le député Christian Vanneste condamné pour propos homophobes


article de la rubrique discriminations > homosexuels
date de publication : mardi 8 août 2006
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Premier procès d’un homme politique pour propos homophobes : le 13 décembre 2005, Christian Vanneste, député UMP du Nord, comparaissait devant le tribunal correctionnel de Lille. Le tribunal l’a condamné, le 24 janvier 2006, à une peine d’amende.

Christian Vanneste a décidé de contre-attaquer au nom de la défense de la liberté d’expression : voir ci-dessous.

[Première publication, le 14 décembre 2005,
mise à jour, le 8 août 2006.]


Un communiqué de la LDH

L’homophobie est un délit même pour les députés

La condamnation par le Tribunal de Lille de Christian Vanneste, député du Nord, suite à ses propos publics violemment homophobes tenus en décembre 2004 et à la plainte déposée par des associations défendant les droits des homosexuels, est une première judiciaire à saluer.

Elle marque une réelle avancée dans la lutte contre les discriminations et l’incitation à la haine en raison de l’orientation sexuelle.

Si la critique doit rester libre comme l’expression publique d’opinions divergentes, cette liberté reste limitée par le respect de la dignité des personnes ou des groupes qui doit toujours être préservé.

Alors que nombre de députés et élus locaux pétitionnent contre le mariage ou l’adoption par des personnes de même sexe, cette sanction vient rappeler que les termes de ce débat passionnel ne sauraient remettre en cause la liberté sexuelle de chacun ou imposer une « normalité » comportementale.

Paris, le 25 janvier 2006

Injure contre homosexuels : 3.000 euros d’amende pour Christian Vanneste

AFP 24.01.06 Le député UMP du Nord Christian Vanneste a été condamné à 3.000 euros d’amende mardi par le tribunal correctionnel de Lille, qui le jugeait pour "injure" envers les homosexuels.

M. Vanneste a également été condamné à verser à chacune des trois associations plaignantes 2.000 euros de dommages et intérêts, 1.000 euros au titre du remboursement des frais engagés, et à publier un extrait du jugement dans la Voix du Nord, l’Express et Le Monde.

Lors de l’audience, le 13 décembre, le procureur de la République avait réclamé l’application de la loi, sans préciser de peine particulière.

L’avocat de M. Vanneste, Me Gérald Malle, a annoncé que son client ferait appel de sa condamnation.

"La question qui nous intéresse, c’est de savoir si cette loi peut s’appliquer", a affirmé Me Malle à la presse, ajoutant qu’il porterait l’affaire si nécessaire jusque devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg.

"Je crois qu’il est très difficile pour un juge français de dire que la loi n’est pas applicable, en revanche, il est plus facile pour un juge de la Cour européenne de condamner la France" pour non-respect de la liberté d’expression, a estimé M. Vanneste.

L’affaire est née de la vive opposition de M. Vanneste à la loi du 30 décembre 2004, réprimant les injures et discriminations homophobes au même titre que les injures et discriminations racistes ou sexistes.[...]

Les plaignants se sont satisfaits du jugement. "C’est ce que nous attendions, symboliquement, et nous espérons que cette condamnation aura valeur de signal en direction des homophobes", a déclaré à la presse le président de SOS Homophobie, Flannan Obé.

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Le complexe de supériorité de Vanneste, député hétérosexuel

par Didier ARNAUD, Libération, mercredi 14 décembre 2005

Avant le début du procès, les insultes ont fusé. Ils étaient face à face, séparés par la rue, à l’entrée du tribunal de Lille. D’un côté, les amis de Christian Vanneste, député UMP du Nord, regroupés sous une banderole : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. » Ils chantent la Marseillaise. Ce sont des hommes, pour la plupart, qui semblent plus âgés que le député de 58 ans. De l’autre, des militants associatifs (Act Up, les Flamands roses, SUD rail et la CGT, mais aussi les sans-papiers) portant tee-shirts ­« Tapiole militante » ­ et criant des slogans comme « enculons-nous gaiement », ou « les vieux en gériatrie », en référence à ceux du camp d’en face. Soudain, un vieil homme traverse la rue après s’être fait maltraiter par un jeunot : « T’étais collabo en 40 ! » Le retraité lui répond : « Tu fais le gros dur mais j’étais dans la division Leclerc. » Vite, ses amis le ramènent du bon côté du trottoir. Ambiance.

