Après avoir vu supprimer 900 postes ces dernières années en France, les caisses d’allocations familiales (CAF) sont confrontées à la complexité de la mise en oeuvre du Revenu de solidarité active (RSA) sans avoir les moyens suffisants.
Fin 2008, 26 000 agents participaient dans les Caf à la gestion des prestations familiales de près de 11 millions d’allocataires. On évalue à 2,2 millions le nombre d’allocataires supplémentaires attendus avec le RSA qui sera versé à partir de juillet.
La Marseillaise a consacré un dossier à ces problèmes dans son édition du 9 avril 2009. Nous le reprenons en partie ci-dessous.
Censé résoudre les besoins immédiats des ménages les plus en difficultés, le RSA (revenu de solidarité active) qui se substitue au RMI et à l’allocation de parent isolé (API) va-t-il bloquer tout le système d’aide aux familles via les caisses d’allocations animales (CAF) ?
C’est la crainte des associations d’allocataires, des syndicats, voire des directions départementales qui témoignent de l’engorgement sans fin de leurs services.
En ces temps de crise où les familles ne cessent de solliciter les CAF pour faire valoir leurs droits, la situation fait désordre. En cause, non seulement la constitution de plus d’un million de dossiers de RSA – pour ne parler que des seuls transferts entre RMI et RSA – mais aussi la création concomitante d’une nouvelle technique d’échange et de récupération des fichiers de ressources avec les centres des impôts.
Augmentation des charges de travail et baisse des moyens
A cela se rajoute l’accroissement significatif du nombre d’allocataires dans les permanences – réclamations, demande d’explications... – et du nombre de familles qui viennent se renseigner sur leurs droits éventuels ou requérir une aide d’urgence.
Une situation qui intervient après un début d’année où des milliers de dossiers ont pris du retard en raison des déboires des logiciels informatiques liés aux échanges de données avec les impôts.
Au final, une situation totalement explosive partout en France, même si certains départements connaissent des conjonctures moins dramatiques.
Du côté des personnels et représentants des CAF, si l’on considère que les quelque 1250 agents annoncés en renfort – temporaire – étaient totalement indispensables pour ne pas en arriver à la paralysie totale des services, les responsables mettent en avant que le compte n’y est pas. Au niveau national le président de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) avait récemment réclamé quelque 2000 embauches.
Il est vrai que les syndicats soulignent que non seulement la gestion du RSA (avec des ajustements de revenus mensuels au lieu des contrôles trimestriels pour le RMI actuel) justifierait de pérenniser dans le temps près de 2000 emplois nouveaux, mais à condition que les 900 suppressions de postes intervenues ces dernières années soient réintégrées. Ces suppressions de postes liées à des départs en retraite non remplacés sont la conséquence d’une décision inscrite dans la convention d’objectifs et de gestion (COG) dont l’Etat a exigé la mise en oeuvre auprès de la CNAF pour les années 2005-2008. Aujourd’hui, les embauches de 1250 agents inscrites dans la COG 2009-2012 ne sont que temporaires, histoire selon le gouvernement, de faire face aux 2,2 millions de nouveaux allocataires liés au RSA. Et encore, cette estimation gouvernementale ne prend en compte que les besoins d’avant la crise... Car, une chose est sûre, la convention imposée à la CNAF prévoit que l’excédent d’effectifs national ne dépasse pas 80 postes à l’horizon 2012. Ce qui signifie que les dégraissages par non-remplacement des départs en retraite devraient reprendre sitôt le cap sensible du démarrage du RSA dépassé.
Une situation au détriment des familles
Pour l’heure, avec des départements qui connaissent l’arrivée de 2 à 3000 nouveaux dossiers quotidiennement, certaines CAF ont dû se résoudre à fermer leurs guichets pour tenter de résorber partiellement des retards qui pouvant dépasser les 150 000 dossiers dans les plus gros départements. Et cela, malheureusement, au détriment des familles. Un comble pour les CAF qui ont justement pour mission de soutenir et accompagner les plus modeste.
En maintenant de telles orientations, le gouvernement prend la responsabilité de mettre en péril un édifice apprécié par les populations et indispensable à celles et ceux en situation de grande précarité.
Marseille - 30 embauches arrachées par une grève
Le personnel de la Caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône vient d’obtenir 30 embauches immédiates.
