le fichage des “décrocheurs” se met en place


article de la rubrique Big Brother > le fichage des décrocheurs
date de publication : dimanche 18 avril 2010
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Un nouveau fichier, le SDO – “suivi de l’orientation” – sera mis en place dès le mois de mai dans les collèges et lycées, via une application nationale dénommée SCONET-SDO. Il s’agit cette fois d’un fichage des “décrocheurs”, ces élèves qui abandonnent le système scolaire sans diplôme. « Un outil de plus pour lutter contre le décrochage, qui est avec l’absentéisme, un fléau majeur de notre société », a déclaré Jean Michel Blanquer, directeur général de l’enseignement scolaire au Ministère de l’Education.

Le dispositif vise à collecter des informations sur chacun des cent à cent-cinquante mille élèves qui abandonnent chaque année. La fiche d’un “décrocheur” devrait comporter son parcours scolaire, le motif du décrochage, ainsi que des commentaires libres. L’utilisation de ces contenus inquiète. Le ministère affirme que ces informations ne seront pas transmises à d’autres administrations, mais les parents d’élèves et les enseignants sont très sceptiques : ils redoutent ce nouveau moyen de “surveillance” des élèves et sa possible interconnexion avec d’autres fichiers. Certains – comme le Snes-Fsu [1] – y voient un nouveau pas vers le fichage généralisé.

Ce nouveau dispositif n’est pas une surprise : Nicolas Sarkozy, dont la prédilection pour le fichage est bien connue, avait annoncé à plusieurs reprises son intention d’intensifier la lutte contre le décrochage scolaire [2] qui sera soumise à des objectifs chiffrés [3]. Mais on peut légitimement se demander si la méthode mise en œuvre est bien appropriée à la lutte contre l’échec scolaire et s’interroger sur l’utilisation qui sera faite de ce nouveau fichage.

Nous reprenons un large extrait de la circulaire de rentrée 2010. On notera – la circulaire le fait remarquer – que l’article L.313-7, introduit dans le code de l’Éducation par la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie [4], a instauré l’obligation pour les établissements d’enseignement de transmettre les coordonnées de leurs décrocheurs à des personnes et organismes désignés par le préfet ainsi qu’à la mission locale. On remarquera d’autre part que le dispositif mis en place sera complété puisqu’une deuxième partie du SDO, un fichage de l’orientation complète de l’élève, devrait voir le jour en 2011.


Les élèves « décrocheurs » seront fichés

par Thibault Raisse, Le Parisien du 16 avril 2010 [5]


Le logiciel suivi de l’orientation (SDO) permettra d’établir une « fiche » de l’élève.

Personne ne l’utilise encore, mais il fait déjà parler de lui. Après Base élèves (école primaire) et Sconet (secondaire), l’Education nationale s’apprête à officialiser la mise en place d’un nouveau fichier informatique à destination des collèges et lycées. Baptisé SDO—pour suivi de l’orientation —, le programme vise à répertorier les élèves « décrocheurs », ces 150 000 jeunes qui, chaque année, quittent le système scolaire sans diplôme. Un logiciel en cours de déploiement dans l’ensemble des académies, après avoir été retoqué par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), qui s’était interrogée en février dernier sur la « nature et l’utilisation » des données collectées.

La création d’un tel outil avait été annoncée en septembre dernier par Nicolas Sarkozy : lors d’un déplacement à Avignon, le président avait évoqué la mise en place d’un dispositif où les décrocheurs seraient « suivis, répertoriés, et où on leur proposera un emploi ». Accessible aux chefs d’établissement et au personnel éducatif, le logiciel permettra d’établir une « fiche » de l’élève dès les premiers signes de désintérêt pour l’école. « Le but est de prendre en charge les décrocheurs potentiels le plus tôt possible, et d’offrir des possibilités d’insertion professionnelle pour ceux qui ont déjà décroché », explique-t-on au ministère de l’Education nationale.

Mais c’est moins le but recherché que le contenu du fichier qui pose problème. En plus des champs relatifs au parcours scolaire, SDO renseigne le motif du décrochage, et autorise les commentaires libres. Plus étonnant encore, selon le document de présentation établi par le ministère, les informations collectées sont qualifiées de « non confidentielles », pouvant donc être « communiquées à toute personne susceptible de prendre le relais pour suivi ». « Nous avons obtenu l’assurance que ces champs ne comporteraient aucune donnée sensible », justifie-t-on à la Cnil. « Tout ce qui est relatif au contexte social, familial, ou à la santé de l’élève, ne sera pas mentionné, confirme-t-on au ministère de l’Education. Les données seront conservées pendant deux ans, et ne pourront pas être transmises à d’autres administrations ».

