le secret médical, principe bafoué ?


article de la rubrique Big Brother > psychiatrie
date de publication : samedi 18 juin 2011
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Après avoir dénoncé les dangers liés au recueil d’information médicale en psychiatrie (RIMP), l’Union Syndicale de la Psychiatrie (USP) dépose un recours devant le Conseil d’État.

De lourdes pressions sont exercées sur les médecins DIM afin qu’ils participent à une externalisation plus ou moins complète d’informations personnelles issues de l’informatique médicale, en transmettant des données PMSI non anonymisées à des sociétés privées extérieures. Alerté par des médecins DIM, et après avoir interrogé la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) et le Conseil de l’Ordre sur la légalité de ce type de démarche, le Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes Réanimateurs élargi (SNPHAR-E) a décidé de prendre le dossier en main.

[Le communiqué de l’USP du 13 janvier 2012 a été ajouté le 15 janvier 2012]



Voir en ligne : l’USP demande l’abrogation de l’arrêté du 20 décembre 2010

Communiqué de l’USP [1]

L’USP dépose un recours en Conseil d’Etat contre le fichage en psychiatrie

Le 16 juin 2011

Depuis longtemps, l’USP dénonce les dangers liés au recueil d’information médicale en psychiatrie (RIMP) :

  • d’une part la constitution de grands fichiers hospitaliers de données de santé
    particulièrement sensibles (dont le diagnostic psychiatrique, le mode
    d’hospitalisation…) ;
  • d’autre part l’imposition, par le biais de ce recueil à visée médico-économique, d’un modèle clinique et donc thérapeutique très réducteur, objectivant et déshumanisant.

Le 20 décembre 2010, en annexe à un simple arrêté, l’ATIH (agence technique de l’information hospitalière) a publié une nouvelle mouture du « guide méthodologique de production du recueil d’information médicale en psychiatrie ». Cette nouvelle version du guide ajoute l’obligation pour les établissements de recueillir « en complément des informations nécessaires à la mesure de l’activité » des « informations à visée d’enquête » relatives aux « caractéristiques sociales du patient susceptibles d’influer sur les modalités de
traitement de celui-ci ».

L’USP a donc déposé un recours en Conseil d’Etat contre l’arrêté et son annexe,
estimant que :

  • sur la forme : il avait été produit sans respecter les autorisations nécessaires par l’ATIH, qui n’est d’ailleurs pas compétente pour autoriser une telle extension de recueil ;
  • sur le fond : l’arrêté ne respecte pas les principes de finalité (le recueil pour des enquêtes sur les caractéristiques sociales ne relève pas de l’analyse de l’activité médico-économique, finalité du RIMP) et d’égalité (risque de réguler l’offre de soins de façon discriminatoire à partir de critères socio-économiques).

De plus ces données recueillies auprès de chaque patient, et touchant à leur identité et à leur vie privée, nécessitent le respect du principe de consentement à ce recueil, ce qui n’est évidemment pas le cas.

L’USP demande donc l’annulation par le Conseil d’Etat de ces dispositions dangereuses pour les droits des personnes suivies en psychiatrie.

Communiqué du SNPHAR-E

Secret médical en 2011 après HPST : un principe bafoué

Le 7 juin 2011

Le SNPHAR-E a été alerté par plusieurs médecins responsables de l’information médicale hospitalière, très inquiets quant au respect des règles de confidentialité et de respect du secret médical que chaque médecin et chaque établissement de santé doivent à leurs patients.

Alors que la réglementation est très stricte (Art L.6113-7), imposant le respect du secret médical et des droits des patients pour l’analyse de l’activité hospitalière avec même un risque pénal si ce secret n’est pas respecté, de plus en plus d’établissements, étranglés budgétairement, externalisent à des sociétés externes privées le codage des pathologies et actes réalisés. Des données médicales nominatives du dossier médical sont extraites par du personnel non médical n’ayant rien à voir avec le patient, ce qui est contraire aux recommandations de l’Ordre.
Mais en 2011, que valent les principes éthiques et déontologiques de respect de la confidentialité face à certaines directions pilotant des établissements en grande difficulté financière, dont le financement des hôpitaux repose entièrement sur cette saisie d’information ?