Un succès intervenu après une semaine de grève (du 16 au 23 mars dernier). Selon la CGT, « le conflit a éclaté en raison d’une situation inadmissible tant pour les personnels que pour les usagers » a déclaré Anne-marie Meynard.Fin février / début mars, la direction avait dû fermer les points d’accueil pour tenter de résorber un retard cumulé équivalent à un mois de travail environ.
Dans ce département, la fréquentation des allocataires (nouveaux et anciens) avait littéralement explosé en raison de la crise.
La CGT et les personnels restent néanmoins mobilisés car les besoins réels en effectifs supplémentaires sont estimés à 200 embauches. Les 30 premières embauches ne peuvent donc être considérées que comme un point de départ selon le syndicat.
Anne-Mary Perrin, directrice de la CAF de Vaucluse [1]
« Je suis arrivée ici il y a tout juste vingt ans alors que venait de naître le fameux RMI. Aujourd’hui je célèbre en quelque sorte cet anniversaire avec l’arrivée prochaine du RSA. Entre les deux dates, les deux allocations, nous avons le reflet d’une époque et toute l’histoire de la mutation d’une société qui glisse chaque jour d’avantage vers la précarité. C’est dire si la relation des personnels à la mission de service public de la CAF est forte. Sans cette conscience des personnels, sans le soutien des administrateurs et du Président, je crois que tout serait plus difficile encore. Vous devez savoir que le rôle actuel d’une CAF est bien plus large qu’autrefois. Nous ne sommes pas que des distributeurs d’allocations aux familles. Notre mission va au delà de ces allocations qui ne sont d’ailleurs pas que familiales. En effet nos 350 salariés gèrent prés de 100.000 dossiers répartis suivant le ratio 2/3 1/3 entre les familles et les personnes seules. Au total nous distribuons cinq cent millions d’euros, dont quatre cent soixante pour les prestations sociales et quarante pour l’action sociale. De l’argent que les allocataires ne thésaurisent évidemment pas. Ces cinq cent millions vont directement dans la vraie vie. Ce qui illustre bien la dimension de l’action citoyenne de la CAF de Vaucluse pour son territoire ».
« C’est devenu très dur et très difficile à supporter pour tous nos employés et nos cadres. Les CAF ont vu leurs missions se diversifier et s’intensifier de façon exponentielle. Et ce sans une augmentation suffisante des moyens mis à notre disposition. Bien sûr nous avons fait remonter à Paris nos inquiétudes et nos demandes. Et nous avons obtenu des moyens supplémentaires. Mais d’une part ces nouveaux moyens financiers et humains ne compensent jamais complètement la hausse des charges de travail, et d’autre part nous savons bien qu’il faudra un jour prochain rendre une bonne partie de ces moyens une fois le cap difficile de la mise en œuvre du RSA passé. Une restitution qui atteindra sans doute 80%. Alors on demande encore plus et plus vite aux personnels. Et chacun de nous travaille avec la hantise de ce que nous appelons les stocks retards, c’est à dire les journées de traitement de dossiers en retard. Ces Stocks retards sont terribles, car au delà de la masse de travail journalier qui va forcément s’accroître encore, il y a tout ce qui en découle en terme de courriers supplémentaires, de réclamations, de contentieux ».
« Nous avons versé l’essentiel des primes de deux cent euros depuis déjà quarante huit heures. Et il y a beaucoup de monde qui s’impatiente et vient s’informer sans toujours comprendre les délais bancaires d’encaissement. Ce n’est pas très problématique, mais il faut dialoguer. En fait le gros dossier de l’heure c’est le RSA qui va arriver en juin avec les premiers paiements en juillet. Dès la semaine prochaine nous allons installer un accueil et des guichets spécifiques pour tous les dossiers RSA. Il faut que nous parvenions à tout traiter sans pour autant mettre en péril les dossiers habituels. En plus nous sommes en train d’ouvrir une antenne de la CAF de Vaucluse à Carpentras. Tout ça contemporainement. Nos personnels savent ce que s’engager veut dire ».
Seine-Saint-Denis – Des retards historiques
Le département de Seine-Saint-Denis connaît, au sein de la Caisse d’allocations familiales, des retards de traitement des dossiers des allocataires de l’ordre de 150 000 unités. Dans un département où – avant la crise – 57% des ménages perçoivent des allocations (contre 40% au niveau national), le directeur de la Caf estime que la fermeture des guichets pour rattraper le retard « pose loi problème majeur » car cette population en situation de précarité « a justement besoin d’un contact avec les agents, d’un accueil physique ».
[1] Extraits de « CAF de Vaucluse : le meilleur sans le pire » : http://journal-lamarseillaise.com/l....