On savait les traditionalistes d’autant plus actifs dans le département du Var que l’évêque actuel de Fréjus-Toulon ne fait pas mystère de ses sympathies pour cette mouvance – voyez, par exemple, notre article : Toulon, Sanary ... les intégristes sont parmi nous. Il n’est donc pas surprenant que la demande le boycott du prochain Téléthon provienne de la commission bioéthique de l’évêché de Toulon – voyez notre article la hiérarchie catholique veut un Téléthon « éthique ». Vous trouverez ci-dessous quelques éléments d’information sur ce sujet provenant de l’actualité locale (toutes les notes sont de LDH-Toulon).
« Il n’est plus possible de participer au Téléthon. » Cet appel explicite au boycottage ( c’est le premier depuis la création du Téléthon) figure sur le site Internet du diocèse de l’évêché de Fréjus-Toulon [1]. Il n’est pas signé de l’évêque, mais d’un certain Pierre-Olivier Arduin, « responsable de la formation éthique » et de la « commission bioéthique et vie humaine » de ce même évêché [2].
Le 18 novembre, ce diocèse organise une première journée de débats entre catholiques sur « différents sujets intéressant l’Eglise et la société », dont « bioéthique et vie humaine ». « La contribution de Pierre-Olivier Arduin s’inscrit dans ce débat public d’idées », précise l’évêché. Dans le collimateur de celui qui se présente comme un « doctorant en bioéthique », le diagnostic préimplantatoire (DPI), « dont l’objectif est, selon lui, de trier les embryons pour éliminer ceux qui sont malades ». « Le DPI est venu appuyer le diagnostic prénatal (DPN) dans une grande stratégie eugéniste mise en scène de manière triomphale : les bébéthons qui sont sains parce que n’ayant jamais été malades ne sont que les survivants d’avortements programmés in vitro ou in utero », accuse-t-il.
Pour l’heure, l’évêque, Dominique Rey, refuse de commenter la prise de position de son responsable. Le diocèse s’est contenté de « préciser » sur son site Internet que « le Téléthon est une magnifique oeuvre de générosité. Mais toute recherche doit obéir à des règles éthiques qui doivent prendre en compte la dignité de la personne humaine, et en particulier considérer que l’embryon n’est pas un simple matériau » [3]. Du côté de la Conférence des évêques de France, réunie jusqu’à hier pour son assemblée annuelle à Lourdes (Hautes-Pyrénées), c’est également le silence radio.
Le texte de Pierre-Olivier Arduin a fait assez de bruit pour que l’Association française contre les myopathies (AFM), organisatrice du Téléthon, se sente obligée, hier, d’y répondre. « Chaque fois qu’elle est interrogée, l’Eglise catholique rappelle ses réserves sur la recherche sur les embryons, signale une responsable de la communication. Mais c’est la première fois que le Téléthon fait l’objet d’un appel au boycott explicite de la part d’un diocèse. »
L’attaque de Arduin n’est pas isolée, même si elle s’inscrit dans une offensive cantonnée au cercle étroit mais actif des catholiques traditionalistes. Des associations appartenant à la mouvance « prolife » (contre l’avortement et l’euthanasie) instruisent ainsi le procès du Téléthon. En 2003, l’Alliance pour les droits de la vie a lancé un « comité pour sauver l’éthique du Téléthon ». Objectif : s’opposer à « l’utilisation des embryons humains pour la recherche ». Depuis plusieurs années, la Fondation Jérôme Lejeune mène la même bataille, affirmant que « l’argent versé au Téléthon est en partie utilisé pour éliminer les enfants myopathes avant leur naissance ».
Monseigneur Rey : "Pas de mot d’ordre"
par F. Dumas, Var-Matin, 10 novembre 2006De retour express de Lourdes, Mgr Rey a nié hier, lors d’une conférence de presse, toute volonté d’empêcher le bon déroulement de l’édition 2006 du Téléthon : Je n’ai donné aucun mot d’ordre mais la question sera tranchée lors de nos assises dans une semaine... Ce que je veux, c’est qu’un débat ait lieu, une réflexion sur l’embryon qui, pour nous, n’est pas et ne peut pas être un matériau".
Revenant sur la polémique, l’évèque n’a pas désavoué la commission bio-éthique de son diocèse mais a mis des bémols : "M. Arduin a réalisé un travail très documenté en interrogeant des médecins et des scientifiques. Il est lui-même en doctorat de bioéthique et j’ai du respect pour son travail. Mais on ne peut pas réduire la position de l’église à cette contribution".
Sur le fond, Mgr Rey est en total accord avec l’étude réalisée par sa commission. C’est sur les conclusions (ne plus participer au financement du Téléthon), il se désolidarise : "Evidemment que je suis d’accord pour que les dons continuent ! Mais je dis : attention à respecter les principes et, en l’occurrence, le caractère sacré de la vie humaine. L’embryon, c’est la vie qui commence : que ça soit à quelques jours ou lorsque le bébé vient de naître. On ne doit pas y porter atteinte et le tri sélectif y porte atteinte".
Quelques questions de principe
Le 18 novembre, l’évêché organisera à La Crau les assises de son "observatoire socio-politique" [4]. Un forum "cadre de vie" annonce le sujet : "Définir un cadre de vie chrétien qui, seul, permet le respect réel de la création". C’est dans ce cadre que la supposée "manipulation des embryons" sera débattue. Certains représentants de l’AFM pourraient s’y rendre. "J’invite tous les paroissiens à venir au forum. Ensuite, je prendrai une position en me mettant en rapport avec l’association contre les myopathies pour voir comment les fonds peuvent respecter les principes qui nous sont chers".
