. « Le ministre a constaté la grande dureté du film, sur un sujet qui touche à l’intime, expliquait-on à son cabinet. Des élèves auraient pu être choqués. Nous appliquons un principe de précaution. » L’entourage du ministre assurait que le sujet de l’avortement n’était « en rien » à l’origine de sa première décision.

Créé en 2003 par Christine Juppé-Leblond, inspectrice générale chargée du cinéma et de l’audiovisuel, le Prix de l’éducation nationale récompense un film pour ses qualités artistiques, sa dimension culturelle et sociale et son potentiel éducatif. Le prix est décerné par un jury composé en partie d’enseignants et encadré par un comité de pilotage formé de représentants de l’éducation nationale.

Le film primé devient « l’une des références pédagogiques en matière d’éducation au cinéma ». Mme Juppé-Leblond s’engage à ce qu’il soit « visible par les élèves » et qu’il ne suscite pas de scandale « du point de vue du sexe, de la violence, de la négation de l’homme ». Elephant, de Gus Van Sant, a reçu le premier prix en 2003.

Pour Mme Juppé-Leblond, 4 mois, 3 semaines, 2 jours « ne présente aucun risque pour le public adolescent : loin d’être incitatif, il dénonce ; loin d’être complaisant, il affronte. C’est un film utile qui informe sur les réalités de l’avortement et invite à la prise de conscience. Le sujet peut et doit être abordé sans détour et sans hypocrisie. Les médecins et infirmières scolaires le savent bien ». La Société des réalisateurs de films avait protesté contre la décision première du ministre. Le film sort en salles le 29 août.

Jean-Luc Douin

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