Dangereux. Quand Christian Vanneste est arrivé, il s’est fait huer, traiter de « facho », « colonialiste » [1] et bien sûr d’« homophobe ». C’est pour cette dernière « qualité » qu’il comparaissait hier. Après des propos tenus dans des journaux du Nord, comme ceux-ci : « Je n’ai pas dit que l’homosexualité était dangereuse, j’ai dit qu’elle était inférieure à l’hétérosexualité. Si on la poussait à l’extrême, ce serait dangereux pour l’humanité. » Ou comme ceux-là : « Il y a un modèle social qui est celui du mariage hétérosexuel et de l’éducation des enfants. » L’association SOS Homophobie a porté plainte, rejointe depuis par Act Up et le Syndicat national des entreprises gaies (Sneg).

Détendu malgré le charivari, souriant jusqu’aux oreilles à ceux qu’il connaît, Christian Vanneste s’est expliqué, devant les caméras, avant le début du procès. Il se serait « volontiers passé d’une telle publicité  ». Et conteste la validité de la loi de décembre 2004, qui fait de toute injure à une personne en raison de son sexe, de son orientation sexuelle ou de son handicap un délit. A la barre, le député persiste. « Il n’y a qu’une différence sexuelle, c’est entre l’homme et la femme, c’est ainsi que s’est constituée l’humanité. Dans toutes les sociétés, on a écarté l’inceste et l’homosexualité. Je n’ai aucune prévention contre les personnes homosexuelles, je conteste le comportement. » Puis : « Le comportement homosexuel n’a rien à voir avec l’identité, on ne peut pas dire qu’une personne trouve son essence dans l’homosexualité. Je ne me sens pas essentiellement hétérosexuel. » Enfin, bis repetita : « Vous ne pouvez mettre à égalité le comportement homo et hétéro, le comportement homosexuel est inférieur sur le plan moral »...

Débat de sourds. Vanneste s’est dit « piégé » par les journalistes, qui ont selon lui contribué à ce que le débat soit un débat de sourds. Et puis, en tant qu’ancien adjoint à la culture ­ il était professeur de philo, avant de devenir député en 1993 ­, il a expliqué qu’il avait eu à connaître des « amis homosexuels », dont deux étaient morts dans des conditions dramatiques. Sur sa commune, il y a même un centre de lutte contre le sida. « Voyez, je ne suis pas insensible à cette question-là », explique-t-il. Décidément incorrigible, il réitère : « L’homosexualité peut être acquise, mais aussi rééduquée. » Il cite le témoignage de ce jeune homme de 35 ans, marié et père de deux enfants, qui lui aurait téléphoné pour le soutenir : « J’ai connu ça [l’homosexualité], j’ai pu m’échapper de cette chose. Merci de votre combat. » Vanneste, soutenu, mais Vanneste assiégé. Il raconte les mauvais coups d’Act Up qui bloque son fax, ou ces périodiques gais qu’il reçoit dans sa boîte à lettres, ces manifestations lors de ses voeux. Il cite Voltaire, montre qu’il se passionne pour l’histoire de l’homosexualité, reprécise ses propos pour dire qu’on l’a mal compris.

« Trahison républicaine. » Avant lui, Jacques Lizé, de SOS Homophobie, a raconté comment il a reçu davantage d’appels à l’aide d’homosexuels depuis les propos du député. Il parle de « trahison républicaine », assure que les agresseurs d’homos se sont sentis légitimés. Jean-François Chassagne, pour le Sneg, explique que les mots du député sont une « traînée de poudre ». « C’est un retour au passé. Est-ce qu’on peut se laisser piétiner ainsi ? On croyait que ce monde avait évolué, que la France avait franchi un pas. C’est injurieux. » Pour Act Up, Jérôme Martin a rappelé comment cela lui a évoqué le débat sur le Pacs et son « déluge » d’insultes : « Je n’empêche pas monsieur Vanneste de discuter sur le terrain politique des arguments, mais dire que les homosexuels sont sectaires, c’est les inférioriser. » Puis, cité par les parties civiles, un autre député UMP, Jean-Luc Roméro, viendra rappeler qu’un élu de la République ne doit pas être au-dessus des lois : « La majorité des élus de mon parti ne partage pas ces opinions. » Ni d’ailleurs le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, qui a condamné fermement ces propos, sans pour autant aller jusqu’à les sanctionner.