Reste que les dons en direction de certains laboratoires, choisis par l’Eglise, sont toujours encouragés. Fatalement au détriment de ceux pour le Téléthon.
F. Dumas
Parallèlement, on découvre sur son site Internet (à la rubrique "réunions de prières"),
que l’association Sos tout-petits a décidé de fêter son vingtième anniversaire à sa façon : le samedi 18 novembre, elle organisera un peu partout en France un « rosaire public de réparation ». A Toulon, la manifestation publique est prévue à partir de 14 h 30, place des droits de l’Homme, à côté de la place de la Liberté [sic].
Il y a deux ans, Xavier Dor était à Toulon [5] :
Des tracts distribués sur les marchés ou à la sortie des églises n’auront mobilisé qu’une quinzaine de Toulonnais, hier samedi 28 août 2004, devant l’hôpital Font-Pré pour une prière publique contre l’avortement à l’appel de Xavier Dor [6].
Le matin même, le Planning familial, avec le soutien de la LDH, avait tenu une conférence de presse pour « s’insurger contre cette manifestation publique » [7].
La présidente du Planning familial du Var devait rappeler que « l’avortement n’est pas un crime, mais un acte médical demandé par une femme responsable, ni sotte, ni parfaite, qui désire interrompre une grossesse pour des raisons qui lui appartiennent. La maîtrise de la fécondité, l’avortement et la contraception sont des droits fondamentaux pour les femmes qui ne peuvent être remis en question pour des raisons culturelles ou religieuses. »
La loi Veil autorisant l’avortement sous certaines conditions date de 1975. Ce droit des femmes a été renforcé par la loi du 4 juillet 2001. Les deux associations déplorent qu’il ait fallu trois ans pour que tous les décrets d’applications soient publiés.
La présidente du Planning familial concluait : « nous continuerons de combattre pour l’application de la loi de 2001. » [8]
[1] Le site du diocèse de Fréjus-Toulon : http://diocese-frejus-toulon.com/.
[2] Est-ce un homonyme qui affiche sur le blog de Christine Boutin son attachement à la députée UMP aux positions pro-life bien connues ?
"Chère Madame,
J’étais votre délégué départemental sur le Var lors des élections présidentielles de 2002 au cours desquelles nous vous avions organisé un très beau déplacement de Sophia-Antipolis jusqu’à Toulon. Je reste très attaché à votre personne et ai une confiance inébranlable en vos convictions. Cependant, toute mon équipe s’est dissoute après votre choix de rallier l’UMP, et les personnes qui ont voté pour vous sont très déçues que vous n’ayez pas gardé une certaine indépendance.
Un seul exemple. Je suis doctorant en bioéthique et je ne vois aucune perspective de défendre la primauté de l’être humain de sa conception jusqu’à sa mort naturelle au sein de l’UMP. Que faire ? Il y a beaucoup de personnes qui seraient prêtes à donner beaucoup pour vous mais à condition de ne pas avoir l’impression d’être dupés par des compromissions.
Pourquoi ne pas faire comme Rocco Butiglione en Italie qui a son propre parti indépendant (Démocratie chrétienne) qu’il associe en fonction du contexte à d’autres formations politiques ?
Bien sincèrement et ne doutant pas de la flamme qui vous anime,
Pierre-Olivier Arduin".
[3] On remarquera que le texte de Pierre-Olivier Arduin est repris sur le site http://www.sos-tout-petits.org, à la page actualités.
[4] Contact : Yann de Rauglaudre, directeur de la communication du diocèse de Fréjus-Toulon 04 94 27 92 65.
[5] D’après Var-Matin, édition de Toulon, le 29 août 2004.
[6] Xavier Dor, est un catholique intégriste de la mouvance du FN. Plusieurs fois condamné pour entrave à l’IVG, il a participé à plus de deux cents actions du type "commando anti-IVG" en France. Il se déclare également opposé à toute forme de contraception, qu’il considère comme « un artifice de pseudo-liberté ».
L’association SOS tout petits a été fondée en 1986 par Xavier Dor, alors chercheur en embryologie à l’INSERM et médecin à la Salpêtrière, et Françoise Robin, ancienne infirmière anesthésiste. Il s’agit d’une association loi 1901 qui se donne pour objectif de défendre la vie, de la conception à la mort, par la prière et la récitation du rosaire. Il serait intéressant de connaître ses statuts : elle ne compterait que cinq membres. L’association est issue du mouvement Laissez-les-vivre du professeur Lejeune, actif dans les années soixante-dix, lorsque le débat sur l’avortement battait son plein en France. L’association possède un site Internet : http://www.sos-tout-petits.org.
L’interview de Xavier Dor réalisée par Tristan Mendes France lors d’une manifestation anti-IVG organisée par l’association SOS-tout-petits , le 21 octobre 2006, place Saint-Michel à Paris, vous donnera une idée du discours anti-IVG.
[7] L’entrave à l’IVG et la publicité contre l’avortement constituent des délits sanctionnés par la loi.
[8] Le Planning familial à Toulon : 12 rue Peiresc - tél. 04 94 89 70 00.