Après plusieurs échanges entre les deux institutions, la Cnil a finalement délivré le 24 mars le récépissé nécessaire au déploiement de SDO, ouvrant la voie à l’expérimentation, actuellement en cours, du fichier. « A partir du moment où il n’y a pas échange de données entre administrations, nous ne pouvions de toute façon pas nous y opposer », assure l’autorité indépendante. Tout en précisant que « rien n’interdit d’effectuer des contrôles a posteriori ».

La circulaire de rentrée 2010 (extrait)
 [6]

Le développement des outils de suivi et de pilotage

La livraison progressive, au cours de l’année scolaire 2009-2010, des différents modules de l’application nationale SCONET-SDO (suivi de l’orientation) à l’ensemble des académies vise à permettre aux établissements du second degré d’agir pour la prévention du décrochage scolaire et, à l’occasion de la transition collège-lycée, d’améliorer leur suivi des inscriptions des élèves après leur affectation. En 2010-2011, un module complémentaire permettra le suivi de l’ensemble des procédures d’orientation (demandes et décisions d’orientation). Ainsi, les collèges et les lycées disposeront, tout comme les services académiques, d’un réel outil de pilotage et de dialogue.

La livraison progressive, au cours de l’année scolaire 2009-2010, des différents modules de l’application nationale SCONET-SDO (suivi de l’orientation) à l’ensemble des académies vise à permettre aux établissements du second degré d’agir pour la prévention du décrochage scolaire et, à l’occasion de la transition collège-lycée, d’améliorer leur suivi des inscriptions des élèves après leur affectation. En 2010-2011, un module complémentaire permettra le suivi de l’ensemble des procédures d’orientation (demandes et décisions d’orientation).
Ainsi, les collèges et les lycées disposeront, tout comme les services académiques, d’un réel outil de pilotage et de dialogue.

1.2.3 Lutter contre le décrochage

La diminution du nombre de jeunes qui sortent de l’École sans diplôme est une priorité tant nationale qu’européenne. L’année 2009 a vu l’installation de coordinations locales réunissant les acteurs de la formation et de l’insertion pour offrir aux décrocheurs, le plus rapidement possible, des solutions pertinentes et diversifiées de prise en charge. À cet égard, l’article L.313-7, introduit au code de l’Éducation par la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 [7], a instauré l’obligation pour chaque établissement d’enseignement du second degré, y compris les centres de formation d’apprentis et les sections d’apprentissage, de transmettre les coordonnées de leurs anciens élèves ou apprentis sortant sans diplôme du système de formation initiale à des personnes et organismes désignés par le représentant de l’État dans le département, ainsi qu’à la mission locale pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes. Les procédures sont actuellement en cours au niveau interministériel en vue de rendre cette obligation effective.

Le module SCONET-SDO automatise le repérage des élèves sans solution de formation, facilite le travail de suivi des élèves en risque de rupture scolaire et favorise les échanges d’informations entre les acteurs au sein de l’établissement scolaire, sous la responsabilité du chef d’établissement, et avec les autorités académiques.
Pour les jeunes de plus de 16 ans n’ayant pas le niveau de qualification reconnu, les personnels relevant de la mission générale d’insertion s’efforcent d’offrir à chacun des solutions individualisées, avec, par exemple, l’appui du réseau des Greta. L’objectif est de permettre le maintien dans une formation menant à un diplôme professionnel comme le prévoient les articles L.122-2 ; L.122-3 du code de l’Éducation.

La création de « micro-lycées » qui répond à la double démarche des dispositifs de la deuxième chance et des structures scolaires expérimentales peut être aussi une solution très appropriée pour les élèves décrocheurs en mesure de reprendre des études générales. À terme, l’objectif visé est d’en compter au moins un par académie.