Dans la soirée, le substitut Laurent de Caigny a requis l’application de la loi du 30 décembre 2004 qui réprime de la même manière discriminations raciales, xénophobes ou sexistes. Christian Vanneste encourt une peine de six mois de prison ferme et 25 000 euros d’amende.

Didier ARNAUD


Vanneste contre-attaque

24.07.2006

La controverse sur l’homoparentalité donne l’occasion au député UMP Christian Vanneste, condamné pour des "propos homophobes" en janvier dernier, de s’en prendre à nouveau aux dispositions anti-homophobie contenues dans la loi portant création de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE). Comme l’écrit le député dans un communiqué : « Le débat à venir sur le “mariage homosexuel” ou “l’homoparentalité”, d’une importance capitale pour notre société, est déjà biaisé. En effet, suite à ma condamnation en première instance par le tribunal correctionnel de Lille en janvier dernier, il n’est plus possible désormais pour un catholique, un protestant, un juif, un musulman, un lecteur de Voltaire ou une personne de bon sens de dire que l’homosexualité est pour lui, moralement inférieure à l’hétérosexualité ».

Aussi Christiian Vanneste a-t-il déposé une proposition de loi [2] pour « modifier certaines dispositions liberticides de la loi instaurant la HALDE » et mettre un terme à cette « énorme entrave à la liberté d’expression ».

Proposition de loi pour la liberté d’expression ! [3]

La dictature morale dont je fais l’objet se dévoile de plus en plus clairement.
Alors que je ne fais que remplir ma fonction de parlementaire en proposant une modification de la loi à mes collègues, voici que des groupements s’autorisent à lancer des anathèmes et des exclusions comme au bon temps de la Russie stalinnienne ou de l’Allemagne hitlérienne.
La proposition de loi que j’ai déposée [2], et qui est déjà cosignée par plus de vingt de mes collègues, vise à modifier la loi portant création de la HALDE afin de permettre à un catholique, à un protestant, à un musulman, à un juif, à un lecteur de Voltaire ou à une personne de bon sens de dire qu’il préfère l’hétérosexualité à l’homosexualité.
Je fais remarquer avec force que je ne demande pas de « dépénaliser les propos homophobes », mais de permettre la liberté de parole. Juger un comportement n’est pas injurier une personne.
Ma condamnation en première instance démontre que cela n’est plus possible malgré les assurances données par MM. Perben et Clément au moment du débat de cette loi.
Ce combat pour la liberté d’expression est capital dans l’optique des débats sociétaux à venir. En effet, comment pourrais-je m’opposer valablement à « l’homoparentalité » sans concevoir que le modèle hétérosexuel est préférable au modèle homosexuel ?

Notes

[1S’il n’aime pas les gays, Christian Vanneste, en revanche, adore la colonisation. Il est un des artisans de l’amendement sur la loi de février 2005 concernant ses bienfaits. En juin 2004, lors de sa toute première présentation à l’Assemblée nationale, le député du Nord a eu la charge de le présenter. Sans l’ombre d’une hésitation, il a argué que « les programmes scolaires devront faire connaître à tous les jeunes Français le rôle positif que la France a joué outre-mer ». Comme on le sait, l’amendement a été largement adopté. Voir Christian Vanneste, ou la droite extrême « de bon sens ».

[3Extrait du blog de Christian Vanneste à la date du 24 juillet 2006. (Le blog en question http://vanneste.over-blog.org/ ne semblait plus accessible au début d’août.)


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