Les médecins de l’informatique médicale, soumis à forte sujétion administrative, qui ont essayé dans certaines structures de faire valoir ces règles ont subi culpabilisation, et chantage allant jusqu’à des menaces de mise en recherche d’affectation ou pressions diverses. Certains établissements ont même carrément supprimé l’information médicale interne, pour toute l’externaliser. Comme si les données médicales pouvaient être traitées comme le ménage ou la restauration ! C’est d’ailleurs sûrement un nouveau marché, puisqu’apparaissent des sociétés spécialisées dans le codage externalisé, avec primes au rendement pour des employés qui n’ont rien à voir avec la santé et ses principes …

Pourtant la CNIL et le Conseil de l’Ordre, consultés, convergent formellement pour exiger que soit garantie la confidentialité des données éventuellement transmises, qui en aucun cas ne devraient contenir les identifiants des patients, ce qui signifie qu’en l’état actuel les données type RSS ou RSA ne doivent être transmises aux auditeurs externes.

Il est nécessaire que chaque médecin hospitalier clinicien, garant des données concernant ses patients, sache que celles-ci sont peut être livrées à des sociétés privées sans garantie sur la confidentialité. C’est désormais une responsabilité partagée entre médecin de l’informatique et médecins cliniciens.

Le SNPHAR-E sera d’une vigilance extrême pour défendre les collègues menacés dans le respect de leur indépendance professionnelle alors qu’ils sont le dernier rempart de la confidentialité et du secret médical.

Le SNPHAR-E a pris ce dossier en main désormais au niveau national, et va le porter fortement

Lettre du SNPHAR adressée à la CNIL [2]

Madame,

La CNIL a été interrogée par un de nos confrères sur le transfert des données issues des systèmes d’information hospitalier à une société d’audit de codage de l’activité PMSI.

Vous lui avez répondu le 27 août 2010, Saisine n° 10016258, et votre réponse est très claire : « les données que vous traitez en tant que médecin responsable de l’information médicale sont couvertes
par le secret professionnel et vous ne pouvez les transmettre à des tiers non autorisés dès lors qu’elles sont susceptibles d’identifier même indirectement un patient (ce qui est notamment le cas avec les RSS). »

Le problème posé par l’externalisation des données PMSI à des sociétés privées dans le but d’améliorer le codage soit par des audits soit par une externalisation totale de l’information médicale s’étend à un nombre grandissant d’établissements de santé.

Je sollicite donc officiellement, au nom des médecins responsables de l’informatique médicale, l’avis de la CNIL sur le transfert de données médicales (diagnostics et actes réalisés) à des sociétés spécialisées dans le codage, et non impliquées dans le processus de soin.

La réglementation sur la confidentialité des données par le secret médical est claire, mais n’a pas prévu cette externalisation et ses conséquences.
Les Départements d’Information Médicale (DIM), ont été créés par circulaire en 1989, qui définissait « une structure de l’information médicale » qui avait pour vocation d’aider les services médicaux à faire le PMSI, de s’assurer auprès des médecins responsables de la qualité des données et de leur exhaustivité, et « de veiller à la confidentialité des données concernant le malade, conformément aux recommandations de la CNIL ».
En vue de la généralisation du PMSI en 1996, l’existence d’un « médecin responsable de l’information médicale » a été inscrite de manière légale et réglementaire dans le Code de Santé Publique (CSP), à travers les articles L6113-7 et R61131 à 11 :