1.2.4 Favoriser un meilleur accès des élèves issus des milieux socialement défavorisés à des parcours de réussite et d’excellence

Afin d’assurer aux élèves situés dans les quartiers les moins favorisés une offre scolaire de qualité, la dynamique des réseaux « ambition réussite » (RAR) devra s’appuyer sur le bilan des quatre premières années de mise en œuvre. Le renouvellement de leurs contrats d’objectifs et de leurs projets d’établissement devra mobiliser leurs équipes éducatives, les personnels d’inspection et les services académiques pour garantir un haut niveau d’exigence et d’accompagnement des élèves.
Vous veillerez à ce que les parents des élèves scolarisés dans une école relevant d’un RAR soient informés de la possibilité qui leur est offerte de solliciter le collège de leur choix.

Les établissements évités bénéficieront d’une attention particulière des autorités académiques et de la mobilisation des corps d’inspection, afin d’identifier les raisons de la désaffection des familles et de proposer un plan d’action innovant, permettant à la fois de retrouver l’adhésion des élèves et de conquérir de nouveaux publics sur la base d’un projet d’établissement original et ambitieux.

Par ailleurs, les autorités académiques doivent contribuer à alimenter la réflexion des collectivités territoriales de manière à favoriser une évolution de la sectorisation dans le sens d’une plus grande mixité sociale.

L’action en faveur du développement des internats d’excellence constitue aussi un moyen d’offrir à des élèves issus de milieux défavorisés un environnement qui leur permette de réaliser toutes leurs potentialités. Les moyens nécessaires sont mobilisés dans le cadre de l’emprunt national 2010 pour satisfaire l’objectif de 20 000 places d’internat d’excellence fixé par le président de la République. Dès la prochaine rentrée scolaire, onze nouveaux internats d’excellence seront ouverts. D’autres projets permettront, pour 2011, la création de nouvelles entités ou, pour les collèges et lycées déjà dotés d’internat, de se transformer en internats d’excellence, en développant leurs capacités d’hébergement et/ou en revitalisant et rendant plus attractif l’internat existant afin d’obtenir sa labellisation. Dans tous les cas, l’internat d’excellence se construit autour d’un projet pédagogique et éducatif structurant.
Parmi l’ensemble des mesures de la dynamique « Espoir banlieues », auxquelles votre contribution est plus que jamais indispensable, les « cordées de la réussite » et, plus généralement, les partenariats entre un collège ou un lycée et un établissement d’enseignement supérieur sont susceptibles de libérer et d’accompagner les ambitions de certains élèves et d’instaurer un climat d’émulation au sein de l’établissement.

1.2.5 Soutenir les élèves en grande difficulté en dialoguant avec les familles

L’absentéisme scolaire est à la fois un facteur d’échec scolaire et, le plus souvent, le symptôme d’autres difficultés. La mobilisation de la communauté éducative pour lutter contre ce phénomène doit être poursuivie au sein des écoles et des établissements. Le dialogue avec l’élève et ses parents doit naturellement être recherché. Toutefois, en cas d’échec de ce dialogue, les recours auprès de l’inspecteur d’académie doivent être utilisés pour assurer le retour à l’assiduité dans l’intérêt de l’élève (article L. 131-8 du code de l’Éducation).

Par ailleurs, le repérage, le soutien et l’orientation des élèves confrontés à des difficultés risquant de les mettre en danger constituent des préoccupations constantes des membres de l’équipe éducative. Les personnels sociaux et de santé contribuent à la prise en charge de ces élèves et constituent les personnes ressources. En cas de danger présumé, après une réflexion partagée au sein de l’équipe éducative et, le cas échéant, avec les partenaires, les informations préoccupantes sont transmises au Conseil général et, dans les situations les plus graves, au procureur de la République.

P.-S.

Voici la présentation, diffusée en octobre 2009 par le ministère de l’Education nationale, des « trois périodes fortes dans une année scolaire selon les publics » [8] :

  • à la rentrée scolaire : élèves scolarisés l’année précédente et non présents dans la base académique en début d’année scolaire ;
  • au cours de l’année : les élèves en risque de décrochage ou décrocheurs ;
  • en fin d’année scolaire : les élèves sans affectation, les élèves ayant échoué à un examen.

Notes

[3Lors de la rentrée 2009, la rectrice de l’Académie de Strasbourg a fixé comme objectif prioritaire de réduire les « sorties sans qualification » de 6% à 3,3% en 2011 : http://www.ac-strasbourg.fr/section....

[6Présentée comme inscrite "dans la continuité des réformes engagées", la circulaire de rentrée 2010, du 16 mars 2010, a été publiée au Bulletin officiel de l’Education nationale n° 11 du 18 mars 2010 : http://www.education.gouv.fr/cid508....


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