Le Journal du Dimanche a publié le 22 décembre 2013 une enquête de Marie Quenet concernant le logement social, basée sur un même questionnaire adressé à 15 grandes villes. Nous en reprenons ci-dessous la synthèse, ainsi que les résultats concernant la ville de Toulon.
On notera que les deux villes où le pourcentage de logements sociaux est le plus faible sont Toulon et Nice : moins de 15 % pour Toulon, et autour 12 % pour Nice, alors que la loi "relative à la solidarité et de renouvellement urbain" (SRU) fixait jusqu’à présent pour objectif de parvenir d’ici 2020 à un taux de logements sociaux d’au moins 20 % des résidences principales [1]. Mais, compte tenu de leurs "efforts", aucune de ces deux villes ne paie de taxe au titre de la loi SRU depuis 2009.
Combien de temps faut-il patienter pour avoir un logement social ? Près de 1,7 million de ménages se posent actuellement la question. Mais, pour l’instant, personne ne semble en mesure de préciser le délai moyen d’attente selon les villes. Ni le ministère du Logement ni l’Union sociale pour l’habitat (USH) représentant les organismes HLM. Le JDD a posé directement la question à 15 grandes villes soumises à la pression immobilière. Chacune a reçu le même questionnaire, mi-octobre, l’interrogeant aussi sur le nombre de logements sociaux, de demandeurs, d’attributions ou le taux de rotation au sein du parc social.
Le nombre des HLM progresse…
Premier constat : c’est la pagaille. Si certaines villes répondent vite (Grenoble, Bordeaux, Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg ou Toulon), d’autres mettent des semaines avant de nous renvoyer vers la préfecture, la communauté d’agglomération voire les principaux bailleurs (Montpellier, Aix-en-Provence). Car le système d’attribution des logements HLM est compliqué. Parmi les décideurs, il y a d’abord les bailleurs. Mais aussi les financeurs – mairies, préfectures, entreprises via le 1% logement – qui disposent d’un contingent. Difficile parfois d’avoir une vue d’ensemble, des données complètes et précises. Certains ne renvoient pas une moyenne mais des ventilations. D’autres, des estimations tirées d’un échantillon (gros bailleur, maison du Logement…), des chiffres à l’échelle de l’agglomération. Très souvent, il faut faire préciser, tenter d’harmoniser.
Enfin, on dresse un tableau des délais moyens d’attente estimés. Résultat ? C’est au Havre que l’on patiente le moins (quatre à cinq mois). La ville, il est vrai, compte aujourd’hui 33% de logements sociaux, et la rotation y est élevée : 11 % par an. Paris est l’endroit où il faut attendre le plus : sept ans en moyenne pour les demandeurs parisiens qui ne sont pas déjà en HLM. Logique : avec 140.000 demandeurs, la pression est maximale dans la capitale. Et le taux de rotation (3%) n’y a jamais été aussi faible.
Ces délais ne sont évidemment que des moyennes. Il existe des situations (prioritaires Dalo [droit au logement opposable], violences conjugales, relogement après déclaration d’insalubrité…) où cela va plus vite. Ensuite, la durée dépend du type d’appartement désiré. À Lille, par exemple, il faut compter neuf mois pour un T1, vingt-cinq mois pour un T4, plusieurs années pour un T5. L’attente varie aussi selon les quartiers. Et les locataires déjà en HLM patientent souvent plus : à Nantes, ils attendent en moyenne 34,7 mois, les primo-demandeurs 21,2 mois. Enfin, certains dépassent largement la durée moyenne mais ont déjà refusé plusieurs offres.
Autre constat : le nombre des HLM progresse. Au 1er janvier 2012, neuf villes sur quinze avaient déjà atteint les 20% imposés par la loi Solidarité et Renouvellement urbains (SRU). Cinq dépassaient même déjà les 25% récemment fixés. Paris et Lyon devraient franchir les 20 % début 2014. Des villes restent à la traîne : Toulon (14,8 %) et Nice (12 %). Mais compte tenu de leurs investissements, elles ne payent pas de pénalités.
… le nombre de demandeurs aussi
En face, le nombre de demandeurs augmente. Cette enquête montre bien la nécessité d’améliorer la lisibilité. Le projet de loi sur le logement, qui devrait être adopté début 2014, prévoit justement une réforme du système d’attribution. La ministre du Logement en a rappelé, lundi, les deux éléments clés : la constitution d’un dossier unique auprès de l’ensemble des bailleurs et la transparence sur l’avancée de celui-ci. "L’idée, c’est de réunir tous les acteurs autour de la table à travers un plan partenarial de gestion de la demande et d’information des demandeurs, d’instaurer un fichier commun à l’échelle intercommunale et d’avoir, dans chaque territoire, un lieu où les demandeurs pourront savoir où ils en sont, décrit Audrey Linkenheld, rapporteure du texte à l’Assemblée. Demain, quand un bailleur ou une agglomération demandera des aides à la pierre, on regardera d’abord s’ils respectent ces obligations." Il faudra voir la mise en oeuvre…
"Dans 25 à 30 départements – en Alsace, en Bourgogne, en Bretagne ou dans les Pays de la Loire –, les demandes sont déjà centralisées dans un fichier commun", explique Juliette Furet, responsable du département politiques sociales à l’USH. Parmi les villes interrogées, Paris, Lyon, Toulouse, Strasbourg, Rennes et Grenoble disposent d’un fichier "unique" ou "partagé". Certaines sont même à l’avant-garde. À Rennes, le fichier central est en place depuis… 1954. Et les attributions se font en grande partie à l’aide d’un système de cotation. À Grenoble, le fichier unique existe depuis dix ans. Un système de cotation est en train d’être appliqué. Et les initiatives se multiplient : bourses d’échanges au sein du parc HLM, petites annonces sur Internet…
"On est encore en train de travailler sur la liste d’attente, à opposer les uns aux autres", déplore Eddie Jacquemart, le président de la Confédération nationale du logement (CNL). "Le scoring n’est pas une solution. Ce n’est pas parce que vous aurez beaucoup de points que vous serez assuré d’avoir un logement." Le vrai problème, c’est le manque de logements sociaux. Le gouvernement a promis d’en construire 150.000 par an d’ici à 2017. Un challenge…
Les réponses de la ville de Toulon (167 813 habitants) au questionnaire envoyé par le JDD
[2] :
[1] Un nouveau texte prévoit notamment de porter ce taux minimal à 25 % d’ici à 2025.
[2] Voici le questionnaire envoyé aux 15 grandes villes :
[3] A ce propos, voir cette page (Note de LDH Toulon).