Article L6113-7 : « Les établissements de santé, publics ou privés, procèdent à l’analyse de leur activité. Dans le respect du secret médical et des droits des malades, ils mettent en oeuvre des systèmes d’information qui tiennent compte notamment des pathologies et des modes de prise en charge en vue d’améliorer la connaissance et l’évaluation de l’activité et des coûts et de favoriser l’optimisation de l’offre de soins.
Les praticiens exerçant dans les établissements de santé publics et privés transmettent les données médicales nominatives nécessaires à l’analyse de l’activité et à la facturation de celle-ci au médecin responsable de l’information médicale pour l’établissement dans des conditions déterminées par voie
réglementaire après consultation du Conseil national de l’ordre des médecins.
Le praticien responsable de l’information médicale est un médecin désigné par le directeur d’un établissement public de santé ou l’organe délibérant d’un établissement de santé privé s’il existe, après avis de la commission médicale ou de la conférence médicale. »

Article R6113-1 à 11 : « …Le praticien responsable d’une structure médicale ou médico-technique ou le praticien ayant dispensé les soins est garant, pour ce qui le concerne, de l’exhaustivité et de la qualité des informations qu’il transmet pour traitement au médecin responsable de l’information médicale dans l’établissement.…
Les médecins chargés de la collecte des données médicales nominatives ou du traitement des fichiers comportant de telles données sont soumis à l’obligation de secret dont la méconnaissance est punie conformément aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Il en est de même des personnels placés ou détachés auprès de ces médecins et qui travaillent à l’exploitation de données nominatives sous leur autorité, ainsi que des personnels intervenant sur le matériel et les logiciels utilisés pour le recueil et le traitement des données.
Après avis selon le cas de la commission médicale d’établissement ou de la conférence médicale, le représentant de l’établissement prend toutes dispositions utiles, en liaison avec le président de ces instances et le médecin responsable de l’information médicale, afin de préserver la confidentialité des données médicales nominatives. Ces dispositions concernent notamment l’étendue, les modalités d’attribution et de contrôle des autorisations d’accès
ainsi que l’enregistrement des accès… »

Je vous remercie donc par avance de me donner l’avis de la CNIL sur la transmission des données PMSI des patients ayant subi des soins dans un établissement public de santé à une société privée qui n’est pas impliquée dans les soins donnés à ce patient. Je souhaiterais également savoir si une
contractualisation entre cet établissement de santé et la société privée peut permettre à cette dernière de prétendre accéder sans autre formalité à des données de santé nominatives en lieu et place du DIM ou sous son couvert.

P.-S.

Communiqué du 13 janvier 2012 de l’USP :

Fichage psychiatrique : le ministère persiste et signe !

Une version actualisée du « Guide méthodologique de production du Recueil d’informations médicalisées en psychiatrie » établi par l’agence ministérielle ATIH, constitue très officiellement depuis le 1er janvier 2012 l’annexe d’un nouvel arrêté consacré à ce recueil, plus connu sous ses initiales « RIMP ». Ce texte reprend in extenso la disposition du précédent guide daté du 20 décembre 2010, qui autorise l’état à procéder à des « enquêtes » à partir du RIMP, visant à déterminer les « caractéristiques sociales du patient susceptibles d’influer sur le traitement de celui-ci ». Tout au plus apprend-on au passage que la définition des informations devant servir à ces enquêtes, à savoir un ensemble de données personnelles confidentielles sans aucune garantie d’anonymat, est désormais achevée...

Or, ce guide de l’ATIH fait l’objet d’une plainte au Conseil d’Etat en cours d’instruction (voir ci-dessus) : la finalité discriminatoire de telles enquêtes est patente, et ne respecte pas les précautions minimales imposées par le législateur. La loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 exige en effet l’autorisation de la CNIL et l’avis du Conseil d’Etat. Et que l’on sache, nul patient n’a donné son consentement légal à un tel détournement de ses données personnelles !

En passant outre la loi, sans attendre le verdict de l’instance suprême de recours administratif, en refusant de surseoir à son entreprise de fichage des populations les plus vulnérables, le ministère de la Santé confirme qu’il obéit à des considérations beaucoup plus ténébreuses que le devoir de protection dévolu à la psychiatrie publique...


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